Aerosmith
C'est au cours de l'été 1970, à
Sunapee, dans le New Hampshire, que Steven Tallarico rencontre Anthony Joseph
Perry, dans l'arrière-salle d'un café où ce dernier travaille pendant ses
vacances. Joe
Perry joue
alors de la guitare avec le Jam Band, l'orchestre attitré d'un club appelé The
Barn. Steven Tallarico, qui se fera bientôt appeler Steven Tyler, fait déjà figure de vétéran
du rock malgré ses 22 ans. Il a joué et chanté dans plusieurs groupes comme The
Strangers, William Proud et surtout Chain Reaction avec qui il a même
enregistré un single en 1966, When I needed you. Après
avoir vu le Jam Band sur scène, Steven Tyler décide d'en débaucher le
guitariste Joe Perry, ainsi que le bassiste Tom Hamilton. A cette époque,
Steven est chanteur et batteur, mais pour le nouveau groupe qu'il a envie de
monter, il pense qu'il vaudrait mieux abandonner la batterie et se concentrer
sur le chant. Il fait appel à un de ses amis, Joey Kramer, pour tenir
les baguettes, et complète sa formation avec un second guitariste, Raymond
Tabano. Les cinq musiciens s'installent dans un petit appartement du centre de
Boston. Raymond Tabano ne reste pas. Il est remplacé par Brad Whitford.
Pour baptiser le nouveau groupe qu'ils viennent de former, Steven Tyler et ses
amis choisissent Aerosmith. Certains ont cru y voir une allusion au
roman de Sinclair Lewis, Arrowsmith, mais il n'en est rien. En réalité,
ce nom est sorti tout droit de l'imagination du batteur Joey Kramer.
Toys in the Attic |
Rocks |
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1975 CD |
1976 CD |
Aerosmith donne son premier concert à l'automne 1970. Les influences
que le groupe revendique se retrouvent dans les titres qu'ils reprennent : par
exemple Shapes of things des Yardbirds, Live with me des Rolling Stones et Cold turkey de John Lennon. Très vite, Aerosmith réunit autour de son nom
une audience locale importante. A 300 dollars la soirée, ils écument le circuit
des bars, des lycées et des universités, développant peu à peu un répertoire
personnel dû en grande partie à la plume de Steven Tyler. La suite de leur
aventure passe par une série de rencontres qui les mène jusqu'au fameux club
new-yorkais, le Max's Kansas City. En été 1972, à l'issue d'un concert
mémorable en présence des représentants des maisons de disques Columbia et
Atlantic, c'est Columbia qui emporte la mise et qui signe Aerosmith. Avec un
budget modeste, Aerosmith enregistre son premier album au studio Intermedia
de Boston sous la direction du producteur Adrian Barber. Simplement titré Aerosmith, il paraît en janvier 1973.
Pour l'anecdote, on peut préciser que c'était le même jour que le premier album
de Bruce Springsteen. C'est un disque direct et brut, qui reflète assez
fidèlement ce que le groupe fait sur scène à l'époque. Il est dominé par la
personnalité de Steven Tyler qui signe ou cosigne 7 des 8 titres qui le composent.
Ce premier album n'est pas un succès, sauf dans la région de Boston où
Aerosmith est déjà très connu. Plus influencés par le physique de Steven Tyler
que par sa musique, les critiques les décrivent comme des "sous-Rolling
Stones". Le single Dream on ne dépasse pas la 59ème place des hits-parades, mais ce n'est que
partie remise.
Pour l'instant, Aerosmith poursuit sa stratégie de conquête des
Etats-Unis, région par région. Ils tournent partout et avec tout le monde, de Mott
The Hoople au Mahavishnu Orchestra, en passant par les Kinks.
Aerosmith retourne en studio à New York au cours de l'été 1973 sous la
direction de Bob Ezrin. Mais le courant ne passe pas, et c'est finalement son
assistant, Jack Douglas, qui réalise Get Your Wings" l'album qui sort en
mars 74.
C'est sur la pochette que l'on peut voir pour la première fois le fameux
"A" ailé qui devient le logo d'Aerosmith. Mais ce disque, qui permet
de constater les réels progrès effectués par le groupe, ne rencontre pas le
succès commercial escompté. Pourtant, des titres comme Train kept a-rollin', Lord of the thighs et Same old song and dance auraient
mérité un meilleur sort. Une fois encore, Aerosmith reprend la route, cette
fois-ci en première partie de Deep Purple et de Black Sabbath.
Pour Aerosmith,
c'est le troisième essai qui sera le bon. Toys In
The Attic paraît en avril 75 et permet au
groupe de prendre enfin son essor. Produit comme le précédent par Jack Douglas,
cet album est encore aujourd'hui considéré comme une référence, une pierre
angulaire dans l'univers du "hard-rock". Grâce au titre Walk this way, qui atteint le Top Ten
américain, grâce également à la réputation du groupe sur scène. L'album est
très vite certifié album de platine et restera plus d'un an dans les charts.
