Scott Joplin

Scott Joplin est né à Texarkana (à la frontière du Texas et de l'Arkansas) le 24 novembre 1868, fils de Giles Joplin, ouvrier agricole, et Florence Givens Joplin, noire affranchie du Kentucky. Son père jouait du violon, et sa mère du banjo. Il avait trois frères, dont deux chantaient et composaient, et deux soeurs. Dans son enfance, Scott Joplin joua du clairon et de la guitare. A 7 ans, il essaya de jouer sur le piano des voisins, et constatant qu'il avait des facilités indéniables pour cet instrument, son père fit des économies pour lui acheter un piano d'occasion. Scott Joplin passa alors des heures au piano, et à 10 ans déjà, il improvisait avec aisance. A l'âge de onze ans, un musicien local de formation classique enseigna à Scott les fondements du solfège. Scott n'était encore qu'un adolescent quand il quitta le toit familial, on pense qu'ensuite, pour gagner sa vie, il joua du piano dans les bars et les bordels de villes comme Saint-Louis, Memphis, et Dallas. Ayant des idées bien arrêtées sur la musique, il quitte le domicile conjugal dès l’âge de quatorze ans afin d’aller jouer un peu partout cette musique qui sera bientôt baptisée ragtime.

En 1885, il se fixe à Saint Louis, où il se perfectionne dans un collège méthodiste. Il participe activement à la vie musicale du Missouri, jouant du cornet et dirigeant un orchestre de danse. A peine a-t-il commencé à écrire quelques romances qu’il est emporté par la fièvre du ragtime qui balaie littéralement tous les autres genres de musique légère au tournant du siècle. En 1893, il dirige sa première formation lors de l’Exposition Mondiale de Chicago.

En 1893 Scott se fit probablement connaître comme un musicien de distinction lors de l'Exposition universelle de Chicago où on peut imaginer qu'il a joua près de la section Midway. Bien que les organisateurs Blancs aient toujours exclu les musiciens Noirs des programmes officiel des concerts, quelques pianistes Noirs étaient autorisés à charmer les foules de visiteurs à l'orée du parc. Lors de cette exposition universelle, Joplin put assister aux concerts de confrères célèbres, c'est là qu'il rencontra aussi celui qui devait devenir son ami et partenaire musical : Otis Saunders. Pendant deux ans, ils formèrent avec deux autres musiciens, un quatuor musical qui se produisait en jouant des compositions de Scott Joplin lui même.

Peu de temps après, il quitte Chicago et s’établit à Sedalia (Missouri) où il rencontre un certain Johnny Stark. A Sedalia, Joplin épousa Belle Jones, composa des morceaux pour le Queen City Band, suivit des cours de compositions à l'Université Noire George R. Smith. Au début, Joplin essuya des revers, sa musique se vendait peu. Mais, un jour, il vendit la partition de Maple Leaf Rag à un homme d'affaire Blanc nommé John Stark (un petit fermier blanc devenu marchand de pianos) qui va devenir son éditeur et auquel il devra une grande part de ses succès.

Ce morceau connut un succès immédiat, une première édition de 10000 exemplaire fit long feu. On 1909, on en était à plus d'un demi-million d'exemplaires vendus. Stark fit signer à Joplin un contrat, puis ils partirent s'installer à Saint-Louis dans le Missouri. Là-bas, Stark fit une promotion énergique de son client, il le surnomma même le « roi du ragtime ». D'autres succès suivirent : Peacherine Rag en 1901, et The Entertainer en 1902. Joplin tenta de s'imposer en tant que compositeur d'œuvres pour grand ensemble avec un ballet populaire, intitulé The Ragtime Dance en 1902 , et en 1903 avec un opéra, A Guest of Honor, mais ces œuvres furent peu jouées.

Cependant, une tragédie bien plus personnelle frappa notre compositeur.  Le premier enfant de Joplin mourut en bas âge ; sa femme, Belle Joplin, mourut elle aussi peu de temps après. Scott Joplin quitta Saint Louis pour New York, où il publia un guide de ragtime pour le piano, School of Ragtime. L'année suivante il créa Wall Street Rag et Paragon Rag. En 1911, quand il publia Treemonisha, on disait déjà que l'œuvre comportait des morceaux parmi les plus aboutis de ceux jamais écrits par Scott Joplin. Un théâtre accepta de monter l'œuvre, mais les directeurs se finirent par se défausser.

En 1917, quand Joplin mourut de la syphilis, le nom de Joplin et le ragtime lui même étaient tombés dans l'oubli, la nouvelle mode du jazz les ayant détrônés.  Il fallut attendre cinquante ans pour que l'extraordinaire contribution de Scott Joplin à la vie musicale américaine fût enfin reconnue : le morceau principal de la bande originale du film The Sting (1973 avec Robert Redford) n'était autre que l'œuvre de Scott Joplin intitulée The Entertainer.

C'est le mot « joie » qui décrit le mieux le sentiment que l'auditeur ou l'interprète ressent à l'écoute de la musique de Joplin. Cette joie, néanmoins, est quelque peu paradoxale car ces morceaux furent composés par un homme dont la vie fut à bien des égards placée sous le sceau de la frustration et de la tragédie. Afro-Américain qui lutta pour une reconnaissance du ragtime comme forme artistique à part entière, Joplin fut doublement maudit. En tant qu'homme Noir, il vécut à une période où régnait un système qui non content de ne laisser aucun droit civique aux Noirs, s'acharnait également à dénigrer leurs créations artistiques.