Depeche
Mode
Andy
Fletcher, Martin
Gore et Vince Clarke sont originaires de Basildon, une ville
ouvrière de l’Essex proche de Londres. Ils sont encore lycéens lorsqu’ils montent
leur premier groupe. C'est un trio composé de deux guitares et d’un
synthétiseur qui s’élargit avec l’arrivée d'un de leurs amis, le chanteur David
Gahan. Ils s’appellent alors Composition of Sound. Mais leur nom
définitif, ils le trouvent en feuilletant un magazine français, Dépêche Mode.
En même temps qu’ils adoptent ce nom, ils abandonnent les guitares, si bien que
les trois instrumentistes jouent désormais du synthé.
C’est
à l'occasion d’un concert où ils se produisent en première partie de Fad Gadget
que Depeche Mode rencontrent Daniel Miller, le fondateur et patron du label
indépendant Mute Records. Miller vient de démarrer. Il a peu d’argent, mais une
grande ouverture d'esprit et une confiance totale en ses nouveaux poulains.
Pour tout contrat, il échange avec eux une simple poignée de main.
Depeche Mode entre en studio et
enregistre deux titres. Le premier, Photographic,
paraît début 1981 sur la compilation Some Bizarre, aux côtés des toutes premières expériences de Soft Cell,
Blancmange, B-Movie et The The. Le second, Dreaming of me, sort le 20 février sur Mute Records
et atteint une modeste 57ème place dans le hit-parade britannique. Après New life, qui se classe N°11 au cours de l'été, arrive enfin Just can’t get enough, qui paraît en septembre 81 et fait
connaître le groupe à l'Europe entière. Le succès de ce dernier titre éveille
l'intérêt des grandes compagnies de disques mais Depeche Mode choisit de rester
chez Mute, où ils sont d’ailleurs encore aujourd’hui. Pour Martin Gore, la
question d’un changement de label ne se pose même pas, car Mute constitue la
structure idéale où ils peuvent s’exprimer sans aucune contrainte.
"J'ai toujours pensé que nous avions eu beaucoup de
chance parce que, si nous avons choisi Daniel Miller et Mute, c'est uniquement
par instinct. Il avait une excellente réputation, nous avions confiance en lui,
les choses se présentaient plutôt bien, et voilà. Au départ, notre accord ne
concernait qu'un single. Et puis ça a très bien marché et nous nous sommes
vraiment mis à apprécier Daniel et l'incroyable liberté qu'il nous laissait. Il
n'a jamais exercé la moindre pression sur nous. Jamais."
Le
premier album de Depeche Mode, Speak & Spell, paraît en octobre 1981. En même temps qu’O.M.D. et Human
League, ils viennent de poser les règles d’un nouveau genre musical,
l’électro-pop. A deux exceptions près, tous les titres sont signés Vince
Clarke. Le coup est d’autant plus rude lorsque, deux mois plus tard, Vince
décide de quitter Depeche Mode pour former Yazoo. Beaucoup pensent alors
que Depeche Mode ne s'en relèvera pas. Ils ont tort, car c’est apparemment sans
problème que Martin Gore prend la succession de Vince Clarke. Gore n’a
ni la technique ni l’expérience de Vince Clarke, mais il a beaucoup de talent. See you, le premier single qui porte sa signature, se classe N°6 en
janvier 1982.
Depeche
Mode passe trois mois en studio pour enregistrer son deuxième album, A Broken Frame, qui paraît finalement en septembre
1982. Entre-temps, le groupe s’est renforcé avec l’ancien clavier des Hitmen,
Alan Wilder. Alan a été embauché par le biais d’une petite annonce
rédigée ainsi : “Groupe connu cherche clavier de moins de 21 ans.” “J’en avais
22”, avouera le nouveau venu. ”J’ai menti.” Alan Wilder fait ses débuts sur Get the balance right, en janvier 83. Son influence discrète
pousse Depeche Mode vers de nouvelles expériences musicales, plus abruptes,
mais toujours au service de véritables chansons.
Enregistré
à Londres, mixé à Berlin où Martin Gore vient de s’installer, l'album Construction Time Again confirme l’évolution de Depeche Mode,
qui se défait ici de son image superficielle de groupe à teenagers pour gagner
en crédibilité. C'est ce que confirme le single People are people. A l'époque, c'est leur plus gros succès, avec une quatrième
place en Angleterre, mais surtout une treizième place aux Etats-Unis.
"Les Etats-Unis, ce fut un choc et une surprise. Nous
avions déjà fait deux petites tournées là-bas et la deuxième avait été
catastrophique. Dave avait dû se faire enlever un tatouage qui s'était infecté
et il avait donné tous les concerts avec un bras en écharpe, ce que le public
n'avait pas apprécié. D'autant que nos synthés tombaient constamment en panne.
Nous étions revenus en Europe en nous disant que décidément, l'Amérique n'accepterait
jamais notre musique. A l'époque, le rock à base de guitare semblait
indéboulonnable. En conséquence, on avait laissé tomber les Etats-Unis. Et puis
quatre ans plus tard, on relance une petite tournée là-bas et tous les billets
se vendent en quelques heures. Sur ce, on décroche un tube énorme et depuis,
c'est le délire. Mais ne me demande pas comment c'est arrivé parce que une
chose est certaine : nous n'avons jamais rien fait pour gagner les faveurs du
public américain."