Aerosmith connaît enfin une audience nationale et internationale conséquente.
Ce succès ravive l'intérêt du public et des radios pour les deux premiers
albums d'Aerosmith dont les ventes cumulées dépassent à leur tour le million
d'exemplaires. La maison de disques en profite pour ressortir Dream on, la perle oubliée de leur
premier album. Cette fois-ci, il atteint la sixième place des classements du
Billboard au début de l'année 1976, et les impose comme les inventeurs de la
"power ballad".
Toujours produit par l'indispensable Jack Douglas, Rocks paraît en mai 1976. C'est ici
que la collaboration entre Aerosmith et son producteur fétiche atteint son
apogée. Le groupe se présente désormais en tête d'affiche. Au cours de l'été
1976 à Los Angeles et à Detroit, ils jouent devant 80 mille personnes, et leurs
premières parties s'appellent Jeff Beck et Bob Seger. Après avoir
tourné sans discontinuer pendant cinq ans, ils font une pause de plusieurs
mois, avant de venir en Europe en août 77, où ils participent aux festivals de
Reading en Angleterre et de Bilzen en Belgique.
Pour enregistrer leur cinquième album, les musiciens d'Aerosmith
s'enferment dans un couvent abandonné de 300 pièces, à Armonk, dans le New
Jersey. Draw The Line, le résultat de ces sessions dont le coût est estimé à un million
de dollars, paraît en décembre 1977. Bien qu'il soit classé N°11 dans les
charts et certifié platine, cet album est plutôt décevant, aussi bien pour les
admirateurs d'Aerosmith que pour la critique. C'est un premier revers musical dont
il faut chercher les causes dans les abus de toutes sortes qui mettent à mal
l'harmonie du groupe. C'est d'ailleurs à cette époque que Steven Tyler et Joe
Perry héritent du surnom peu flatteur de Toxic Twins, les jumeaux
toxico. En juillet 1978, Aerosmith participe à la calamiteuse version
filmée de Sergeant Pepper's Lonely Hearts Club Band qui met en vedette Peter
Frampton et les Bee Gees. Dans le rôle des méchants, ils donnent une
version de Come together qui constitue un des rares titres à sauver de ce naufrage. Sur
scène, et malgré les problèmes internes au groupe, Aerosmith fait toujours
partie des dinosaures du rock américain. Ils partagent avec Ted Nugent
la tête d'affiche du Festival California Jam II, où ils jouent devant une
foule estimée à 300 mille personnes. Quelques jours plus tard, ils enflamment
le Cotton Bowl de Dallas à l'occasion de la fameuse TeXXas Jam du 4
juillet 1978.
L'enregistrement du sixième album d'Aerosmith, Night in the ruts, se passe
mal. Les séances s'éternisent au point que le groupe est obligé de repartir en
tournée pour en amortir le coût désastreux. Les relations entre Steven Tyler et
Joe Perry s'enveniment pour atteindre le point de non-retour lorsque le
guitariste annonce qu'il a l'intention d'enregistrer un album solo.
C'est donc dans un véritable climat de haine, après un concert à
Cleveland, que Joe Perry claque la porte. C'est Jimmy Crespo, le guitariste du
groupe new-yorkais Flame, qui le remplace et qui termine les sessions de
l'album qui sortira en novembre 79. Mais le cœur n'y est plus. Tout le monde
compte sur la tournée qui va suivre pour remettre le groupe en selle, mais
celle-ci ne se fera jamais. Victime d'un grave accident de moto, Steven Tyler
est cloué sur un lit d'hôpital pour une bonne partie de l'année 1980,
condamnant Aerosmith au repos forcé.
Les années 80 commencent plutôt mal pour Aerosmith qui déplore le
départ de son guitariste Joe Perry, alors que son chanteur, Steven Tyler, se
remet lentement d'un accident de moto. Et pour couronner le tout, le guitariste
rythmique Brad Whitford s'en va à son tour. Associé à Derek St. Holmes, le
guitariste-chanteur de Ted Nugent, il produit l'album Whitford / St.Holmes, qui est un
échec commercial. Tout comme le seront les trois albums du Joe Perry Project.
Pour entretenir la flamme auprès du public, Columbia publie la compilation Aerosmith's Greatest Hits en octobre
80.
Avec Jimmy
Crespo et Rick Dufay remplaçant Joe Perry et Brad Whitford, Aerosmith propose Rock in a hard place en août 82. C'est un travail honnête, mais il y manque l'étincelle qui en
ferait un grand disque. On pense alors que leur aventure touche à sa fin. Leur
contrat avec Columbia est arrivé à expiration et personne ne songe à le
renouveler. Pour Joe Perry et Steven Tyler, la descente aux enfers continue.
