Hubert-Félix Thiéfaine

Roi des mots et de la rime, prince de l'insolence et de la dénonciation, Hubert-Félix Thiéfaine est classé depuis quelques vingt ans, parmi les inclassables. Loin des aléas du goût du showbiz et des médias, l'œuvre du chanteur-poète est des plus singulières, plébiscitée par un public jeune, puis moins jeune et à nouveau jeune. Sans âge. Comme la prose de Thiéfaine.

Tout corps vivant…

Dernières balises

Soleil cherche futur

Chroniques bluesymentales

Fragments d’hébétude

1977                           CD

1981                           GD

1982                          GD

1990                          GD

1993                           GD

Hubert-Félix Thiéfaine est né à Dole dans le Jura le 21 juillet 1948. Sa scolarité n'est pas très heureuse. On envisage pour lui une filière technique. Mais à l'âge de 12 ans, il est envoyé en pension au Petit Séminaire. Ce milieu assez sinistre et très surveillé finit par stimuler son imagination. C'est à peu près à cette période que Hubert-Félix commence à écrire des chansons. Avec ses copains, il monte même un groupe, les Caïds Boys. Vers ses quinze ans, à nouveau externe, donc un peu plus libre, Hubert-Félix traîne et fréquente les cafés, espace de discussion et de détente. C'est aussi l'âge des découvertes musicales : Dylan, les Who, les Rolling Stones mais aussi les chanteurs à texte comme Jacques Brel ou Léo Ferré. Il s'intéresse beaucoup à la poésie et à la littérature y recherchant de quoi nourrir ses révoltes et son spleen adolescent.

Alors qu'il est étudiant en faculté de psychologie à Besançon, il rencontre celui qui va devenir bien plus qu'un ami, Tony Carbonare. En effet, en 70, tous les deux se mettent au travail accompagnés d'un guitariste, Claude Mairet et concoctent ce qui sera le premier album de Thiéfaine. En novembre 71, il débarque à Paris et y séjourne deux ans entre bricolage de maquettes et écriture de textes. En 73, il donne pourtant son premier spectacle intitulé Comme un chien dans un cimetière. C'est à Sochaux qu'il retrouve Carbonare qui est informaticien dans cette ville. Les deux amis jouent avec un groupe folk appelé Machin. L'adéquation entre ce dernier et Thiéfaine, qui écrit plutôt du rock est difficile à trouver. Mais l'aventure commune continue et en juillet 76, ils effectuent leur premier concert ensemble. Cette année-là, Thiéfaine signe avec le producteur Hervé Bergerat.

La tentation du bonheur

Le bonheur de la tentation

Le cactus

Scandale mélancolique

1996                           CD

1998                           GD

2001                           CD

2005                          CD

En 77, le chanteur enregistre son premier album intitulé sobrement Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s'émouvoir…. Son écriture peu académique ne rend pas son disque facilement abordable. En 78, l'année de sa sortie, on comptabilisera quelques 3000 ventes de cet album. Seul le titre La fille du coupeur de joint (devenu avec le temps un classique de son répertoire) émerge du lot et passe ainsi sur quelques radios.

Les deux albums suivants Autorisation de délirer (79) et De l'amour, de l'art ou du cochon (dans lequel on trouve le titre Comme un chien dans un cimetière) sont dans la même veine rock-folk que le précédent. Thiéfaine de son propre avis semble avec ce dernier opus se perdre un peu. Il se produit durant une semaine à la Gaité Montparnasse à Paris en 80. Ce premier succès parisien est essentiellement dû au bouche à oreille. La personnalité de Thiéfaine est assez étonnante. Au delà de la panoplie de l'amuseur-provocateur, se cache une sensibilité exacerbée, une poésie noire et une rage rivée au ventre. Personnage atypique à la limite de la folie, sa personnalité fascine. Après une période de grand trouble intérieur, sort en 81, l'album au titre évocateur Dernières balises (avant mutation). Son ami Claude Mairet signe ici trois musiques et les arrangements de ce quatrième opus. Il retrouve la Gaité Montparnasse à Paris pour trois semaines et se produit à l'Olympia lors d'un concert triomphal. Mairet collabore un peu plus à Soleil cherche futur qui paraît l'année suivante. Premier Disque d'Or, cet album ramène un public de plus en plus large. Loreleï et les Dingues et les paumés sont les deux titres qui passent le plus sur les radios, faisant même du premier un véritable tube. L'univers que propose Thiéfaine est noir et toujours proche de la folie ; les textes de ses chansons sont autant d'images fortes et surréalistes que le public (jeune) reprend à son compte. Ce dernier est d'ailleurs au rendez-vous à l'Olympia en 83, pour une semaine de concerts et retrouve le chanteur sur les routes de France durant plus de trois mois.

