C'est dans un village à l'est de Paris, à
Brou-sur-Chantereine, que naît Jacques Joseph Victor Higelin le 18 octobre
1940. Son enfance est marquée par la guerre et les bombardements. Elevé dans
une famille modeste avec son frère Paul, Jacques est bercé très jeune par le
piano de son père, qui cheminot de métier, consacre beaucoup de temps libre à
la musique. L'enfant aime chanter et apprend les grandes chansons de l'époque,
de Maurice Chevalier à Charles Trenet, influences que l'on
retrouvera tout au long de sa vie musicale. Après la guerre, outre la chanson,
Jacques découvre le jazz.
Nouvelle révélation. Encouragé par son
père, le jeune garçon commence petit à petit à chanter dans les cinémas,
pendant les entractes, puis lors de radio-crochets (concours de chanteurs
débutants), au cours desquels il se fait remarquer. Se sentant plus intéressé
par l'univers du spectacle que par les études, Jacques quitte l'école à 14 ans.
Il commence par travailler quelques temps avec un cascadeur. De petits
engagements en contrats plus importants, il se retrouve dans une comédie
musicale, Nouvelle Orléans, aux côtés du jazzman américain, Sidney Bechet.
Il apparaît dans de nombreux petits rôles au cinéma. C'est à ce moment-là,
qu'il rencontre Henri Crolla, guitariste d'origine gitane et compositeur
pour Yves Montand ou Edith Piaf. Avec lui, il apprend la guitare
et parallèlement, se met au piano et à la clarinette.
Au début des années 60, il s'inscrit aux
cours d'art dramatique de René Simon. Elève brillant, il reçoit le prix
François Périer. La chanson est à cette époque au second plan. En 1961, Jacques
Higelin, part faire son service militaire. Après l'Allemagne où il se forme au
piano jazz grâce à des groupes locaux, il part en Algérie pour six mois. Il y
rencontre Areski Belkacem, musicien algérien, avec qui il se lie d'une
amitié très forte. Là-bas, il continue de pratiquer son métier en animant les
soirées et les bals des officiers. A son retour en 63, Higelin reprend le
cinéma (Bébert et l'omnibus d'Yves Robert) et le théâtre. Il commence à
diversifier son travail et passe d'un théâtre très classique (Musset) à des
créations plus expérimentales. C'est ainsi qu'il rencontre la troupe de Marc'O
et se lie avec des comédiens comme Bulle Ogier ou Jean-Pierre Kalfon. Il se
tourne également vers le café-théâtre, formule plus informelle, plus novatrice
et souvent révélatrice de jeunes talents.
Entre chanson et comédie, le café-théâtre
permet à Higelin de s'épanouir sur scène. Il accompagne Georges Moustaki,
chante Boris Vian aux Trois Baudets. Puis fin 64, à la Vieille Grille,
il participe à des spectacles délirants (Mélancaustique, Maman j'ai
peur) avec le comédien Rufus, et surtout Brigitte Fontaine,
artiste fantasque et imprévisible. Entre leurs deux folies, s'installe une
amitié profonde et une collaboration artistique étincelante.
En 1965, l'audacieux directeur artistique
et producteur Jacques Canetti, remarque le duo, et leur donne l'occasion
d'enregistrer deux disques coup sur coup : Douze
chansons d'avant le déluge, puis Quinze
chansons d'avant le déluge, albums dans lesquels ils revisitent le
répertoire de Boris Vian. Sans abandonner le théâtre et le cinéma, Higelin se
tourne de plus en plus vers la chanson. Révolté et idéaliste, il se lance dans
un répertoire plus politique avec Catherine Ribeiro et François
Béranger. Lors des événements de mai 1968 (révolte étudiante, grève
générale), il trouve une plate-forme de liberté pour renouveler son
inspiration. Il refuse de répondre aux médias officiels et devient la
coqueluche des étudiants. Toujours prêt à se rebeller contre les institutions
et le système, il impose l'image d'un personnage épris de liberté. A cette
époque, Higelin retrouve son ami Areski. Ce dernier devient le compagnon
de Brigitte Fontaine, et tous trois, ils rejoignent le tout jeune label
Saravah. Laboratoire musical prêt à offrir un terrain de création à des
artistes de tous horizons et de toutes origines, Saravah est créé par Pierre
Barouh, compositeur de la célébrissime chanson du film de Claude Lelouch, Un
Homme et une femme. C'est en 1969 avec Areski qu'Higelin enregistre son
premier album sur ce label. Il trouve là l'occasion de donner libre cours à son
talent de compositeur.
