Jean FERRAT
Jean
Tenenbaum, futur Jean Ferrat, naît le 26 décembre 1930, à Vaucresson dans la
région parisienne. Il est le plus jeune d'une famille modeste de quatre enfants
élevés par un père joaillier et une maman fleuriste. En 1935, ses parents
s'installent à Versailles où quelques années après Jean entre au Collège Jules
Ferry. Lorsque la Deuxième Guerre mondiale éclate, son père est déporté. A 15
ans, Jean quitte le lycée pour travailler afin d'aider un peu sa famille. Il
commence parallèlement des études de chimie, mais déjà son attirance pour la
musique et le théâtre se dessine très nettement. Dès
le début des années 50, il entre dans une troupe de théâtre et commence à fréquenter
les cabarets. Il compose quelques titres et devient guitariste dans un
orchestre de jazz. A partir de 52, il passe des auditions sous le nom de Jean
Laroche mais sans trop de succès. Cependant, il décide de se consacrer
entièrement à la musique et abandonne ses études et son travail.
En 1956, il met en musique un poème de Louis
Aragon, Les yeux d'Elsa. Jean Ferrat voue une grande admiration au poète
français dont, tout au long de sa carrière, il chantera nombre de poèmes. Son
éditeur de l'époque a l'idée de faire interpréter ce titre par André Claveau,
chanteur très populaire dans les années 50, ce qui apporte au jeune artiste un
début de notoriété. Les engagements ne se multiplient pas pour autant. Mais en
1957, il décroche un vrai contrat au cabaret La Colombe où il fait la première
partie de Guy Béart avec la chanteuse également débutante, Anne
Sylvestre. En 1958, il enregistre un tout premier 45 tours, mais qui ne
connaît guère de succès. Cette même année, une jeune chanteuse du nom de
Christine Sèvres interprète certains de ses titres. Elle devient sa compagne,
puis son épouse en 61.
Les
événements s'accélèrent pour Jean Ferrat qui en 1959 rencontre celui qui
restera jusqu'à aujourd'hui son éditeur et son ami, Gérard Meys. Grâce à cette
rencontre, il signe un contrat chez Decca. Puis en 1960, sort son second 45
tours de quatre titres dont Ma Môme, chanson populiste qui lui vaut son premier succès en radio.
Sur le même disque, on trouve aussi un titre consacré à Federico Garcia
Lorca, poète espagnol auquel il consacrera d'autres textes et dont il
chantera également les poèmes. Ces deux titres illustrent bien les deux
directions que prend l'oeuvre de Ferrat soit d'une part un répertoire consacré
à l'amour et à la fraternité, et d'autre part un répertoire motivé par la lutte
contre toute forme d'oppression. Ces deux aspects se recoupent d'ailleurs bien
souvent, mais l'engagement politique et humaniste du chanteur reste une
caractéristique majeure de son travail. Proche du parti communiste, il gardera
toujours un jugement très critique vis à vis de l'Union soviétique. Cet aspect
de sa carrière lui vaudra de nombreux ennuis avec la censure et les autorités,
mais fort d'une personnalité sincère et intègre, Jean Ferrat ne cessera jamais
de s'exprimer sur les sujets qui le révoltent.
En 1961, Jean Ferrat est
engagé pour six mois à l'Alhambra dans le spectacle de la chanteuse et
danseuse Zizi Jeanmaire. Il sort également son tout premier 33 tours qui
lui vaut le Prix de la SACEM (Société des Auteurs Compositeurs). Cette fois, sa
carrière est lancée mais le succès public n'est pas encore vraiment au
rendez-vous.
En 1962, il part en tournée à
travers la France et obtient de nombreux prix : le Prix Henri Crolla
pour la chanson Federico Garcia Lorca, le Prix de la Société des Auteurs et le Grand prix
de l'Académie nationale du Disque. La reconnaissance professionnelle est
incontestable. Le public commence à s'intéresser réellement à lui avec la
chanson Deux enfants au soleil tirée du premier album et aussi rendue célèbre par
l'interprétation d'Isabelle Aubret.
