Sidney Bechet

 

Ce 14 mai 1959, la disparition d'un musicien de jazz prenait l'ampleur d'un événement national : la presse française (et internationale) reproduisait l'information en première page : "Sidney Bechet nous a quittés !". Cette mort, écrivait alors le critique Leonard Feather, souligne amèrement quelques-uns des paradoxes de l'histoire du jazz. Pendant de nombreuses années, Sidney fut confiné dans des engagements obscurs, indignes de son talent ; ce n'est que sur le tard et plus particulièrement en France, qu'il obtint la consécration qu'il n'avait pas reçue de son propre pays.

Mouvementée sera la trajectoire qui mènera du jeune clarinettiste, grande figure avec Louis Armstrong, du style New Orleans au compositeur des Oignons (1949), devenu le maître du saxophone soprano qu'il utilisa au début des années 20. Professionnel en 1915, il accompagnera King Oliver en 1917, et viendra une première fois en Europe avec les Southern Syncopated Orchestra (1919) ; il recevra les éloges du chef d'orchestre Ernest Ansermet. A son retour aux Etats Unis, il enregistrera avec Louis Armstrong, avant de revenir en Europe, dans la Revue Nègre avec Joséphine Baker (1925), et séjournera à Paris, jouant aux Ambassadeurs avec les musiciens de Noble Sissle, qu'il retrouvera à New York après onze mois de prison et une expulsion (une rixe à Pigalle).

Là, il formera avec le trompettiste Tommy Ladnier les New Orleans Feetwarmers, mais, la crise économique venue, il se verra contraint d'ouvrir une boutique de vêtements. Hugues Panassié (qui le fera enregistrer avec Tommy Ladnier et Mezz Mezzrow) et le New Orleans Revival lui permettront de prendre un nouvel essor.

Invité par Charles Delaunay au festival de jazz, en 1949, salle Pleyel à Paris, Sidney Bechet fait un triomphe, et dès son installation en France, de lointain modèle dont quelques-uns connaissaient les disques, il devient le symbole de ce revival qui fait fureur. Le grand souffle lyrique, la flamme qui semble dévorer le saxophoniste, cette façon de mêler la tradition aux mélodies accessibles au plus grand nombre feront de lui une grande vedette populaire, contribuant ainsi à la propagation du jazz. Avec Claude Luter et André Reweliotty, il enregistrera à tour de sillons (Disque d'Or en 1955), se produira au Vieux Colombier de Paris et à celui de Juan-les-Pins, où il se mariera dans une ambiance de Mardi-Gras néo-orléanais ; il composera aussi bien Petite fleur et Dans les rues d'Antibes, qui seront d'énormes succès, que la musique du ballet La nuit est une sorcière.