En cette fin des
années 60, les lieux et les initiatives de création sont innombrables. Au
théâtre du Vieux Colombier, Higelin participe souvent à des concerts
"happening". On le voit aussi improviser avec les musiciens de l'Art
Ensemble de Chicago ou avec les groupes Wild Angels ou Pretty
Things. Enfin, avec Fontaine et Areski, il joue la pièce Niok au
petit théâtre du Lucernaire. Très impliqué dans l'intense activité artistique
underground du Paris de l'époque, Higelin prend de nombreuses directions. Tout
le passionne : la chanson, le théâtre, le spectacle, soit la création sous
toutes ses formes. Improvisateur de génie, poète à l'imagination fulgurante,
Higelin dépasse le cadre de l'art et s'investit aussi activement dans une
certaine lutte politique et sociale. En mai 1971, il revisite l'Internationale
lors des fêtes célébrant le centenaire de la Commune, violente révolte
populaire et ouvrière dans la France du XIXème siècle. Le public commence à
découvrir l'ampleur du talent d'Higelin et surtout, la folie totale et
fascinante qu'il déploie lorsqu'il monte sur scène. C'est son lieu, son
univers.
Les concerts organisés par Saravah à cette
époque prennent des tournures parfois inattendues. Higelin établit un contact
unique avec le public qui en redemande. Lors de soirées au théâtre du Ranelagh,
le concert se finit parfois dans la rue ! Ce n'est que le début d'une longue
histoire entre l'artiste et le public. 1971 est aussi l'année de sortie du tout
premier album solo de Jacques Higelin, Jacques
"Crabouif" Higelin. Entièrement signé Higelin, ce disque
prouve la qualité de ses musiques et de ses textes, poétiques et bouleversants
(Je suis mort qui dit mieux). Mais,
après ces années un peu folles, Higelin décide de quitter Paris. Entre 71 et
73, il voyage et vit dans des communautés installées dans les Alpes ou dans le
Lubéron dans le sud de la France. Il ne disparaît pas pour autant et continue à
donner des concerts dans de petites villes ou des villages de province. On le
voit aussi dans le film de Gérard Pirès, Elle court, elle court la banlieue
en 1972 aux côtés de Marthe Keller. En 1973, il fait la première partie du
groupe de reggae Sly & Robbie à l'Olympia. Tout de blanc vêtu,
Higelin donne l'image d'un pierrot lunaire seul avec son accordéon. Mais en
quelques mois, il effectue un virage radical dans son style et dans sa musique.
Le baladin se transforme en rocker. Sans perdre sa poésie et son lyrisme, il
l'exprime différemment. On découvre un Higelin offensif, voire agressif, qui
laisse deviner un courant punk prêt à exploser. Nous sommes en 1974 et Higelin
à 34 ans. D'un hippie des champs, il devient un rocker urbain, provocateur et
sombre. L'ombre de David Bowie n'est pas loin et se devine derrière le
maquillage et l'ambiguïté du personnage. Mais Higelin porte assez de forces
créatrices en lui pour imposer un personnage nouveau et inédit dans le paysage
musical de la France des années 70, alors en pleine refonte.
L'explosion a lieu avec l'arrivée dans les
bacs de son album BBH 75 le 5 décembre
1974. Le public est surpris mais profondément séduit par ce rock noir et
cinglant. Avec ses complices, Simon Boissezon à la guitare et aux compositions,
et Charles Benarroch à la batterie, il enregistre le disque en une semaine. Sa
franchise envers le milieu musical fait figure de manifeste, Chaud chaud bizness show, et son indignation
politique est acide et interrogatrice avec Est-ce
que ma guitare est un fusil ?. La même année, naît son deuxième
fils, Ken. Déjà âgé de huit ans, son fils aîné, Arthur, s'initie à l'imaginaire
généreux de son père, pour créer beaucoup plus tard son propre univers musical
délirant sous le nom d'Arthur H.
