La
tendance dure du rap français. Issu d'une cité de la banlieue parisienne, NTM
reflète le mal de vivre des jeunes qui y vivent, donnant aussi un aperçu de
leur quotidien gris et sans avenir. Des textes violents et parfois provocateurs
leur valent la reconnaissance de leurs fans mais parfois certains démêlés avec
la justice.
Ce
groupe de rap français est au départ constitué de Bruno Lopes, alias Kool
Shen, de Didier Morville, alias Joey Starr et de DJ'S. Les
deux premiers sont nés en 68, le dernier est leur aîné de deux ans. Ils
grandissent à Saint-Denis, dans les grands ensembles de cette banlieue
défavorisée. Kool Shen et Joey Starr vont à l'école ensemble.
Passionnés
par la culture hip hop directement
importée des Etats-Unis, Kool Shen et Joey Starr font la découverte du smurf,
danse de rue que pratiquent certains américains dès 83, sur l'esplanade du
Trocadéro à Paris, sur une musique proche de Sugarhill Gang, pionnier du
rap d'outre-Atlantique. Impressionnés par cette forme de danse, ils commencent
eux-mêmes à smurfer, une nouvelle façon de tuer l'ennui de la banlieue. En 84,
une émission française de télévision lance le phénomène : Hip Hop animée
par Sidney sert de véritable tremplin.
Les
deux amis montent un groupe, Actuel Force et remporte un grand nombre de
concours de breakdance en France. Ils tournent ensuite en Europe. Ils se
mettent aussi aux graffitis, autre forme d'expression de la rue. Le rap
d'expression française fait alors son apparition. Ses adeptes sont assez septiques
car ils ont du mal à imaginer que l'on puisse véritablement adapter le rap dans
une autre langue que l'anglais. Les premiers textes de Kool Shen et de Joey
Starr sont écrits en 89, lancés comme des défis. Ils sont alors invités à venir
rapper en direct sur une radio FM parisienne. Ils sont accompagnés d'un DJ,
DJ'S. Ils participent quelques mois plus tard à la Coupe de Paris des DJ's puis
font la première partie d'un groupe français, la Souris Déglinguée à
l'Olympia.
Représentant
la tendance dure (hardcore) du rap français, NTM ("Nique Ta Mère",
invective en cours dans les banlieues et que la maison de disques voudra
quelque peu aseptiser en ajoutant "Suprême" devant l'abrégé) insuffle
un esprit de révolte face aux injustices sociales et politiques. Leurs textes
violents et noirs sont à l'image du désespoir et de l'avenir compromis des
jeunes des cités. Le rap pour NTM est un moyen de s'exprimer "haut et
clair" comme ils le disent eux-mêmes. En fait, ils ne font que parler de
la réalité, telle qu'ils la connaissent, avec leur propre langage.
En
90, ils enregistrent leur premier titre Je rappe
pour la compilation Rapatittude chez
Label Noir. Ils partent ensuite en tournée en province avec tous les autres
artistes ayant participé à la compilation. A ce moment-là, ils signent avec une
multinationale du disque, Sony, et sa filiale, Epic. Un premier maxi de quatre
titres Le monde de demain sort en 90,
coïncidant avec les affrontements entre jeunes et policiers dans la banlieue
lyonnaise à Vaux-en-Velin et aussi avec les manifestations estudiantines à
Paris. Plus de 50.000 exemplaires du maxi sont vendus.
En
mars 91, débute la tournée qui préfigure la sortie en juin du premier album de
NTM Authentik. En juillet, ils se
produisent à New York, au Palladium en compagnie de Son of Barzek, à l'occasion
du New Music Seminar. Deux simples sortent cette année-là, Authentik et Soul Soul
tous deux remixés par Kirk Yano. Le 24 janvier 92, ils clôturent leur tournée
par un passage au Zénith à Paris devant une foule déchaînée. L'album s'est
vendu à 70.000 exemplaires et un maxi inédit Boogie
man, avec deux inédits live enregistrés au Zénith sort à ce moment-là.
L'année
suivante voit la publication du nouvel opus des rappeurs de Saint-Denis. 1993… j'appuie sur la gachette. Un titre choc
attire particulièrement l'attention : Police.
NTM accuse ici les forces de l'ordre d'abuser de leurs pouvoirs, dans des
termes violents. Une enquête judiciaire est ouverte à leur encontre, qui n'aura
pas de suite. Pourtant, les radios en profitent pour les boycotter et ne plus
passer leurs titres sur les ondes. En mars, sort pourtant le simple J'appuie sur la gachette, l'histoire d'un suicide.
