Sarah Vaughan

 

Sarah Lois Vaughan, surnommée Sassy, est peut-être la chanteuse de jazz la plus musicienne et la plus complète. Elle est née à Newark, dans le New Jersey, le 27 mars 1924. Son père, un menuisier, jouait de la guitare et chantait des chansons folk; sa mère, une blanchisseuse, jouait du piano et chantait dans le chœur d'une église baptiste. Sarah  prend des cours de piano et de chant dès l'âge de sept ans. A douze ans, elle joue de l'orgue à l'Office. En 1943, elle gagne sous les yeux d'Ella Fitzgerald un concours réservé aux amateurs à l'Apollo de Harlem. Elle entre aussitôt comme chanteuse dans l'orchestre d'Earl Hines puis quelques mois plus tard dans celui du crooner Billy Eckstine lorsque celui crée son propre orchestre.

 

Lover Man

Swingin' Easy

 

In the land of Hi-Fi

1945/50    -    CD

1954    -     CD

1954   -   K7

1956     -     K7

 

C'est dans l'orchestre de ce dernier qu'elle va connaître Dizzy Gillespie, avec qui elle enregistre quatre titres pour la firme Continental en décembre 1944 : Singing off, Interlude, No smoke et East of the sun. Il faut noter qu'outre Dizzy à la trompette, Sarah est accompagnée par Georgie Auld au saxophone ténor et par Leonard Feather au piano. A l'âge de vingt ans, Sarah est déjà un personnage marquant au milieu de ses collègues musiciens, à la naissance de cette  nouvelle vague qu'est le be-bop.


Elle décide peu de temps après de commencer sa carrière solo, la voie qu'elle va suivre tout au long de sa carrière,  et signe un contrat avec le label Musicraft. Elle enregistre quelques standards tels que Body and soul, Everything I have is yours ou Tenderly, un des ses premiers grands succès. En 1949, Sarah signe un contrat avec Columbia. Elle bénéficie alors de l'accompagnement d'excellents orchestres dirigés dans un premier temps par Joe Lippman puis par Percy Faith. En mai 1950, elle grave huit titres avec le Jimmy Jones Band, qui compte dans ses rangs le trompettiste Miles Davis, le tromboniste Benny Green, le clarinettiste Tony Scott, le sax ténor Budd Johnson et le guitariste Freddie Green.

 
Les quatre ans sous contrat avec Columbia, de 1949 à 1953, seront riches en chansons de grande qualité.
Des titres comme Black coffee, Perdido, After Hours, It might as well be spring, Mean to me, Nice work, You can get it ou Ain't misbehavin sont devenus des classiques. Plusieurs enregistrements de Sarah au Birdland sont rassemblés sur le disque intitulé Perdido (1953). Elle est accompagnée par un trio et parfois par Dizzy Gillespie.

 

En 1954, Sarah rejoint la compagnie Mercury qui l'autorise toutefois à enregistrer également pour EmArcy.  Elle va connaître alors, ce qui sera très certainement, sa période la plus prolifique.

 

Ce sera d'abord Swingin' easy. Le 2 avril 1954, en studio avec John Malachi au piano, Joe Benjamin à la contrebasse et Roy Haynes à la batterie, Sassy renoue avec le be-bop qu'elle avait quelque peu délaissé.  Sa joie éclate sur un répertoire de standards qu'elle prend un immense plaisir à chanter.  Une Sassy heureuse qui se livre avec humour à d'étonnantes acrobaties vocales (Shulie A Bop), se jouant du scat avec une facilité déconcertante.  Sublime interprète de ballades, elle reprend ici deux grands succès de Billie Holiday, Lover Man et Body And Soul, raffinant sa voix à l'extrême.  Cinq plages, gravées le 14 février 1957, avec son trio fétiche - Jimmy Jones au piano, Richard Davis à la contrebasse et Roy Haynes à la batterie - complètent l'album.