Le 14 janvier 1976, sort Irradié, album enregistré dans les studios du
Château d'Hérouville au sud de Paris. Avec sa compagne Kuelan et son fils,
Higelin s'installe dans la bergerie du château pour prendre du recul par
rapport à une vie parisienne où, selon lui, la drogue envahit de plus en plus
la création rock. Il s'entoure d'un nouveau groupe, les Super Goujats,
dont fait partie un jeune guitariste de 21 ans, Louis Bertignac, futur
membre du groupe Téléphone. L'album est toujours rock, mais empreint
d'une grande tendresse. Dès l'album suivant, Alertez
les bébés, il confirme cette volonté d'une vision optimiste de
l'existence. C'est un disque gai, enregistré dans une ambiance conviviale
durant l'été caniculaire de 1976. Higelin s'entoure de nouveaux musiciens, dont
Jacky Thomas à la basse, Michel Santangeli à la batterie et Pierre Chérèze à la
guitare. Leur collaboration durera près de dix ans. Entre espoir et blues, les
dix titres de ce disque reflètent simultanément la fraîcheur et la violence
qu'Higelin porte en lui, symbolisées par les chansons complémentaires, Aujourd'hui la crise et Demain (ça sera vachement mieux). Sorti en
novembre, l'album reçoit le Prix de l'Académie Charles Cros et marque, pour
l'artiste, la reconnaissance publique et critique.
Lancé sur la voix du succès, Higelin est
enfin un artiste à part entière connu et reconnu comme tel. Il écrit, il
compose, il se consacre enfin à sa propre inspiration, à son propre répertoire.
Mais surtout, Higelin devient un artiste de scène impressionnant et très
physique. Ses spectacles sont des occasions d'établir un contact très fort avec
le public. Il le hèle, l'interpelle, le prend à partie en permanence. Et ça
marche. Le public adore être accueilli chaleureusement et Higelin est un hôte
généreux. De plus, les mises en scène sont souvent fastueuses, originales et
hautement imaginatives. Le chanteur-comédien aime se travestir et se maquiller.
Aucun de ses concerts ne ressemble au précédent. De tournées en festivals,
Jacques Higelin enflamme les théâtres et les chapiteaux de France. En avril 1977,
Jacques Higelin participe à la première édition du festival du Printemps de
Bourges qui à ses débuts, est créé pour résister à une certaine censure des
médias envers une chanson française, plus rock, plus indépendante, plus
alternative dont le festival se fait l'écho, et dont Higelin fait partie. Du 15
au 30 septembre, l'artiste et son équipe enregistrent l'album No man's land au Château d'Hérouville.
Profondément poétique, ce disque révèle aussi une certaine morosité
sentimentale. Le titre Pars devient le
premier vrai tube d'Higelin, qui enregistra cette chanson en pleine nuit, à la
lueur des bougies. Outre le chant, il en assure les parties de basse et
d'accordéon, mais aussi de mellotron. Cet instrument, qui imite le son du
violoncelle, fut crée spécialement pour David Bowie, lequel le prêta à Higelin.
C'est une production majeure de son
répertoire que Higelin sort le 10 décembre 1979. D'autant plus, que ce sont
deux albums simultanés et complémentaires qui envahissent l'actualité cet
hiver-là, Champagne pour tout le monde
et Caviar pour les autres. C'est à la
Nouvelle-Orléans, aux Etats-Unis, que Higelin commence à enregistrer. Fan de
swing, de jazz, de boogie, le Français découvre en Louisiane un véritable
paradis musical. Mais il ne parvient à réaliser vraiment ce qu'il désire. De
retour en France, il fait appel à son complice et ingénieur du son, Laurent
Thibault. Le duo insuffle un désordre joyeux à l'ensemble du travail.
