Son nom est Personne. La
presse s'en amuse lorsqu'elle titre un article sur le plus connu des bluesman
français. Pourtant Paul Personne est devenu quelqu'un. Au fil des galères, de
la vie difficile d'un musicien désireux de faire ce qu'il aime, loin des
diktats des maisons de disques, il a su construire une carrière d'artiste
authentique.
Paul Personne, de son
vrai nom René-Paul Roux, est né à Argenteuil dans la région parisienne le 27 décembre
1949. Il passe une partie de son enfance non loin de là à Houilles. Son père
est ouvrier et joue quelquefois de l'harmonica. Le jeune René découvre quant à
lui, la musique à la radio. Ses préférences vont à Aznavour et Piaf,
jusqu'à ce qu'il entende Eddy Mitchell et Johnny Hallyday.
Ses parents
achètent un accordéon à un boulanger voisin. Mais cet instrument ne plaît pas
vraiment au jeune garçon. C'est en fait sa grande sœur qui va le récupérer.
Lui, c'est plutôt la batterie qui le tente. Il en bricole une et commence ainsi
ses premiers pas de musicien amateur. Il joue aussi un peu de guitare inspiré
sans doute par Jimi Hendrix. C'est l'heure des premiers groupes montés
avec ses copains de lycée.
Après avoir obtenu un
C.A.P. de mécanique générale il signe à dix-sept ans avec son groupe L'Origine,
un premier 45 tours chez Pathé Marcony. Après quelques radios et un projet de
concerts, l'aventure s'arrête assez rapidement. S'il commence à travailler dans
une entreprise d'agroalimentaire, il n'en oublie pas moins la musique.
Quelques temps plus tard
en effet, une rencontre avec une troupe de théâtre, le Liquid Theater va
l'amener à constituer La Folle Entreprise, groupe d'une quinzaine de
musiciens. Puis, le groupe tourne dans les Maisons des Jeunes et de la Culture,
circuit qui leur permet d'exister, sans malheureusement gagner grand chose. Un
45 tours en 73 intitulé Pas des anges et
enregistré chez Vamp Record en Angleterre est la seule trace tangible de son
existence.
Malgré un essai de retour
à la vie "normale" et son installation à Toulouse dans le sud-ouest
(avec sa femme Colette et sa fille Jessica - née en 74), il ne peut s'empêcher
de gratter sa guitare dans son coin. L'expérience collective reprend avec un
nouveau groupe intitulé Bracos Band. Retour donc à la scène, tournée des
clubs et des festivals régionaux. Expérience clôturée par l'enregistrement d'un
45 tours en 77. Dans ces années marquées par l'avènement du mouvement punk, il
est difficile de séduire les maisons de disques avec du blues rock.
Après donc le split de
Bracos Band, vient la naissance d'un nouveau groupe appelé Backstage.
Paul recrute un bassiste et un batteur. Le trio fait quelques concerts et finit
par signer un contrat chez Vogue. Il enregistre un album éponyme en 79,
uniquement chanté en anglais. Après une tournée de 45 dates, il retourne en
studio pour un second album qui sort l'année suivante, y compris en Angleterre
où le journal musical Melody Maker le chronique dans ses pages.
Malheureusement, les relations avec la maison de disques se détériorent et
signe la fin de l'existence de Backstage.
Si la langue anglaise
paraît être la plus appropriée pour accompagner la musique que Paul Personne
jouait jusque-là, le naufrage des quelques groupes avec lesquels il ait joué
lui permet de se remettre en question. Au début des années 80, il commence donc
à écrire en français. Quelques titres sont ainsi concoctés en vue d'une
maquette. En octobre 82, sort le premier album signé Paul Personne chez CBS.
Quelques passages télé ainsi que quelques radios et plus rien. La maison de
disques lui refuse l'enregistrement d'un second album.
Retour donc dans sa
ferme près de Toulouse à passer quelques mois sans faire grand chose. Puis
c'est le déclic. A la demande de la chanteuse Nicoletta, il est invité
lors d'une nouvelle émission de télé. Plusieurs directeurs artistiques sont
présents. Mais Paul Personne entend bien dorénavant faire ce qu'il veut en
matière de musique et ne plus subir l'ingérence des maisons de disques dans son
travail artistique. C'est avec Babette Jones de chez Phonogram qu'il
négocie finalement et sort un album en 83, intitulé Exclusif
avec les incontournables titres Comme un
étranger et Ça va rouler, exemple
probant du blues made in France qui
marque le style de l'artiste.
A partir de là, les
choses s'accélèrent un peu, permettant à l'artiste de sortir en 84, Barjoland. Les difficultés semblent se
résorber. Pourtant, un accident mortel va toucher sa fille Jessica en août 84,
le laissant dans un grand désarroi. En
85 sort un nouvel album 24/24 avec
entres autres, le titre Faut qu'j'me laisse aller.
S'ensuivent trois soirs à l'Olympia à Paris du 17 au 18 mars 86 puis une
tournée importante. Mais la distribution des disques est très mal assurée et
s'il est dorénavant un artiste reconnu, le succès public de Paul Personne reste
encore limité. L'enthousiasme retombe. Ses activités se ralentissent. Il passe
son temps dans sa nouvelle maison du Perche (région plus proche de Paris que
Toulouse) avec sa compagne Gloria et son fils Jeremy (né en 76).