Joe est accueilli pour un temps dans une maison spécialisée de Boston, alors
que Steven s'installe à Manhattan, dans un hôtel proche de la 8ème rue, au cœur
du quartier des dealers.
En 1983, Brad Whitford quitte Derek St. Holmes et rejoint
le Joe Perry Project. Les deux musiciens entament une collaboration
empreinte de nostalgie qui les amène à réviser leur point de vue à propos de
leur ancien groupe. En février 84, ils vont saluer leurs anciens camarades
après un concert d'Aerosmith à Boston. Cette visite débouche sur une
réconciliation et surtout sur la reformation du groupe dans sa composition
originale.
Une grande tournée américaine est organisée, le Back in the Saddle Tour,
et son succès les rappelle au bon souvenir des maisons de disques. Au bout du
compte, c'est Geffen qui signe Aerosmith et qui publie Done With Mirrors en novembre
85. Bien que timide et maladroit, ce retour ressemble fort à une résurrection.
D'autant que, sous l'influence de Tim Collins, leur nouveau manager, Steven
Tyler et Joe Perry ont retrouvé une vie plus saine.
Débarrassés de leurs vieux démons, ils sont maintenant en pleine possession de
leurs moyens et prêts à conquérir une nouvelle génération.
Le come-back réussi d'Aerosmith est dû essentiellement à deux
éléments : la présence d'un courant "hard" très important aux
Etats-Unis à ce moment précis, et le coup de pouce inattendu de trois rappeurs
du Queens, Run-D.M.C. En septembre 86, sur leur album Raising Hell, Run-D.M.C. reprennent Walk this way, avec Steven Tyler et Joe
Perry en invités d'honneur. Cette version hip-hop d'un titre vieux de onze
ans est un énorme succès des deux côtés de l'Atlantique, N°8 en Angleterre, N°4
aux Etats-Unis, et bénéficie d'une haute rotation sur MTV.
Profitant du retour au premier plan d'Aerosmith, Columbia,
l'ancienne maison de disques du groupe, fait paraître deux albums à quelques
mois d'intervalle : Classics Live en avril 86, et Classics
Live II en juin 87, deux compilations
d'enregistrements publics d'origines diverses. Sur scène, le retour triomphal
d'Aerosmith passe par une nouvelle participation à la TeXXas Jam, où ils se
produisent devant plus de 80 mille personnes. Ils confirment leur retour sur
disque avec Permanent Vacation en octobre 87. Cet album a été enregistré au Canada, à Vancouver,
avec une partie de l'équipe qui est derrière les tubes de Bon Jovi,
c'est-à-dire le producteur Bruce Fairbairn et l'auteur-compositeur Desmond
Child. L'album contient trois tubes : Dude (looks
like a lady), Rag doll et surtout Angel, qui est N°3 aux
Etats-Unis en avril 1988.
L'album se vend au-delà des prévisions les plus optimistes, au
point que la maison de disques, Geffen, doit effectuer un second tirage. Après
la sortie chez Columbia, en novembre 88, d'une nouvelle compilation intitulée Gems, Aerosmith élargit encore son
audience avec son dixième album studio, Pump,à l'automne 89. Tous les titres de cet album, produit une
nouvelle fois par Bruce Fairbairn, sont reliés entre eux par des petites
bizarreries sonores. Grâce à deux énormes tubes, Love in
an elevator et Janie's
got a gun, l'album se classe N°5 aux Etats-Unis
et N°4 en Angleterre. C'est un succès sans précédent qui permet à Aerosmith
d'ajouter 14 millions d'albums aux 38 qu'ils ont déjà vendus.
En 1990, Aerosmith reprend Love me two
times, le succès des Doors, sur la bande
originale du film Air America. En 1991, Columbia publie Pandora's box, un coffret de trois CDs qui
couvre la période 72-82. Les 52 titres qu'on y trouve rassemblent les standards
incontournables d'Aerosmith, les meilleurs extraits de leurs albums, ainsi que
de nombreux enregistrements inédits, en public ou en studio. Pour son nouvel
album, dont la sortie était prévue au printemps 92, le groupe s'accorde un
délai supplémentaire, afin de peaufiner son travail. Finalement, Get A Grip sort en avril 93. On y retrouve
les éléments qui avaient assuré le succès du précédent album : le même
producteur, Bruce Fairbairn, la même équipe de compositeurs, Jim Vallance et
Desmond Child, auxquels on a ajouté quelques invités de marque comme Don
Henley et Lenny Kravitz. Le public plébiscite Get a grip qui entre dans les hits-parades
américain et anglais directement à la première place. C'est le dernier album
d'Aerosmith pour Geffen Records : le groupe vient en effet de resigner avec
Columbia pour un montant estimé à 30 millions de dollars.