L'atmosphère des deux albums est hautement théâtrale comme le nouveau personnage
diabolique que Higelin se forge à cette époque. Le succès commercial de ces
deux disques marque un sommet dans la vie musicale du chanteur. Il enchaîne les
tubes : Tête en l'air, Hold tight, et surtout son titre-phare, Champagne. De salle en salle, le public répond au
lyrisme scénique du chanteur, que ses détracteurs qualifient de pompeux. En
décembre 79, il donne un concert mémorable sous le pavillon Baltard en banlieue
parisienne. Puis un an plus tard, c'est au théâtre Mogador, qu'il triomphe et
enregistre un album qui sort en mai 81. Il sera triple disque d'or. Si Jacques
Higelin s'enferme dans des délires parfois excessifs, son désir de renouveler
en permanence les expériences musicales demeure intacte.
Pour fêter l'élection du nouveau Président
de la République François Mitterrand en mai 81, Higelin donne un concert avec
le groupe Téléphone en plein Paris, place de la République. En 1982, les
tournées et spectacles continuent intensément. Il s'installe huit semaines au
Cirque d'Hiver où il crée Jacques Joseph Victor dort, spectacle entre
théâtre et chant. Puis, il tourne longuement et triomphalement en province avec
un passage mémorable à Paris le 21 juin pour la Fête de la Musique lors de
laquelle, perché sur un camion, il entraîne des milliers de personnes à travers
les rues de la capitale. Au cours de l'été 82, Jacques Higelin et ses sept
musiciens enflamment le théâtre antique d'Orange devant 10.000 personnes.
Faussement paresseux, Higelin ne cesse de produire et créer. Dans l'album Higelin 82 qui sort en septembre, il signe des
ballades sublimes aux textes évocateurs. Dans La
ballade de chez Tao, il évoque sa terre d'adoption, la Corse. Mais
surtout, dans La Putain vierge ou Beauté crachée, son talent de poète transparaît
avec force. Pour ce disque, il fait appel à un nouveau bassiste, Eric Serra,
futur compositeur des musiques des films de Luc Besson, dont Le Grand bleu.
L'année 1983 est marquée par les quatre
mois que Higelin passe au Casino de Paris à partir de septembre. Tous les
soirs, devant un public ébahi mais séduit, il épouse à nouveau sa compagne
Kuelan. L'ambiance est surprenante et conviviale, comme à l'habitude. L'année
suivante, les expériences se multiplient. Il enregistre le conte musical Pierre
et le Loup de Prokofiev avec l'Orchestre national d'Israël dirigé par Zubin
Mehta et accompagné au piano par les soeurs Katia et Marielle Labèque.
Au Trocadéro à Paris, face à la Tour Eiffel, il se lance dans un spectacle
mêlant jazz et cirque, Corde raide et piano volant, au cours duquel un
funambule enjambe l'esplanade. On le voit également, aux côtés du jazzman Luther
Allison à Paris ou de la chanteuse québécoise Diane Dufresne à
Montréal, lors d'un show aussi fou et poétique que ceux du chanteur. Plus
paisiblement, il clôt l'année par une tournée africaine qui le mène du Zaïre au
Sénégal. Il y rencontre de nombreux musiciens et partage l'affiche avec des
vedettes locales, comme Stanislas Tohon au Bénin.
Le 21 octobre 1985 sort l'album Aï avec quelques tubes en puissance, Jack in the box ou La
Croisade des enfants. Réalisé par le Québécois Michel Pagliaro, ce
disque reflète une certaine inquiétude d'Higelin face à son époque et au sort,
souvent pénible, de ses contemporains. C'est entre la France et l'Andalousie,
que le disque est enregistré avec des musiciens aussi variés que Eric Serra à
la basse, Didier Malherbe (ex-Gong) au saxophone, Jean-Louis Mahjun au violon
ou Mahut aux percussions. Avec le même groupe, il s'installe quatre semaines à
Bercy devant une salle de 16.000 places. Le show est mis en scène par le
metteur en scène Patrice Chéreau. A cette occasion, il présente au public
parisien deux chanteurs africains encore peu connus en Europe, le Sénégalais Youssou
N'Dour et le guinéen Mory Kanté. Son fils Arthur fait même quelques
apparitions. Mais pour la première fois, Higelin est dépassé, débordé. Le
décor, qui représente le parvis de Notre Dame de Paris, frôle la mégalomanie.