Le second 33 tours qui sort en
62 obtient un léger succès, mais c'est en 1963, l'album Nuit et brouillard qui marque
un vrai démarrage. Ce titre, qui évoque la déportation, reste un titre majeur
de son répertoire et marque fortement les esprits jusqu'à aujourd'hui. La
diffusion de la chanson est plutôt "déconseillée" aux radios, mais le
public ne reste pas indifférent à la force des propos de Jean Ferrat. Cet
album, entièrement écrit par Ferrat, obtient le prix de l'Académie Charles
Cros.
En 1964, sort un autre de ses
plus fameux succès, La Montagne. Cette chanson, extraite de l'album du même nom, évoque
l'Ardèche, région de France chère au cour de Jean Ferrat qui s'installe cette
année-là dans le village d'Antraigues qu'il ne quittera jamais. En janvier
1965, il passe en vedette à l'Alhambra. Un nouvel album sort également avec le
titre Potemkine qui
provoque à nouveau un débat d'idées autour du communisme et de l'Union
soviétique que Ferrat égratigne dans son texte. Cette chanson, interdite de
télévision en France, l'empêche également d'effectuer un voyage en URSS peu
après. Cette même année, il varie un peu son travail en écrivant la musique de
deux films dont celui de René Allio, "La Vieille Dame indigne". Puis
en janvier 1966, il remonte sur scène, cette fois à Bobino.
En
1967, Jean Ferrat effectue un voyage à Cuba qui le marque artistiquement,
politiquement et humainement. Le séjour dure deux mois et demi et Ferrat y
donne une dizaine de concerts. Dès son retour, après un passage au Mexique, il
enregistre un album fortement empreint de cette expérience.
Les titres qui en
ressortent sont Santiago et Guerilleros. C'est également suite à ce voyage que le
chanteur laisse pousser sa célèbre moustache. L'année
suivante, c'est 1968 et son célèbre mois de mai. Jean Ferrat participe à des
soirées organisées pour les grévistes à Bobino.
Mais lorsque les chars russes envahissent Prague en
Tchécoslovaquie, il reprend sa plume pour protester. Désormais très connu, il
enchaîne les tournées en Europe, en Afrique du nord et au Canada où il est très
populaire. Fou de poésie, il fait parfois appel à des écrivains et poètes pour
écrire ses textes. Un de ses principaux compagnons en matière d'écriture est
son ami le poète Henri Gougaud avec qui il écrit une grande partie des titres
de l'album qui paraît en 1969. De leur collaboration, on retient "La
Matinée", duo entre Ferrat et son épouse. Jean Ferrat connaît à travers
cet album de nouveaux démêlés avec la censure autour essentiellement du titre
"Ma France".
Outre
un nouvel album en 1970, le chanteur donne douze récitals triomphaux au Palais
des Sports et continue les tournées. L'année suivante, Jean Ferrat retrouve
Louis Aragon et publie le célébrissime album Ferrat
chante Aragon. Sorti dans la discrétion, ce disque se vend en
quelques mois à près d'un million d'exemplaires, chiffre doublé depuis. Un
deuxième disque sort la même année avec une autre version très connue d'un
poème d'Aragon, Aimer à perdre la raison.
Las des tournées, Ferrat
décide de faire ses adieux à la scène en 1972 du 6 au 29 octobre, au Palais des
Sports. La même année Christine Sèvres arrête également totalement la chanson.
A partir de cette époque, Jean Ferrat se fait plus rare. Ses productions
discographiques s'espacent et après une ultime tournée 1973, on ne le reverra
presque plus sur scène.
Fin 1975, il revient au devant
de l'actualité musicale avec son album La Femme est
l'avenir de l'homme. Le succès est énorme et
500.000 albums s'écoulent en un mois. Outre la chanson-titre, qui avec La Montagne est peut-être sa chanson la
plus célèbre, on doit noter un texte contre la guerre du Vietnam (Un air de liberté), ainsi qu'un nouveau poème
d'Aragon (Dans le silence de la ville) et d'Henri Gougaud (Mon chant est
un ruisseau). L'année suivante, il réenregistre
une dizaine de titres de ses débuts. Puis en 1979, il sort un autre album
d'anciennes chansons cette fois choisies dans sa production des années 70.