C'est en 87 que ses
activités artistiques vont réellement reprendre. Il est invité à participer au
Festival de Québec. L'accueil extrêmement chaleureux du public lui redonne le
goût de la scène et par là même de la musique. Cela donne en février 89,
l'album La Chance signé sur un
petit label Bird. Le premier 45 tours extrait de cet opus réussi et truffé de
ballades bluesy (dont deux sont signées Boris Bergman, parolier de Bashung)
s'intitule Trop tard. En janvier 90, il passe
trois soirs au Bataclan rassemblant ainsi ses fidèles de plus en plus nombreux
autour de tables comme dans un cabaret. En septembre, il participe à la soirée
Blues de la Fête de l'Huma (rassemblement annuel du Parti Communiste Français).
Persuadé que la scène
représente mieux qu'un enregistrement studio, ce qu'il peut faire et ce qu'il
aime faire, Paul Personne se produit à l'Olympia pour un concert unique le 11
mars 91 pour fêter la sortie d'un enregistrement live, la Route de la chance. En matière de maison de
disques, le sort s'acharne sur lui car la sienne vient de mettre la clé sous la
porte. Cette même année, il se voit aussi décerner le Bus d'acier, Grand
Prix du Rock Français. Après cette année plutôt positive, de nombreuses
propositions affluent. Il choisit de signer chez Polydor et sort en 92, un
nouvel album concocté tout seul, dans son studio chez lui et intitulé Comme à la maison. Collaborent à cet opus des
artistes qui correspondent bien à l'univers du chanteur : le musicien Jacno,
le parolier Boris Bergman et le comédien Gérard Lanvin.
L'année 93 est bien
remplie : en effet, il commence par remplir deux soirées à l'Olympia en
janvier, poursuit une tournée pendant deux mois, revient à Paris à La Cigale
pour deux concerts en février, participe à l'enregistrement du disque d'Eddy
Mitchell Rio Grande, fait partie de la
liste des invités prestigieux de Johnny Hallyday pour son grand show au
Parc des Princes à Paris et passe au Francofolies de La Rochelle pour une
spéciale Fête à Paul Personne.
L'artiste affirme un peu
plus son identité propre lorsqu'il sort l'année suivante l'album Rêve sidéral d'un naïf idéal. Pour la première
fois, il travaille avec un producteur, l'Anglais Ian Taylor qui auparavant
officia avec Gary Moore, Dylan ou en France, Eddy Mitchell. Le complice Boris
Bergman est de la partie. Les musiciens de la tournée de 93 sont eux aussi
présents. Entre les morceaux bien balancés comme Loco
loco ou les ballades genre Celia,
Paul Personne nous fait une démonstration de ses talents de guitariste
(largement inspiré par Jimi Hendrix) hors pair mais aussi de véritable
chanteur recréant au fil des chansons de véritables petites histoires. Après un passage à l'Olympia et une grande
tournée, Paul Personne revient en 96, avec un nouvel album, Instantanés. Produit par Ian Taylor, il
rassemble les talents des vieux copains comme Boris Bergman, Jean-Louis
Aubert, le comédien Richard Borhinger ainsi que Christian Dupont
qui avait déjà écrit certains textes sur le précédent album. Plusieurs
instrumentaux bluesy viennent aussi ponctuer ce disque, comme autant de
respirations entre les chansons. L'album, comme les deux précédents devient
Disque d'Or. S'il est peu loquace dans la vie, Paul Personne est sur scène comme
chez lui. Il repart donc en tournée juste après la sortie du disque. Enregistré
à l'Olympia du 1er au 3 avril 97, le live Route 97 sort un peu
plus tard.
Infatigable travailleur,
Paul Personne revient en l'an 2000 avec Patchwork
Electrique, un nouvel opus pour lequel il a écrit 50 titres. Au
final, il en a choisi 14 dont deux écrits en collaboration de Hubert-Felix
Thiéfaine. La Beauté du blues premier
extrait, est un de ceux-là. Boris Bergman le fidèle et Luc Baranger
ont aussi apporté leur contribution. En ce qui concerne les musiciens, le
bluesman a fait appel pour la première fois de sa carrière, à des musiciens
anglo-saxons dont certains ont joué avec Iggy Pop ou Eagle-Eye Cherry.
Paul Personne retrouve un son plus rock (assez traditionnel somme toute)
s'essayant parfois à des incursion du côté de la modernité (!), voir pour ça
les scratchs de DJ Sya Styles sur La Beauté du
blues.
A l'automne, il repart
en tournée à travers la France pour le plus grand bonheur de ses fans, comme
lui, fidèles et passionnés. Le spectacle, toujours ancré dans le blues, passe
au Zénith de Paris le 9 novembre. En première partie, est invité Manu Lanvin,
fils du comédien Gérard Lanvin, et auteur d'un tout premier disque sorti à la
fin de l'été 2000. Ses talents de guitariste sont incontestables. Ses textes
sont servis par une voix rauque et cassée qui le classe (peut-être un peu trop
vite) dans la catégorie Blues français. Paul Personne suit un itinéraire
artistique personnel, balisé de disques chaleureux et de concerts qui le sont
tout autant