Tim Buckley
Lyrics
Né le 14 février 1947 à
Washington et après une enfance passée à New York, Tim Buckley s’installe en
1956 dans le sud de la Californie avec ses parents.
Il fait ses débuts vers
l’âge de quinze ans comme chanteur et guitariste dans des orchestres de country
and western. Vers le milieu des années 60, alors qu’il n’a pas vingt ans, il se
produit déjà seul avec sa guitare dans des cabarets folk de Los Angeles. C’est
là qu’il est repéré, au début de l’année 1966, par Herb Cohen, le manager de Frank
Zappa. Celui-ci organise son premier concert à New York, au Night Owl Café,
en juillet de cette année-là. Cette prestation lui vaut aussitôt un contrat
avec la firme Elektra (le label des Doors), dont le patron, Jac Holzman,
coproduit avec Paul Rothchild son premier album (sans titre), enregistré en trois
jours.
On découvre sur ce disque
son vibrato unique, qui s’allie à merveille avec une orchestration folk-rock
(Van Dyke Parks y joue des claviers) et des textes très imagés écrits par son
ami Larry Beckett, comme Valentine Melody et Song Slowly Song. En 1967, sa réputation grandit
grâce à des apparitions régulières dans les clubs new-yorkais. Il lui arrive de
se produire avec Nico, l’ex-chanteuse du Velvet Underground. De passage
à New York, George Harrison est subjugué. Il tente vainement d’associer
Brian Epstein, le manager des Beatles, à la carrière de Buckley.
En novembre 1967 sort l’album Goodbye And Hello, qui comprend l’un de ses
morceaux les plus fameux, Morning Glory. Le
groupe qui l’accompagne alors (et qui reste le meilleur qu’ait jamais eu
Buckley) est formé du guitariste Lee Underwood, du contrebassiste Jim Fielder
(un vieil ami de Buckley, futur membre de Blood, Sweat And Tears) et du
vibraphoniste David Friedman. Les arrangements sont plus originaux et
aventureux que sur l’album précédent, et on découvre la liberté rythmique du
jazz que Buckley va beaucoup explorer par la suite. L’album Happy — Sad,
paru au printemps 1969, marque un tournant. Accompagné des mêmes musiciens, il
opte pour des arrangements dépouillés, parfois nus au point de ne révéler que
la pulsation rythmique derrière les chansons, comme le très étiré « Gypsy Woman
». Cet album demeure la seule réussite commerciale de sa carrière — relative,
puisque le disque n’atteint que la quatre-vingt-unième place du hit-parade
américain. Le disque suivant, Blue Afternoon,
publié en février 1970 par le label Straight (lancé par Frank Zappa et son
manager), poursuit dans la même veine d’un folk-jazz mélancolique.
Mais l’album Lorca, que Buckley fournit quelques mois plus
tard à son premier label Elektra par obligation contractuelle, s’éloigne des
structures de la chanson pour explorer une musique fondée, comme le free-jazz,
sur l’improvisation. Dans l’album Starsailor,
qu’il donne aussitôt après, en janvier 1971, à son nouveau label, la voix ne se
détache plus, mais fusionne avec le reste, instrument parmi les autres
instruments. Buckley place ces deux albums sous l’influence de John Coltrane.
C’est sur le second qu’on trouve la chanson Song To
The Siren, reprise en 1983 par le collectif du label britannique 4AD,
This Mortal Coil, avec la voix d’Elizabeth Fraser de Cocteau Twins. En 1971,
très peu d’amateurs ont suivi Tim Buckley sur ces terres inconnues. En panne
d’argent, il est contraint de survivre en faisant des petits boulots. On dit
alors qu’il se consacre à l’écriture d’un scénario.
Après avoir été chauffeur
de taxi, puis un court moment chauffeur pour la superstar du funk Sly Stone, il
va émerger à nouveau, à la surprise générale, à la fin 1972, métamorphosé en
chanteur funky. Greetings From L.A. est
un album très rythmé, avec des cuivres et des percussions, où il s’abandonne,
dans ses textes, à une sensualité souvent proche d’une grande crudité sexuelle
(Nighthawkin’). Pourtant, il reste un chanteur
confidentiel, couvert d’éloges par la critique, mais ignoré du grand public.
L’album Sefronia (1973), qui paraît sous
la nouvelle étiquette DiscReet (toujours Zappa et Cohen), contient de très
belles reprises, comme Sally Go Round The Roses des Jaynetts ou Dolphins de Fred
Neil. On y retrouve un peu le Buckley des débuts. Fin 1974, pour conjurer
l’échec commercial, il enregistre un album cent pour cent funky, Look At The Fool, tout à fait manqué de l’avis
général. Au printemps 1975, il entame une nouvelle tournée américaine. Le 29
juin, il doit être emmené d’urgence à l’hôpital de Santa Monica, près de Los
Angeles, après s’être administré chez un ami un cocktail d’héroïne et de
morphine qu’il aurait pris par mégarde pour de la cocaïne. Il meurt d’un arrêt
du coeur.
Dans les années qui
suivent sa mort, son influence reste présente. En 1983, le label californien
Rhino publie un excellent Best Of de
onze chansons. Surtout, en 1990, le label anglais Demon a l’excellente idée de
publier Dream Letter, un double CD
enregistré lors d’un concert donné à Londres en octobre 1968 pour un programme
de télévision. Cet album posthume est sans doute le meilleur de Buckley. Avec
la beauté aérienne de sa voix, son timbre déchirant et ses improvisations
rêveuses, il entraîne l’auditeur dans des contrées inoubliables, servi par un
groupe admirable de virtuosité comme de spontanéité. Sa notoriété a pu rester,
de son vivant, marginale, et sa courte carrière connaître des éclipses, le
lyrisme de sa voix comme la liberté de ses orchestrations en ont fait un
classique qui a influencé quantité de chanteurs, singulièrement dans le rock
dit « indépendant » des années 80 et 90. Il était le père du défunt Jeff
Buckley.