America

 

Les trois futurs fondateurs d'America, Gerry Beckley, Lee "Dewey" Bunnell et Dan Peek, se sont rencontrés à la Central High School de Bushey Park, à Londres, une école réservée aux enfants des personnels américains en poste dans la capitale anglaise. Ils sont tous trois fils de militaires et sont nés au gré des affectations de leurs parents : Dan, en Floride en 1950 ; Gerry, au Texas en 1952 ; et Dewey, dans le Yorkshire, en Angleterre, également en 1952. Pourtant, contrairement à ce qui a souvent été écrit ou dit, aucun d’eux n’est citoyen britannique.

 

America

Aoxomoxoa

Holiday

1972                               CD

1972                                 CD

1974                                CD

"Non, nous sommes citoyens américains. Nos pères sont américains et nos mères sont britanniques. Mais nous nous sommes connus à Londres et c’est de là que vient la confusion. Parce que c’est là que nous avons été au lycée. C’est là qu’on a enregistré notre premier album, c’est là qu’on a donné nos premiers concerts. Et puis tout a été si vite... Mais avant ça, on avait fait le tour du monde avec nos parents et tout ce qu’on connaissait du show business était à Londres."

Les trois adolescents sont tous guitaristes et chanteurs. Après plusieurs expériences sans conséquence, ils intègrent un premier groupe sérieux, The Daze, qui survit jusqu'au départ de deux de ses membres, en 1970. Gerry Beckley, Dan Peek et Dewey Bunnell décident alors de continuer leur route ensemble sous la forme d’un trio acoustique. Ce trio, les trois copains le baptisent America. La légende prétend qu’ils ont opté pour ce nom après avoir remarqué un juke box “Americana” dans un pub londonien, mais on peut aussi penser qu’ils l’ont choisi par nostalgie de leur pays d’origine et pour affirmer leur identité américaine."Les deux explications sont correctes. D’abord, il y avait bien ce juke-box “Americana”. Et lorsque nous avons émis l’hypothèse de donner ce nom au groupe, notre manager a effectivement souligné qu’America préciserait notre origine bien mieux qu’un long discours. Ce qui nous rendait uniques, c’est que nous n’étions pas un groupe britannique de plus ; nous étions américains. En réalité, ces deux explications n’en font qu’une."

Gerry, Dewey et Dan, les trois musiciens d’America, jouent et chantent remarquablement. Ils sont aussi d’excellents compositeurs, et ces multiples talents n’échappent pas à Jeff Dexler, le patron d’un des clubs les plus populaires de Londres, le Roundhouse, qui devient leur manager. Grâce à lui, America jouent en première partie des plus grands noms de la rock music anglaise, comme Pink Floyd par exemple, et ils décrochent rapidement un contrat d'enregistrement avec Warner Brothers.

Simplement titré America, le premier album du trio paraît en décembre 1971 et pour accompagner sa sortie, on décide d’en extraire un single.
I need you, une composition de Gerry Beckley, semble le meilleur choix, mais le groupe a une autre idée. Il retourne en studio et enregistre une nouvelle chanson, un titre où Dewey Bunnell s’est laissé inspirer par les grandes étendues désertiques qui entourent la base militaire de Vandenberg, en Californie, où il a vécu brièvement dans sa jeunesse. La chanson s’appelle A horse with no name.

A horse with no name, c’est le désert mis en images et en sons et plus directement l’expression de mon amour pour le désert et l’environnement en général. J’adore la nature. A l’époque, nous étions en Angleterre. C’était un jour de pluie, il faisait froid et je me suis dit que ce serait une bonne idée d’écrire à propos du désert. C’est une chanson très simple, aux accords simples, c’est toujours ainsi que j’écris. Et il y a ce gimmick, que tout le monde a retenu."

Le titre est un succès immédiat en Angleterre et se classe N°3 dans les hits-parades. La chanson est incorporée à l’album America qui paraît sous cette forme aux Etats-Unis. Le groupe fait alors une première et brève tournée de promotion outre-Atlantique en première partie des Everly Brothers, d’autres maîtres des harmonies vocales, alors que “Le cheval sans nom” galope à bride abattue vers le sommet des charts. Le 25 mars 72, il est N°1 aux Etats-Unis, tout comme l’album dont il est extrait. Dans l’histoire du hit-parade américain, c’est la première fois qu’un groupe réussit à placer son premier single et son premier album en tête des classements ; à l’heure actuelle, cette performance n’a toujours pas été égalée.