En 1993, Aerosmith participe à deux bandes originales de films
: Wayne's World 2, qui propose deux titres "live", et Last
Action Hero, qui reprend leur tube de 76, Dream
on. Fin 94, les deux labels qui se sont partagé
toute la carrière d'Aerosmith décident de rendre un hommage appuyé à leur
groupe vedette. Geffen publie Big Ones, une compilation consacrée à la
période 1985-1994 et augmentée de deux inédits. Columbia va plus loin avec Box Of Fire, un coffret de treize CDs qui
réunit les douze premiers albums d'Aerosmith et un CD qui ne propose que des
inédits.
Aerosmith fait désormais partie des poids lourds de l'industrie du
disque. Ils ne comptent plus les récompenses, et sur le "Rock Walk of
Fame" à Hollywood, leurs empreintes rejoignent celles de Chuck Berry,
Bo Diddley, Jerry Lee Lewis et Stevie Wonder. Mais il faut
penser à la suite. Au cours de l'été 95, les cinq musiciens se retrouvent en
studio à Miami sous la direction du producteur Glenn Ballard, et c'est
là que tout bascule.
Joey Kramer, qui ne supporte plus les sessions qui s'éternisent, décide de s'en
aller. D'autre part, Tim Collins, le manager d'Aerosmith, entretient la
rumeur que Steven Tyler a replongé dans la drogue. C'est faux, mais cela suffit
pour déstabiliser le groupe qui est alors au bord de la rupture. La raison
finit par l'emporter et après une franche explication, les musiciens tirent un
trait sur ce qui vient de se passer. Tim Collins et Glenn Ballard sont
remerciés, Joey Kramer est réintégré, et on reprend les enregistrements à New
York avec un nouveau producteur, Kevin Shirley.
Après un accouchement difficile, Nine Lives paraît en mars 97 et entre directement en première position dans
les hits-parades. Steven Tyler doit alors partager sa célébrité avec sa fille
Liv, un des plus brillants espoirs du cinéma américain, révélée par le film de
Bernardo Bertolucci, Stealing beauty.
Le chassé-croisé des maisons de disques continue. En 1998, c'est
Geffen qui publie le double CD enregistré en public A Little South Of Sanity.
Au cours de l'été 98, Aerosmith est N°1 des classements du Billboard pendant
quatre semaines consécutives avec I don't want
to miss a thing, une ballade originale de Diane
Warren qui fait partie de la bande originale du film Armageddon. Les
deux vedettes du film sont Bruce Willis et Liv Tyler, la fille de Steven. On
trouve trois autres morceaux interprétés par Aerosmith dont un inédit, What kind of love are you on, ainsi qu'un
titre chanté par Steven Tyler seul, Animal
crackers.
Le 8 janvier 2001, Aerosmith présente son nouveau single, Jaded, au cours de la cérémonie des
American Music Awards. A cette occasion, ils reçoivent une distinction
prestigieuse, l'International Artists Award. En 28 ans, ils sont les
cinquièmes à recevoir cet honneur, après Led Zeppelin, Rod Stewart,
Michael Jackson et les Bee Gees. En même temps, ils font leur
entrée officielle au Rock 'n' Roll Hall of Fame. Just Push Play, l'album qui paraît dans la foulée,
est le premier disque d'Aerosmith produit par Steven Tyler et Joe Perry ; c'est
leur treizième album studio et il devrait leur faire passer le cap des 100
millions d'albums vendus depuis le début de leur carrière.
Deux nouvelles compilations viennent s'ajouter à la discographie
du groupe : Young Lust : TheAerosmith Anthology, en 2001, puis O, Yeah :
Ultimate Aerosmith Hits, en 2002. Fin mars 2003,
l'album Honkin' On Bobo marque un retour aux racines pour Aerosmith, ainsi qu'un nouveau
chapitre dans leur carrière. Ils y proposent onze grands classiques du blues,
enrichis de leur touche personnelle, ainsi qu'un inédit signé Tyler / Perry, The grind. Joe Perry explique qu'ils ont
toujours voulu rendre hommage au blues, une musique qui les a influencés depuis
leurs débuts. Mais il ajoute qu'ils ne peuvent pas jouer du blues sans que le
rock viennent naturellement s'y immiscer. Quant à Steven Tyler, il précise :
"Nous n'avons pas fait un album de blues, nous avons fait un album
d'Aerosmith. Tout ce qu'a joué le groupe a toujours été influencé par le blues.
Nous avons juste mis cette influence un peu plus en lumière."