Creedence Clearwater Revival
Il faudra huit longues années pour que le
groupe de collégiens formé par Tom Fogerty à El Cerrito, une petite
bourgade de la banlieue de San Francisco, se métamorphose en ce groupe à même d'aligner
disque d'or sur disque d'or à la fin des années 60. Huit années d'engagements
de fortune, de choix artistiques
douteux (Tom Forgety chantait alors au détriment de son frère
John), bref, ce qu'il est convenu d'appeler la galère. Les Visions, comme
ils se nomment alors, sont bien pris sous contrat par la firme de San
Francisco, Fantasy, en 1964 - et se voient immédiatement rebaptisés les
Golliwogs pour sonner plus anglais -, mais les ventes demeurent minimes,
même si Browned-Eyed Girl (aucun rapport avec
le classique de Van Morrison) est un petit tube à Los Angeles en 1966.
Qui plus est, Fogerty et Doug "Cosmo" Clifford sont appelés
sous les drapeaux la même année. Les Golliwogs ont vécu.
Creedence Clearwater |
Bayou Country |
Green River |
Time Loves A Hero |
Waiting For Columbus |
Pendulum |
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1968 CD |
1969 CD |
1969 CD |
1969 CD |
1970 CD |
1971 CD |
Rendu à la vie civile, John Fogerty fait
adopter le nom curieux de Creedence Clearwater Revival à son quatuor :
"Creedence" est, en fait, le nom d'un ami, "Clearwater",
celui d'une marque de bière, et "Revival" résume en un mot la
profession de fois des quatre musiciens : retournons aux racines.
C'est grâce à une
reprise de Dale Hawkins que le groupe attire l'attention fin 1968 : une
version plutôt longuette du demi-classique Suzie Q;
dont les vedettes sont, déjà, la voix de John et un son de guitare transformé
par l'utilisation systématique du trémolo, à la résonance aquatique, vite
baptisé "bayou rock", qui évoque , aussi bien qu'une BO de Ry
Cooder, la touffeur et le mystère des forêts inondées de Louisiane, même si Fogerty n'a jamais mis les pieds
dans la patrie du zydeco. Suzie Q., trasformé
en deux parties pour les besoins du 45 tours, est le premier tube du groupe,
n°11 en 1968. Il permet à l'album, Creedence
Clearwater, qui l'accompagne de s'installer pendant un an et demi
dans le hit-parade américain. Ce n'est qu'un début.
Bayou Country,
qui paraît dix mois plus tard, en mars 1969, est l'album qui définit ce qu'on
va appeler le swamp-rock , lent, hypnotique, parfois inquiétant,
illuminé de quelques compositions originales prodigieuses, dont Proud Mary est la plus remarquable.
Cette chanson sera bien sûr reprise par Ike
& Tina Turner, Solomon Burke et Elvis Presley (sans
oublier plusieurs milliers de groupes amateurs du monde entier); mais elle est
surtout la première vraie chanson de John Fogerty, celle dans laquelle il
découvre le territoire qu'il occupera tout au long de sa carrière. Les
références sont évidentes. Le mémorable riff d'intro est l'écho de la descente
d'accords majeurs de Fortune Teller, ce
standard du rhythm'n'blues de La Nouvelle-Orleans. La mélodie, elle, louche du
côté de la country, tandis que la richesse symbolique des paroles (le fameux
"big wheel keep on turning" évocation des bateaux à roue qui
remontait le Mississipi) n'a rien à envier au Dylan de la grande époque:
ce véritable melting-pot de tous les principaux courants de la musique
populaire américaine est assumé avec un goût et un naturel confondants. Le
public ne s'y trompe pas, et Proud Mary est un
énorme tube des deux côtés de l'Atlantique. Quelques semaines plus tard, Bad Moon Rising et le sublime Lodi confiremnt la naissance d'un talent majeur.
Creedence entre alors dans une période
d'activité, ne quittant le studio d'enregistrement que pour tourner sans relâche
: festival de Newport, festival de Denver, festival d'Atlantic City, et enfin
Woostock. Dès l'automne 69, le nouvel album, Green
River, emmené par un riff irrésistible sur la chanson du même titre,
s'installe au n°1. En janvier 1970, à peine cinq mois après sa sortie, Willy And The Poor Boys devient le troisième
album de Creedence à s'écouler à plus de 1 million d'exemplaires aux Etats-Unis.
Le disque est un pur chef-d'oeuvre : l'art qu'à Fogerty, qui en est également
le producteur, d'utiliser le studio est employé avec un sens de l'économie aux
antipodes des débauches complaisantes de mise à l'époque. Fortunate Son devient un tube, tout comme Down On The Corner, enregistré sur une minicassette
au coin d'une rue, avec une planche à laver pour seule percussion. Fogerty est
alors au sommet de son art. Chacune des chansons de l'album a l'aplomb d'un
standard, son immédiateté, son assurance. On tient là un résumé inspiré de
toutes les formes classiques de la musique populaire américaine : honky tonk,
blues, rockabilly, bluegrass. La voix de Fogerty s'y libère, tandis que la
section rythmique Tom Fogerty-Cook-Clifford s'y affirme l'égale de Charlie
Watts et de Bill Wyman en terme de fluidité.
A suivre...