 

Enregistré pour EmArcy le 14 décembre 1954, l'album Sarah Vaughan With Clifford Brown compte parmi les meilleurs disques de Sassy et reste son plus célèbre.  Disposant de six musiciens, son trio habituel - Jimmy Jones (p), joe Benjamin (b), Roy Haynes (b) - augmenté de trois souffleurs - Clifford Brown (tp), Paul Quinichette (ts), Herbie Mann,(fl) -, Sarah livre d'immortelles versions du répertoire, sublimant les mélodies de son chant.  L'arrangeur de la séance, Ernie Wilkins, semble avoir privilégié les solistes aux dépens des ensembles.  Les parties arrangées sont réduites à l'extrême.  Trompette, saxophone et flûte soulignent les thèmes, soufflant de rares passages à l'unisson.  Mais les solos restent inoubliables.  September Song contient l'un des plus beaux chorus de Clifford.  Ce qu'il fait sur Jim et, April in Paris relève de la magie. Également très présent, Paul Quinichette, sur He's My Guy, occupe la place que tenait Lester Young auprès de Billie Holiday.  Sassy la sensuelle éclaire ce disque de sa voix.  Lullaby Of Birdland en est le joyau et Jim, magnifiquement chanté, apporte le frisson qui le rend indispensable.

 

En 1956, elle grave plusieurs chansons de Gershwin et 13 duos avec Billy Eckstine. Nous la retrouvons un peu plus tard avec le Count Basie orchestra sur l'album No count Sarah puis en public avec un septet dans lequel Thad Jones est au cornet et Frank Weiss au ténor.

 

Sarah quitte Mercury à l'automne 1959. Le contrat que lui avait arrangé George Treadwall, désormais son ex-mari et ex-manager, est désormais terminé. Au début des années 60, Sarah est alors sous contrat avec le label Roulette. Nouvelle période tourmentée. Remariée avec C.B. Atkins, qui est également son manager, elle divorce à nouveau en 1962, divorce perturbé par la bataille menée pour la garde de leur fille adoptive.


Sarah retrouve Mercury en 1963. Une association importante débute alors avec Quincy Jones. Sassy swings the Tivoli, un disque public en juillet de la même année, est un des meilleurs exemples de la formule du trio derrière Sarah, accompagnée par Kirk Stuart au piano, Charles Williams à la basse et George Hughes à la batterie.  Citons également en 1967  Sassy swings again, avec Kai Winding, J.J. Johnson, Phil Woods, Clark Terry, Charlie Shavers, Joe Freddie Hubbard et Benny Golson !


En 1973, elle donne un fabuleux concert au Japon, gravé sur le label Mainstream.

 

En 1977, Sarah fait ses débuts sur un autre Label, Pablo Records, avec I love Brazil, sur lequel elle est accompagnée par Milton Nascimento et par Antonio Carlos Jobim sur deux titres. Sous la direction de Norman Granz, elle prend conscience qu'elle a besoin de prendre un plus grand contrôle de sa carrière. Un an plus tard, Oscar Peterson, Joe Pass, Ray Brown et Louis Bellson sont ses complices sur How long has been going on, un exemple de la dernière Sarah Vaughan. En 1979, elle interprète des chansons de Duke Ellington sur Duke Ellington songbook  et renouvelle l'expérience brésilienne cette fois avec Helio Demiro, Andy Simpkins et Grady Tate sur Copacabana puis O Som Brasileiro de Sarah Vaughan. Toujours sur le label Pablo, elle sort en 1981 un disque ayant pour titre Send in the clowns , sur lequel elle est accompagnée par le Count Basie Orchestra sans Basie.

 

Sarah nous a quittés le 3 avril 1990 à Los Angeles. Quincy Jones ne pourra que dire : "elle laisse un grand trou dans ma vie".  Mais il nous reste ses disques et sa voix incomparable. En effet, longtemps associée au développement du be-bop, Sassie s'est imposée comme la grande chanteuse du jazz moderne, "la chanteuse des musiciens", selon les termes de Dizzy Gillepsie qui contribua à la lancer. Belle et séduisante, Sarah possédait une voix exceptionnelle qu'elle utilisait comme un instrument, sa tessiture lui permettant de changer de registre, de passer avec facilité du grave au soprano, sa virtuosité s'exprimant par un scat éblouissant qu'elle maîtrisait comme un second langage.