Stevie Wonder
Stevland
Judkins Morris naît le 13 Mai 1950 à Saginaw, Michigan, un mois avant terme.
C'est un excès d'oxygène dans sa couveuse qui le rend aveugle peu après la
naissance. Après le départ de son père du foyer familial, lui et ses 5 frères
et soeurs sont élevés par leur mère, Lula Mae Hardaway. En 1954, la famille
s'installe à Detroit, où Stevie découvre la musique. À 7 ans, il prend ses
premières leçons de piano, puis devient soliste dans le choeur de la Whitestone
Baptist Church. Mais il écoute aussi le rythm'n'blues que diffusent abondamment
les radios locales, notamment Sam Cooke et Ray Charles. Sa
passion dévorante pour la musique le pousse aussi à s'intéresser à d'autres
instruments, comme l'harmonica, qui deviendra un de ses atouts majeurs, ou la
batterie, qu'il jouera plus tard assez fréquemment sur ses albums.
Présenté
à Brian Holland et Berry Gordy par un des membres des Miracles, Ronnie White, il n'a que 11
ans lorsqu'il signe chez Motown. Sous le surnom de Little
Stevie Wonder, il enregistre son premier titre en 62, I Call It Pretty Music (But The Old People Call It The
Blues), mais c'est son 4e single, Fingertips,
qui lui ouvre en 63 les portes du succès. Cette chanson, extraite de l'abum
live The 12 Year-Old Genius (avec un
certain Marvin Gaye à la batterie), est le premier enregistrement public
à atteindre la 1ere place des charts...
Durant
cette adolescence peu banale, le jeune Stevie est complètement pris en charge
par Motown : On engage un précepteur pour s'occuper de son éducation lorsqu'il
ne peut pas se rendre à l'institution pour aveugles où il est inscrit, et sa
carrière artistique est confiée au producteur Clarence Paul. À partir de 64,
son nom s'abrège simplement en Stevie Wonder, et chacune de ses
nouvelles chansons confirme un peu plus le succès des précédentes: Uptight, Nothing's Too Good
for My Baby et A Place In The Sun en 66,
I Was Made to Love Her en 67, For Once in My Life, My
Cherie Amour, Signed Sealed Delivered (I'm
Yours) en 69...
En 70, Stevie épouse une autre artiste de Motown,
la chanteuse Syreeta Wright, avec laquelle il collabore aussi sur le
plan artistique jusqu'à leur divorce en 72. En 71, lorsqu'il atteint sa
majorité légale, Motown doit lui payer les royalties accumulées depuis le début
de sa carrière. Mais au lieu des 30 millions de dollars qu'elle lui doit, la
compagnie ne lui verse qu'un seul million. Ce litige le place en position de
force pour arracher à Motown un statut de relative indépendance, comme Marvin
Gaye y était déjà parvenu peu de temps auparavant. Il monte alors sa propre
maison d'édition, Black Bull Music, et son studio d'enregistrement,
Taurus Productions. Cette structure lui permet à la fois de composer et
réaliser ses albums librement (mais toujours financés et distribués par Motown)
et de préserver ses intérêts financiers. Il suit aussi des cours de
composition, et s'intéresse de très près à l'évolution d'un type d'instrument
relativement nouveau, les synthétiseurs. Cette époque est un réel tournant dans
la carrière de Stevie Wonder, puisque ces nouvelles possibilités lui permettent
enfin de s'affirmer en tant que compositeur, auteur et producteur, et non plus
comme un simple interprète à l'immense talent.
C'est ainsi que naissent ses premiers albums vraiment personnels Where I'm Coming From et Music of My Mind, qu'il enregistre pratiquement
seul, avec l'aide de Robert Margouleff et Malcolm Cecil pour la programmation
des synthés.
Il
lui arrivera encore souvent par la suite de jouer la plupart des instruments
lui-même. Durant cette même période, il étend encore sa notoriété en
participant à une tournée des Rolling Stones. Stevie n'a alors que 21 ans !...