Juste après la sortie en 84 d'un album Thiéfaine/Mairet intitulé Alambic/sortie sud, Hubert-Félix Thiéfaine se retrouve en 85 sur la scène du Zénith à Paris, du 23 au 25 octobre. Peu économe de son énergie, il donne beaucoup sur scène.

En 86, au cour d'une grande tournée, il se produit au Festival du Printemps de Bourges, à celui de Nyon et celui de Québec. A la fin de cette année-là, sort Météo für nada, avec notamment le titre Sweet Amanite phalloïde queen. Cultivant le chaos des mots dans un jardin de mauvaises herbes, Thiéfaine balade son pessimisme en étendard, à la plus grande joie de son public. Après une pause pendant l'année 87, le chanteur-poète revient l'année suivante avec un nouvel album Eros über alles naviguant entre amour et mort, porté par une écriture toujours aussi alambiquée, mais puissante. Il effectue ensuite une tournée et s'installe durant deux semaines, en avril 88, à l'Elysée-Montmartre à Paris.

Décidant de rompre avec ses habitudes d'enregistrement, il s'envole pour New York en 89. Il concocte seul avec sa guitare, un album produit par l'américain Barry Reynolds. Chroniques Bluesymentales sort en 90. Thiéfaine enchaîne sur une longue tournée de 18 mois, quelques 102 concerts, de nombreuses prestations dans les festivals et trois dates au Zénith à Paris. S'il s'arrête pour quelques jours de vacances, c'est pour mieux reprendre son travail et l'écriture d'un nouvel album. Après la côte est, c'est la côte ouest des Etats-Unis que Thiéfaine investit en 93 pour enregistrer de nouvelles chansons. En effet, à Los Angeles, il en impose suffisamment aux musiciens locaux (ceux de Rod Stewart ou Keith Richards) pour mener à bien ce nouvel épisode de sa carrière. Fragments d'hébétude est un disque intense, rock, presque "américain". Et comme de coutume après la sortie d'un album, il entame une tournée (énorme) de concerts à travers la France qui dure quasiment un an et demi. Toujours aussi discret dans les médias, les salles, quant à elles se remplissent sans problème. Thiéfaine panache anciennes et nouvelles chansons, reprenant parfois la Solitude de Léo Ferré. En 95, sort d'ailleurs un double CD live intitulé Paris-Zénith.

Toujours aussi prolifique, Thiéfaine bouscule une fois de plus son public en publiant en 96 La tentation du Bonheur. Ces mots semblent étranges dans l'univers du chanteur. Peut-on penser qu'il s'agit d'une sorte d'aboutissement après de nombreuses années de doutes, de délires et sentiments pessimistes ? Il faut surtout penser que le bonheur n'est pas forcément un "long fleuve tranquille". Entre rock et blues, on retrouve tous les ingrédients chers au chanteur : tendresse de Tita dong-dong song (inspiré des mots de ses fils), poésie de Des adieux, lucidité de Mojo-dépanneur TV. En avril 98, comme pour fêter ses vingt ans de scène, sort un nouvel album Le bonheur de la tentation, enregistré en partie à Londres. Plaisanterie ou flemmardise de l'auteur, le titre semble être l'écho du titre de l'album précédent. Le mot bonheur lui fait peur. Il y revient. Ses thèmes de prédilection et son écriture ne changent pas, mais il est toujours satisfaisant de l'entendre dénoncer la bêtise humaine.