En
mars 94, les NTM se produisent pour quatre soirs dont un au Palais des Sports à
Paris. En effet, les organisateurs de concerts ne sont pas rassurés quand il
s'agit de rap, et ne veulent pas prendre de risque. En juin, ils entrent en
studio à New York puis à Paris pour la préparation de leur nouvel album. Le 10
février 95 sort le premier simple Tout n'est pas si
facile extrait de Paris sous les bombes
qui lui, sort en mars. DJ'S a quitté le groupe et se trouve remplacé par DJ
Clyde. Les revendications égalitaires sont toujours aussi présentes et ces
faiseurs de rimes urbaines sont toujours aussi subversifs. La production est
mieux assurée et le niveau musical, plus élevé. Tout
n'est pas si facile, un titre nostalgique qui raconte les premières
années du mouvement hip hop devient le premier tube, suivi par la Fièvre qui est programmé sur toutes les radios.
Belle revanche pour ceux qui, il n'y a pas si longtemps, étaient boycottés par
les médias. Ils vendront en fait, plus de 250.000 exemplaires de l'album. Ils
enchaînent ensuite sur une tournée française qui les mènent du Festival du
Printemps de Bourges en avril, aux Francofolies de la Rochelle en juillet. Le 9
juin, ils enflamment le Zénith à Paris.
La
chanson Police leur vaut une nouvelle fois
de gros ennuis : le 14 juillet 95, les NTM participent au Rendez-vous de la
Liberté organisé dans le sud de la France à la Seyne-sur-mer par SOS
Racisme. Dans la salle, plusieurs policiers s'indignent des propos violents et
diffamatoires à leur encontre, précédents la chanson. Le groupe est inculpé
pour "outrage à personnes détentrices de l'autorité publique" en mai
96 et condamné en novembre à six mois de prison dont trois mois fermes et une
interdiction d'exercer leur métier en France pendant six mois. Après appel, la
peine est réduite à deux mois de prison avec sursis et une forte amende. Entre
temps, le débat est devenu national : doit-on condamner un groupe qui malgré
des propos outranciers, exprime la réalité telle qu'il la voit et rend compte
de la violence et du malaise des banlieues.
Après
la réalisation d'un remix du morceau Affirmative
Action avec le rappeur new-yorkais Nas, NTM envisage la production d'un
quatrième album. C'est pendant l'été 97 que NTM commence le travail de studio à
Puteaux en banlieue parisienne. De nombreux amis passent et donnent directement
leur avis, permettant ainsi à Kool Shen et Joey Starr d'avoir un certain retour
avant même la sortie effective de l'album, qui a finalement lieu le 21 avril
98. Intitulé sobrement NTM, il semble
refléter une certaine maturation dans le travail des deux rappers. Le simple Laisse pas traîner ton fils ou le titre Pose ton gun donnent une certaine idée de la
nouvelle orientation du groupe qui fait figure maintenant de vétéran du hip hop
français. Une tournée démarre à l'automne avec deux passages au Zénith de Paris
en novembre.
Défrayant
la chronique judiciaire, Joey Starr se voit condamné le 24 février 99, par le
tribunal de Montpellier à deux mois de prison ferme et une amende de 30.000
francs pour l'agression d'une hôtesse de l'air dans le hall d'un hôtel (fait
qui remonte à novembre 98), contribuant ainsi à renforcer cette réputation de
"mauvais garçon" qui le poursuit depuis les débuts du groupe. Quatre
mois plus tard, c'est à six mois ferme que le condamne le tribunal de Bobigny
en banlieue parisienne, pour violence sur son ex-compagne.
En
avril 2000, un documentaire intitulé Authentiques réalisé par Saer et
Alain Chabat sort quelques temps avant un double live, prévu de longue date.
C'est l'heure des bilans. Après dix ans d'activité, les rumeurs de séparation
commencent à circuler. Joey Starr est encore aux prises avec la justice tandis
que Kool Shen travaille sur un album solo et manage avec sérieux son label IV
My People.
Mais
Joey Starr n'est pas en reste. Lui aussi a monté son label, B.O.S.S. Le 7
novembre, les deux compères que l'on ne voyait plus ensemble depuis un moment
(les rumeurs de split de NTM allant bon train) sortent un maxi, premier d'une
série de quatre intitulée NTM le clash.
Les DJs et compositeurs des deux écuries, IV My People et B.O.S.S. s'affrontent
musicalement sur des remixes du groupe. La compilation générique qui rassemble
l'ensemble des morceaux et qui sort en février 2001, atteint les 200.000 copies
vendues en six mois. En juillet, l'album est mis sur le marché européen.
NTM
est sans conteste le meilleur représentant de la tendance hardcore du rap
français, devenant ainsi les chefs de file d'une forme d'expression en pleine
maturation, qui ont su prendre leurs marques par rapport au modèle américain.