Le deuxième album, Homecoming, paraît en novembre 1972. Comme son titre l'indique, c'est l'album du "retour au pays”. En même temps qu’ils quittent l’Angleterre, les trois musiciens emmènent d'America avec eux leur succès qui sera dorénavant presque exclusivement américain. Sur ce disque qui se vend à plus d'un million d'exemplaires, le tube s’appelle Ventura Highway. Début 1973, America reçoit le Grammy Award du “meilleur nouveau groupe”.Au moment où se déroule la cérémonie, ils sont en tournée et ils doivent se contenter de regarder le show à la télévision. C’est la chanteuse Dusty Springfield qui reçoit le trophée à leur place. C’est à partir de “Homecoming” que tous les titres des albums d’America commencent par la lettre “H”. Cette petite manie durera jusqu'en 1977.

En octobre 1973, l’album Hat Trick bénéficie de participations prestigieuses, comme celles de Joe Walsh, Carl Wilson et Tom Scott. Pourtant, c'est un échec relatif, en tout cas si on le compare au succès des albums précédents, puisqu’il ne dépasse pas la 28ème place dans les hits-parades. Pour regagner le cœur du public, America se tournent alors vers l’Angleterre et remettent leur sort entre les mains de George Martin, le producteur des Beatles, qu'ils réussissent à convaincre sans trop de difficultés.

"On lui a demandé et c’est tout. On nous a souvent posé la question : comment avez-vous fait pour avoir George Martin ? C’est très simple : on lui a téléphoné, on lui a fait écouter quelques chansons et il a dit oui. Ce fut le début d’une belle collaboration puisqu’on a fait six albums ensemble. On est toujours en contact. Il faut l’appeler Sir George maintenant : il a été anobli la semaine dernière."

Le premier album d'America produit par George Martin, c’est Holiday en juin 1974. Connaissant la façon très lente de travailler des trois musiciens, George Martin leur a demandé de venir répéter et enregistrer chez lui, à Londres, dans les célèbres "Air Studios". Soucieux de laisser une bonne impression au producteur des Beatles, et contrairement à leur habitude, Gerry, Dan et Dewey travaillent d’arrache-pied. L’album, terminé en à peine quinze jours, est une réussite.

Il se classe N°3 aux Etats-Unis et les deux singles qui en sont extraits, Tin Man et Lonely people, atteignent le Top 5. George Martin, celui que l'on avait surnommé le cinquième Beatle, continue de produire America. 

Pour l'album Hearts qui paraît en avril 1975, il a même accepté de se déplacer et de faire le chemin jusqu’à Los Angeles où ont eu lieu les séances d'enregistrement. Cet album contient notamment le titre Sister golden hair, une composition de Gerry Beckley qui est N°1 aux Etats-Unis le 14 juin 1975.

En novembre 1975, c'est-à-dire moins de quatre ans après ses débuts, America a déjà droit à un premier Greatest Hits. Baptisé History, il rassemble douze des quatorze singles publiés jusque-là par le trio, dont six ont eu les honneurs du Top Ten américain. Une précision toutefois : les chansons extraites des trois premiers albums ont été remixées par George Martin. Elles sonnent donc différemment des versions originales, mais la différence est très subtile et en aucun cas gênante.

America publie alors Hideway en avril 1976, puis Harbor en février 77, deux disques qui marquent un certain recul dans l’inspiration, ce qui se traduit immédiatement par un tassement des ventes. C’est à ce moment que Dan Peek s’en va, abandonnant la vie excessive des rock-stars pour une carrière de chanteur chrétien engagé. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce départ ne constitue pas une menace pour l’avenir du groupe ; au contraire, c’est ce qui le sauve.

"Les derniers mois, cela devenait très dur pour le groupe car nous n’arrivions plus à tenir nos engagements. Nous ne pouvions plus donner le moindre concert parce qu’on ne savait jamais s’il allait venir ou pas. Alors quand il est parti, ça a été un réel soulagement. Nous, on a pu retourner au travail et lui a pu faire ce qu’il voulait faire. Ceci dit, tous nos vœux accompagnaient sa carrière et nous serions venus chanter sur ces disques s’il nous l’avait demandé. Mais il a quitté la Californie et nous nous sommes perdus de vue. Nous ne nous parlons pratiquement plus."

America, qui a connu toutes les réussites dans les six premières années de sa carrière sous la forme d'un trio, doit subitement faire face, en 1977, au départ de Dan Peek. Gerry Beckley et Dewey Bunnell choisissent de ne pas remplacer Dan et décident de continuer en duo.  Leur premier album sous cette forme, c’est America / Live en décembre 77, un éventail de leur plus grands succès enregistrés au Greek Theatre de Los Angeles. Destiné à prouver au public leur capacité à rebondir et leur volonté d’aller de l’avant, l’album sera aussi leur dernier album pour Warner, la maison de disques de leurs débuts.