Pour son retour sur scène, Thiéfaine frappe très fort puisque, cet artiste plutôt habitué aux petites salles, choisit le Palais Omnisport de Paris-Bercy et ses 17.000 places pour son concert événement du 11 décembre 98. C'est un immense succès puisque la salle affiche complet et le public est tout entier acquis à son idole si secrète et si avare de ses apparitions. Entouré de cinq musiciens et d'un ensemble à cordes, ce personnage singulier de la chanson française présente un spectacle poétique et très personnel (deux titres sur ses fils Hugo et Lucas). Dès le 14 décembre, Thiéfaine repart sur les routes de France qui lui sont plus familières que les méga salles de la capitale. Cependant, devant le succès de Bercy, Thiéfaine continue sa tournée avec deux dates supplémentaires à l'Olympia de Paris, les 15 et 29 mars 99 puis en novembre quelques concerts en France dont un au Casino de Paris. Un double CD live ( le cinquième) enregistré à Bercy vient témoigner de l'enthousiasme du chanteur et de son public. Le début de siècle marque un tournant dans la carrière du chanteur auteur compositeur. En effet, après avoir changé de maison de disques (il signe chez Epic), de manager (sa femme Francine Nicolas s'occupe désormais de lui) et de musiciens, Thiéfaine se remet en cause artistiquement avec l'écriture de son treizième album Défloration 13 qui sort en mars 2001. Il y intègre notamment de nouveaux genres musicaux comme le trip hop et même l'électro. La tournée Défloration 13 commence en octobre. Soixante dix-sept dates à travers la France. Les concerts à Paris restent des dates marquantes pour les fans : les 19 et 20 octobre 2001 au Zénith puis plus tard, le 28 mars 2002 au Bataclan. Ce concert donne d'ailleurs  naissance à un disque live. Il sort le 28 octobre, le même jour qu'un hommage, Les fils du coupeur de joints, sur lequel quatorze artistes français (Sanseverino, Matmatah, Mickey 3D, Bénabar,...) reprennent chacun un des nombreux titres du chanteur.

A la fin de la tournée, des problèmes de dos qu'il a déjà du affronter par le passé, le font à nouveau souffrir. En janvier 2003, à la suite d'une grave crise,  il se voit obligé de rester tranquille et de ne pas bouger. Il met de long mois à se remettre.

En octobre, il inaugure les Lundis au Palais Royal : à la demande du directeur du théâtre, Hubert-Felix Thiefaine donne le coup d'envoi de cette série de concerts acoustiques. Il se produit alors seul sur scène avec sa guitare, expérience qu'il a déjà faite à Genève, en Suisse, le 25 mai 2002, un des plus gros trac de sa carrière, d'après ses dires. Pour faire plaisir à ses fans, le rocker entreprend une tournée acoustique d'une soixantaine de dates qui débute en avril 2004 et se termine en juillet 2005. Seul avec sa Gibson, il interprète une grande partie de son répertoire. C'est un véritable succès. Le 17 juillet 2004, pendant les Francos de la Rochelle, il invite son ami Paul Personne à venir le rejoindre sur scène. Pendant la période du 6 au 20 juillet, il donne cinq concerts à guichets fermés aux Théâtre parisien des Bouffes du Nord. Cette année-là, il connaît aussi une expérience théâtrale : les 26 et 27 mai, il interprète le rôle du Diable dans l'Histoire du soldat, une pièce musicale de Ramuz et Igor Stravinski sur la scène du grand Théâtre de Dijon.

En janvier 2005, il reprend l'écriture d'un nouvel album studio. Celui-ci sort en octobre. Il s'intitule Scandale mélancolique. Hubert cette fois-ci, donne les musiques à écrire à d'autres compositeurs que lui-même. On retrouve ainsi Cali, qui chante en duo avec lui sur Gynécées, JP Nataf, ex-Innocents, Michael Furnon de Mickey 3D, le Suisse Jeremy Kiesling ou encore le groupe de rock Elista qui signe un hommage à Bertand Cantat, Télégramme 2003. Un son résolument pop rock sur lequel tout le monde se retrouve, des mots qui siéent aussi bien à Thiéfaine qu'à ses invités. Le premier extrait de l'album s'intitule Confessions d'un never been.

Qu'on aime ou non ses chansons, Hubert-Félix Thiéfaine a le mérite d'exister. Loin des pressions du show-biz et du diktat des médias, le chanteur est intransigeant, mais fidèle à lui-même. Chacun de ses albums est au moins Disque d'Or et ses concerts sont souvent complets. Sa personnalité complexe mais attachante en fait un des artistes français les plus intéressants de sa génération.