Ces deux premiers albums ne connaîtront qu'un succès d'estime mais montrent le
chemin que va prendre désormais la musique de Stevie Wonder : intégration de
sons synthétiques, et notamment de parties de basse d'une virtuosité sans précédent
avec l'élargissement de la palette harmonique des chansons. Wonder est le premier musicien populaire à
utiliser naturellement, non seulement des accords de jazz, mais aussi des
agrégats de tons, qui ne peuvent être réduits en tierces successives, voire
identifiés.
Les albums qui vont suivren respirent une joir de jouer (et de se jouer des difficultés) et une joir de découvrir qui font de Stevie Wonder bien plus que le plus grand musicien "souil" des années 70 - une sorte de prophète exalté par la prise de conscience des ses moyens créatifs. Autant dire que ces disques sont - tous - indispensables :
§
Talking
Book en 72, est un
aboutissement, la vraie révélation de l'immense talent de Stevie Wonder avec le
funk poly-rythmique et le riff de clavinet diabolique Superstition
(écrit pour Jeff Beck qui l'enregistre peu après sur son album BBA) et la douceur de la ballade You Are the Sunshine of My Life qui deviendra un
classique de juke-box et de piano-bar, au point d'être chanté par Brigitte
Bardot et Sacha Distel...
§
Innervisions en
73, contenant une collection de tubes, d'une densité supérieure à ceux de
l'album précédent, dont sont extraits Higher Ground
et Living for the City
§
Fulfillingness'
First Finale en 74, avec notamment,
marque touefois un certain repli musical et spirituel, même si Wonder y
poursuit son exploration des styles musicaux les plus divers du reggae (Boogie on Reggae Woman) au funk (You Haven't Done Nothin).
§
Songs
In the Key of Life en 76, que
beaucoup vont considèrer comme son chef d'oeuvre, recèle un de ses plus grands
standards, Isn't She Lovely, composé pour
célébrer la naissance de sa fille Aisha (où ses prouesses d'harmoniciste sont
une nouvelle fois imparablement utilisées), mais aussi, Sir Duke, un hommage à Duke Ellington, emmené par un
irrésistible motif de saxophones et I Wish.
Mondialement salué par le public comme ses pairs
(il récolte quinze Grammy Awards entre 1973 et 1976, remportant trois fois de suite
le trophée de l'album de l'année), Stevie va curieusement se consacrer ensuite
sur le double album, principalement instrumental, qui sert de bande-son au film
Journey Through the Secret Life of Plants.
Paru en 1979, l'album, décevant l'imense majorité de ses fans, est un
semi-échec commercial. Cette grande déception sera en grande partie effacée
l'année suivante par la parution de l'album Hotter
Than July qui renoue avec le succès
grâce à Master Blaster (Jammin'), et surtout un
Happy Birthday dédié à Martin Luther King.
Wonder a en effet beaucoup milité pour que le jour anniversaire du Dr King soit
déclaré férié, ce qui est finalement adopté le 20 Octobre 83.
Dans les années 80, les albums se succèdent à un rythme moins soutenu, et sont
d'une qualité plus inégale, mais quelques hits incontournables lui permettent
d'asseoir solidement sa popularité: Ebony and Ivory,
en duo avec Paul McCartney, I Just Called to
Say I Love You, ... En 1985, le nouvel album tant attendu, In Square Circle, montre un Stevie Wonder qui
semble avoir épuisé son inspiration mélodique - alors qu'il n'a encore que
trente-cinq ans ! - mis à part l'unique tube qui en est extrait, Part-Time Lover. En 1987, Characters
pêche aussi par son manque d'esprit d'aventure.
Depuis les années 90, son activité s'est encore ralentie, les disques et les
tournées sont de plus en plus espacés. En 91, Wonder revient en force avec la
B.O. du film Jungle Fever de Spike Lee, puis enregistre en 95
l'excellent album en public Natural Wonder.
Bien qu'il soit moins sur le devant de la scène depuis plusieurs années, Stevie
Wonder est indéniablement un des artistes-clé de la Soul Music contemporaine.
Par sa créativité musicale et la pertinence de ses textes (traitant souvent de
sujets brûlants comme la guerre, la drogue, l'égalité raciale...), il fait
partie, à l'instar de Curtis Mayfield ou Marvin Gaye, de ceux qui
ont permis à cette musique de survivre à l'épreuve du temps, en s'intégrant aux
nouveaux courants musicaux sans pour autant renier ses origines.