Après le single isolé California dreamin, une reprise du classique des Mama’s & Papa’s, America signe chez Capitol au printemps 1979. C’est le début d’une période de bouleversements intenses où, pour faire remonter les ventes, le groupe est prêt à tout tenter, mais de manière désordonnée, sans véritable plan de bataille. Après avoir changé de label, ils changent de management, avant d’expérimenter onze producteurs différents. Ils vont même chercher des auteurs-compositeurs extérieurs au duo, eux dont les chansons ont fait le tour du monde.

"Tu vois, ta raison commence à partir en tous sens. Qu’est-ce que je pourrais faire ? Utiliser des musiciens de studio ? OK. Et tu appelles tes copains les plus connus à la rescousse. Essayer un nouveau producteur ? OK. En voilà un et il te dit : 'j’ai préparé quelques chansons, essayons-les'. Ce ne sont pas les tiennes, bien sûr. Et c’est ainsi que nous avons perdu le contrôle. Depuis quelques années déjà, nous avons remis la main sur nos affaires, mais il y a eu cette période où nous nous contentions de chanter et parfois de jouer un peu de guitare acoustique sur nos disques. Et nous n’aimions vraiment pas cela."

En juin 1979, Silent Letter marque la dernière collaboration d'America avec le producteur George Martin. C'est le premier album studio du groupe pour Capitol, le premier depuis bien longtemps dont le titre ne commence pas par la lettre “H”.

Mais c’est tout de même un dernier clin d’œil à cette période puisque Silent letter signifie en français lettre muette et que cette lettre muette, c’est bien évidemment le “H”. L'album  n’améliore en rien la situation du groupe; il stagne dans les profondeurs des classements, tout comme le suivant, Alibi, qui paraît en août 1980. La stratégie de Capitol, qui cherche pour le groupe un nouvel environnement musical, finit par payer. En novembre 1982,  View from the ground renoue avec le Top 50 et le single You can do magic (écrit et produit par Russ Ballard, l'ancien leader du groupe Argent) se classe N°8 aux Etats-Unis.  

"Nous avions réalisé que notre écriture était dans l’impasse, que nous n’arrivions plus à exprimer nos images, nos idées et donc, qu’il nous fallait du sang neuf, extérieur. Et nous avons contacté Russ Ballard qui a écrit 'You can do magic' spécialement pour nous, avec notre son, nos voix, notre style d’écriture. La chanson nous allait comme un gant. C’était parfait. Nous n’avions aucun doute dès la première maquette : il nous fallait l'enregistrer."

Très logiquement, America confie à Russ Ballard l’entière production de son album suivant. Your Move paraît en juillet 1983 et leur donne un nouveau succès, The border, qui se classe N°33 aux Etats-Unis. On pense alors qu'America est bien reparti pour affronter les années 80, mais l’album de novembre 84, Perspective ne leur permet pas de confirmer. Après un dernier disque pour Capitol, America In Concert en août 1985, le groupe renonce à enregistrer et choisit de se consacrer à la scène. Pendant presque une décennie, on pourra apprécier leur show animé par un talent et un enthousiasme intacts, à raison d’environ 130 concerts par an.

Pendant cette longue période d’inactivité discographique, America publie quand même deux disques, deux compilations : Ventura Highway & Other Favorites, parue chez Capitol en 1988, et Encore : More Greatest Hits , parue sur le label Rhino en 91 (qui s’ouvre sur quatre inédits, quatre nouveaux titres qui marquent le retour d’America en studio après sept années d’absence). Encouragés par le bon accueil réservé à ces nouvelles compositions, Gerry Beckley et Dewey Bunnell se remettent au travail avec l’idée d’enregistrer cette fois un album entier. Cela donne Hourglass en juillet 94.

"Réaliser Hourglass, ce fut pour nous une grande chose, car la maison de disques nous avait donné carte blanche pour réaliser l’album que nous désirions et pas celui d’un producteur qui aurait rêvé pour nous. Pour l’occasion, nous nous sommes remis à la production. Nous en connaissions tous les risques, mais nous étions persuadés qu’il serait bien mieux de travailler sous la forme d’une équipe réduite où chacun se donnerait à fond. Nous  sommes très satisfaits du résultat. De notre point de vue, ce n’est pas un album de plus, c’est un nouveau départ. Il marque notre retour en studio après bien des années d’absence et nous aimerions aller plus loin et en enregistrer quelques autres."

Pour ce retour, on retrouve America tel qu’on l’avait quitté en 85. C’est comme si le temps s’était arrêté, comme s’il n’avait pas eu de prise sur les musiciens et sur leur musique. L’album contient dix chansons nouvelles, auxquelles s’ajoutent deux morceaux plus anciens qu’ils ont réenregistrés pour l’occasion : le classique You can do magic, ainsi que Everyone I meet is from California, la face B du 45-tours A horse with no name. Pour l’anecdote, on remarquera que le titre de l’album commence par la lettre “H”, comme à la grande époque d’America.