Le résultat est un échec critique, public et surtout financier.
Assommé par cette dernière étape, Higelin prend
du recul. Il se lance dans une tournée des petites salles où il retrouve un
contact tout neuf avec le public plus proche des concerts de ses débuts. Il
tourne pour le cinéma, écrit et compose tout seul chez lui, renouvelle sa façon
de travailler. En 1987, il publie Lettres d'amour d'un soldat de vingt ans
qui renferme la correspondance amoureuse du jeune soldat Higelin 25 ans plus
tôt. Apaisé et serein, Jacques Higelin sort en décembre 1988 l'album Tombé du ciel. Conçu en solitaire, le disque est
produit par Jacno. C'est un énorme succès. Le public plébiscite en particulier Tombé du ciel, mais le titre préféré de Jacques
Higelin reste le Parc Montsouris, parc
du sud de la capitale près duquel vit le chanteur. Dès novembre, Higelin a
entamé une série de spectacles à la Grande Halle de la Villette dans le nord de
Paris. La scénographie et les jeux de lumières sont sophistiqués, et la
spontanéité d'Higelin y perd un peu. Néanmoins, c'est un fort succès. Après 45
soirées à la Villette, Higelin entame une longue tournée qui le mène au
printemps de Bourges en avril 89. En près de six mois, il a rassemblé 700.000
personnes, chiffre d'autant plus impressionnant que Higelin tient plus que
jamais à fréquenter les petites salles. Au cours de cette tournée, le chanteur
a retrouvé son amie de toujours, Brigitte Fontaine, pour des concerts
mémorables où les deux personnalités se retrouvent avec le même enthousiasme
qu'à leurs débuts.
Le 31 décembre 1989, Higelin organise un
réveillon du nouvel an au Zénith où de 21h30 à l'aube, il entraîne le public
dans une nuit endiablée. De nombreux amis les rejoignent sur scène : Paul
Personne, Raoul Petite, Didier Lockwood, Eric Serra ou
les membres du cirque Arcaos. Le succès de Tombé
du ciel, qui est rapidement disque de platine (350.000 exemplaires)
précède la sortie d'une compilation, Au cœur
d'Higelin. Higelin est un des maîtres de la chanson française. Son
succès et sa notoriété lui servent lors des luttes qu'il mène à cette époque.
En effet, on le voit de plus en plus auprès de l'association Droit au
Logement qui travaille à loger les personnes défavorisées. Toujours prêt à
descendre dans la rue pour soutenir les plus faibles ou les luttes qu'il
considère légitimes, il avait déjà soutenu les manifestations des étudiants en
1986.
A 50 ans, Jacques Higelin devient père pour
la troisième fois. Sa fille Izia naît le 24 septembre 1990, et l'album très
sobre qui sort un an plus tard est fortement empreint de cet événement. Ses
chansons sont tournées vers les points essentiels de l'existence : la
naissance, l'amour, la mort. Grâce à quelques invités dont Youssou N'dour
et le percussionniste sénégalais Dudu N'diaye Rose, Higelin intègre des
sonorités métissées. Sonorités que l'on retrouve lors des concerts qu'il donne
à partir du 17 janvier 1992 au Grand Rex. Entouré du groupe vocal
belgo-zaïrois, les Zap Mama, il crée une atmosphère généreuse où l'Afrique
tient une grand place. Après trois semaines, il recommence une tournée
française et internationale. En 1993, il tourne un film pour la télévision, Un
Homme à la mer réalisé par Jacques Doillon avec qui il avait travaillé au
début des années 70, L'An 01. Mais surtout, en 93 il travaille sur
l'album Aux Héros de la voltige qui sort
en 1994. Onzième album du chanteur, ce disque renoue avec un funk-rock
métallique mais laisse une large place à la tendresse de ses sentiments et à la
gravité de ses angoisses. Ses retrouvailles avec la scène ont lieu au Cirque
d'Hiver qui, quelques années plus tôt, a déjà longuement accueilli la famille
Higelin dont le public fait partie intégrante. Du 25 octobre au 20 novembre,
Jacques Higelin reprend sa course dans le décor sublime du Cirque d'Hiver. Fort
du succès de l'automne 94, il réintègre le même espace en mars et en avril 95.