A la fin des années 70, sa
maison de distribution Barclay, propriétaire d'une grande partie de sa
production, est rachetée par Polygram. A cette occasion, Jean Ferrat et son
complice et éditeur Gérard Meys décident de réenregistrer la plupart de ses
titres afin d'en conserver les bandes. Arrangées par Alain Goraguer,
cent-treize titres sont donc réactualisés entre 1979 et 1980.
En septembre 80, sortent les
douze volumes réunissant ce travail. La même année, il sort un album dont il
signe l'intégralité des textes et des musiques, Le Bilan. En quelques semaines, les
ventes atteignent le million d'exemplaires. Le titre de l'album reflète le
recul de plus en plus important que Ferrat prend par rapport au parti
communiste. Parallèlement, on trouve sur cet album de magnifiques chansons
d'amour et de tendresse telle L'amour est cerise. En 1981, il reçoit le Diamant de l'année pour l'ensemble de
son oeuvre.
Après
le décès de son épouse Christine Sèvres en novembre 81, Jean Ferrat se retire
quelques années avant d'enregistrer un nouvel album qui sort en 1985, Je ne suis qu'un cri. Les
quatorze textes du disque sont entièrement écrits par Guy Thomas, poète et
professeur de Lettres. Cette année-là, Jean Ferrat fait également un retour
médiatique très remarqué et très commenté dans une émission spéciale concoctée
par Bernard Pivot, le journaliste littéraire le plus célèbre de la télévision
française.
En 1990, la SACEM
lui remet sa médaille d'or. Puis, Ferrat sort l'année suivante l'album
"Dans la jungle ou dans le zoo" dont il signe la totalité des titres.
Deux ans après 1989 et le bicentenaire de la Révolution française, Ferrat évoque
cet événement dans "Le Bicentenaire". L'amour est toujours au
rendez-vous avec "Chante l'amour" ou "Mon amour sauvage",
quant au titre de l'album, il illustre à nouveau la face politique de son ouvre
en évoquant le monde capitaliste ("la jungle") et le monde communiste
("le zoo"). Comme en 1985, une émission de télévision est à cette
occasion spécialement montée autour de l'événement que représente la rentrée de
Jean Ferrat, artiste de plus en plus rare et pourtant éminemment populaire et
apprécié d'un large public. Près de vingt ans après avoir quitté la scène,
cette émission permet à Ferrat d'interpréter une quinzaine de ses titres
entouré d'un orchestre de quarante musiciens dirigés par Alain Goraguer. Après une intégrale 61-91 qui sort en 1991, Jean Ferrat se
consacre au premier volume d'une intégrale Ferrat/ Aragon qui sort en 92, suivi
en 1995 d'un deuxième volume de seize nouveaux poèmes. Le disque se vend très
bien et devient Disque de platine (300.000 exemplaires vendus). Ce succès
s'accompagne d'une tournée au Québec en 995.
Alors qu'on
ne l'avait pas revu sur une scène française depuis 1972, Ferrat chante en
public lors d'un petit festival du sud de la France, à Alès, le 8 août 98. En
fait, le chanteur n'interprète qu'un seul titre à la fin d'un concert donné en
son honneur et au cours duquel une chorale de 700 choristes reprend ses plus
grands succès. Deux ans plus tard, c'est le Festival de Barjac dans le Sud de
la France qui est à l'honneur de Jean Ferrat. De nombreux invités chantent son répertoire
dont Isabelle Aubret. En 2001 et 2002, Jean Ferrat pousse
quelques colères à l'encontre des médias publics. Selon lui, ils excluent
volontairement de nombreux artistes français au profit d'une variété
commerciale. Dans une lettre à la directrice générale de la seconde chaîne de
télévision française, Michèle Cotta, puis dans quelques articles de presse, il
prend en particulier la défense d'Isabelle Aubret. Très rarement invitée sur
les plateaux, elle est l'emblème pour Jean Ferrat, d'une large partie de la
chanson française absente de la scène médiatique au dépend de "la
diversité culturelle". A
la fin de l'année 2002, le chanteur sort Ferrat en scène, enregistrement réalisé en public en 1991, avec
des arrangements de son ami Alain Goraguer. En janvier 2003, il est l'invité
d'une émission dominicale française célèbre, Vivement dimanche pour
présenter ce live.