Un nouvel album baptisé America In Concert paraît en 1995 mais il n’a rien de commun avec son homologue de 85, si ce n’est qu’il est “live”. Il s’agit ici de l’édition en CD d’un concert enregistré en 1982 pour le compte de l’émission King Biscuit Flower Hour, un show syndiqué d’une heure diffusé en direct sur plus de 200 radios aux Etats-Unis et qui, depuis 1973, a présenté plus de mille artistes ou groupes parmi les plus prestigieux de la planète rock. Au même moment, c’est Gerry Beckley qui publie son premier album solo, Van Go Gan, que les fans d’America n’hésitent pas à qualifier de chef-d’œuvre.

A ce moment, Dewey Bunnell vit à San Anselmo, près de San Francisco, avec sa femme Vivien et leurs deux enfants, Dylan et Lauren. Quant à Gerry Beckley,il réside à San Fernando Valley avec son grand fils Matthew, sa femme Kathy et leur petit Joe, âgé de quatre ans. En 1997, ils reçoivent l'hommage des West Coast All Stars (deux chanteurs de Toto et deux chanteurs du groupe Chicago) qui reprennent a capella Sister golden hair.
Des deux membres d’America, c’est Gerry le plus actif : on peut l’entendre faire les chœurs sur les albums de ses amis Timothy B. Schmit et Andrew Gold ; il travaille aussi sur un projet avec Carl Wilson des Beach Boys et Robert Lamm de Chicago. Le résultat, c'est l'album
Like A Brother qui paraîtra en juin 2000, crédité à Beckley / Lamm / Wilson. Malheureusement, Carl Wilson, décédé le 6 février 1998, n'en verra pas la concrétisation.
En ce qui concerne plus directement America, on annonce alors la sortie prochaine du successeur de
Hourglass.

"Nous sommes en pleines négociations. Nous aimerions travailler avec Gary Katz, le producteur bien connu de Steely Dan. On se rencontre régulièrement. C’est bien sûr des choses qui ne se font pas du jour au lendemain, mais nous espérons sortir du nouveau encore cette année."

En fait, il faudra attendre septembre 98 pour voir arriver le nouvel album d'America, Human Nature, produit par Gerry Beckley et Dewey Bunnell avec la complicité de deux de leurs amis, mais sans la participation tant espérée de Gary Katz. Lorsqu'arrive l'an 2000, America se rappelle au bon souvenir de ses admirateurs en publiant un coffret de trois CD's, Highway : 30 years of America. On y trouve 64 titres qui survolent les trois décennies de leur carrière, des extraits de quasiment tous leurs albums (plus d'une vingtaine) auxquels il faut ajouter plusieurs démos et raretés. Ce coffret témoigne, si besoin est, de la profondeur et de la richesse du répertoire d'America. En août 2001, The Definitive America est une compilation qui se présente un peu comme un résumé en 23 titres du coffret.

En 2002, America est toujours d'actualité ; plusieurs événements sont là pour en témoigner. C'est d'abord Garth Brooks qui reprend un de leurs titres de 1972, Don't cross the river, sur son album Scarecrow. Puis les Neptunes (c'est-à-dire le duo de producteurs Chad Hugo et Pharrell Williams) proposent un remix hip-hop de A horse with no name. Quant à Janet Jackson, elle a choisi de sampler un extrait de Ventura highway sur hit, Someone to call my lover. Mais ce n'est pas tout : deux nouveaux éléments viennent s'ajouter à la discographie d'America. C'est d'abord un "live" acoustique qui paraît en novembre 2002, The Grand Cayman Concert,  puis un album de Noël produit par Andrew Gold, Holiday Harmony, qui sort un mois plus tard. Enfin, en 2002, on remarque également Gerry Beckley et Dewey Bunnell sur l'album Fragile Sunrise de Jeff Larson : ils étaient déjà présents sur le précédent, Room for summer, et on les retrouvera sur suivant, Sepia, paru en mai 2002.

En 2003, Dewey Bunnell et Gerry Beckley appellent en renfort le bassiste-chanteur Richard Campbell, qui a longtemps accompagné Natalie Cole et qui a joué avec Three Dog Night, le Ringo Starr's All Starr Band, Edgar Winter et Dave Mason.Ils entament alors une longue tournée qui se poursuit en 2004 en Australie où ils vont passer tout le mois de janvier. Après quelques dates en Grande-Bretagne, America est en concert à Paris avec RTL, le dimanche 7 mars à l'Olympia.