Puis, au Printemps de Bourges, il parraine les Découvertes et offre les
premières parties de ses spectacles à de nombreux jeunes artistes, comme autant
d'espaces de liberté et de création. Outre Bourges, Jacques Higelin est aussi
un des piliers du festival des Francofolies de la Rochelle où il est présent
presque tous les ans en juillet. Même s'il n'est pas à l'affiche, il n'est pas
rare de le voir ou de le croiser lors d'un "bœuf" improvisé ça et là
pendant les journées du festival. Il consacre l'année 96 à un tour du monde en
solo. A son retour, il signe sur un nouveau label de Warner, Tôt ou Tard.
Artiste fantasque et attachant, toujours
créatif, Higelin a écrit des pages parmi les plus lumineuses et les plus
touchantes de la chanson française. Sur scène pour le public ou dans la rue
pour les personnes dans le besoin, sa sincérité est incontestable, même si elle
frise parfois la cabotinerie. Le 8 octobre 1997, il invite nombre de ses amis
artistes pour un concert au profit des immigrés Sans-Papiers. Présentée
par Claudy Siar de RFI, la soirée réunit des musiciens aussi différents que
Brigitte Fontaine et Areski, l'Algérien Cheb Mami ou Dudu N'diaye Rose.
En 1997, Higelin commence à travailler sur
son 22ème album, Paradis Païen.
Il en écrit tous les titres, excepté un, signé Areski-Fontaine, Rififi. Ce nouveau CD marque surtout des
retrouvailles avec Areski qui réalise entièrement l'album, secondé par son fils
Ali Belkacem. Le tout sort le 22 septembre 1998 et le premier extrait qui en
est tiré est une Tranche de vie. Dès le
mois d'octobre, Higelin entame une longue tournée qui démarre au Casino de
Paris du 6 au 18 octobre. Spectacle épuré, il "tient" la salle près
de trois heures, pratiquement seul sur scène avec ses instruments, accordéon,
guitares et piano, nouant avec le public une relation directe. Début décembre,
il reçoit des invités sur la scène de la Cité de la Musique. Sally Nyolo,
Brigitte Fontaine, son épouse Aziza se succèdent au cours d'un spectacle proche
de la formule de l'Olympia. Il reprend la route à l'automne 99 et clôt cette
tournée par un Olympia unique le 15 décembre. Il est cependant de retour sur
scène à Lyon pour les fêtes du 31 décembre.
En 2000, point de répit. Higelin reprend
les concerts et s'envole fort loin. Du 12 avril au 7 mai, Jack au banjo
donne une série de spectacles en Amérique du Nord, en duo avec Mahut. Cette
tournée l'amuse beaucoup et remporte un certain succès inattendu auprès des
Américains pourtant un peu surpris par ce personnage loin des clichés du
chanteur français façon Aznavour ou Julien Clerc. Quelques
articles dans des journaux aussi prestigieux que le New York Times ou le
Washington Post confirment cette réussite. Juste le temps de donner quelques
concerts à son retour en France, et toute l'équipe est repartie en Afrique de
l'Est (Djibouti, Kenya) et dans l'Océan indien en juin. Cette tournée remporte
un fort succès auprès des Français expatriés mais permet à Jacques Higelin de
rencontrer des musiciens locaux et de parfois les inviter sur scène comme ce
fut le cas à Madagascar où, à l'occasion de la Fête de la musique, le 21 juin,
il fait une large place aux artistes malgaches.
A peine de retour en France, la tournée
reprend et se prolonge une bonne partie de l'été et de l'automne avec un
passage à Beyrouth fin octobre. Début novembre, sort un album live, enregistré
avec ses trois complices, Mahut, Frédéric Deville et Gérard Tempia Bonda.
Ensemble, ils avaient tourné
tout le long de l'hiver 99-2000