L’ennui,
la religion et le sexe deviennent les thèmes de prédilection des compositions
de Martin Gore. On retrouve People
are people sur
l’album Some Great
Reward en
septembre 1984. les autres groupes-vedettes de la vague électro-pop, comme Human
League et OMD, ont paniqué et se sont reniés pour revenir à une
instrumentation plus traditionnelle. A l’heure du choix, Depeche Mode
persistent et signent. Avec courage, avec intelligence et aussi avec beaucoup
de discernement, ils décident de rester fidèles aux synthétiseurs. Parue en
octobre 1985, The Singles
81-85 est une
compilation de quinze titres qui retrace parfaitement l’évolution du groupe
depuis ses débuts.
La
compilation des premiers singles de Depeche Mode est suivie de l’album Black Celebration qui entre directement à la quatrième
place des charts en Grande-Bretagne. En France, il est double disque d’or. Le
clip du single A question
of time marque les
débuts d’une longue collaboration entre le groupe et le photographe hollandais
Anton Corbijn, qui sera désormais “l’œil” de Depeche Mode. C'est lui qui est le
responsable de tout ce qui concerne l’image du groupe, que ce soit les
pochettes de disques, les affiches, le logo ou les vidéos. Ces derniers albums
confirment leur goût pour la musique industrielle allemande (notamment Kraftwerk)
qui nourrit leurs samples : bruits lourds et métalliques, percussions froides
martèlent des titres comme Master
and Servant, Blasphemous rumours ou Stripped. De
peur de ne plus être à la mode,
Depeche
Mode s’installent alors à Paris pour jeter les bases de leur prochain album.
Ils en sont co-producteurs, associés à Dave Bascombe que l’on connaît pour son
travail avec Peter Gabriel ou Tears For Fears. Pour la première
fois, Daniel Miller n’intervient pas directement. Pour la première fois aussi,
une guitare fait son apparition entre les mains de Martin Gore. Terminé à
Londres et mixé au Danemark, Music For The Masses sort en septembre 1987. Grâce à ce disque, Depeche Mode
fait une première incursion dans le Top 40 américain, où il grimpe jusqu'à la
35ème place. En Europe, tous les
concerts de la tournée se donnent à guichets fermés. C'est la même chose aux
Etats-Unis où cette tournée débute en décembre 87 par deux soirées au “Forum”
de Los Angeles. Toutes les places sont vendues en moins de cinq heures. Le
dernier concert, le cent unième depuis le début de cette tournée mondiale, a
lieu aux Etats-Unis le 18 juin 1988 devant 78 mille spectateurs réunis au Rose
Bowl de Pasadena.
C’est
ce show qui a été enregistré et qui constitue le double album “live” qui paraît
en mars 1989. Il s’appelle 101, mais il aurait dû porter un autre
titre, “Mass”, par référence à l’album précédent, mais aussi pour traduire le
côté “grand messe”, l’aspect religieux de chaque concert, qu’évoque ici le
chanteur Dave Gahan.
"Dans un concert de cette importance, il se dégage
quelque chose de très religieux. C’est un courant qui va des fans vers le
groupe mais qui est aussi réciproque. Pour ma part, je ressens un afflux
d’énergie massif à voir tous ces gens imiter mes gestes et chanter avec moi.
C’est comme une grand-messe. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est de
l’adoration, mais il y a là un incroyable dégagement d’énergie que nous ne
sommes pas en mesure de comprendre, mais qui explique pourquoi les gens reviennent
à nos concerts."
Depeche Mode connaît ainsi succès commercial grandissant,
tout en finissant de convaincre une presse jusqu'alors plutôt réservée. Sitôt
leur tournée 101 achevée, Martin L. Gore soumet ses nouvelles compositions de
ce qui sera leur album le plus célèbre à ce jour.
En 1989, les quatre musiciens rentrent en studio à Milan
pour travailler sur les maquettes très épurées de Martin L. Gore. David
Bascombe n'étant pas disponible, le groupe fait alors appel au producteur Flood
et enregistrent Violator où l’on retrouve les titres Personal Jesus, Policy Of Truth, World In My Eyes, Halo et surtout la
chanson qui restera la plus célèbre (avec Just Can't Get Enough) et leur plus gros
tube à ce jour : Enjoy the silence. Initialement
composé comme une ballade (la démo minimaliste de Martin Gore était composée
sur un harmonium), Flood et Alan Wilder y ont tout de suite décelé un fort
potentiel : ils ont alors demandé à Gore de composer une ritournelle mélodique
supplémentaire à la guitare (qui sera déclinée à différents octaves et jouée
également aux claviers), le rythme fut accéléré et un soin tout particulier fut
apporté à la production de la chanson (pour preuve, le titre est le seul qui
fut mixé par Daniel Miller et Flood et non par le DJ français François
Kevorkian qui mixa le reste de l'album).
Quant au premier extrait de l'album, apparu sur les ondes
fin août 1989, Personal Jesus détone. Avec une
chanson rock construite autour d'un riff de guitare blues (façon John Lee Hooker), Depeche Mode est là
où on ne l'attendait pas. Cet inattendu mélange au rythme lourd, à la mélodie
simple et marqué d'un slogan – davantage qu'un refrain – « Reach out and touch
faith » donne le ton. Ne perdant pas de vue leur champ d'expérimentation
électronique, Personal Jesus se conclut par une
phrase instrumentale où les programmations semblent livrées à elles-mêmes,
percutées par un rythme lourd. Ce titre est une idée de Gore qui, en lisant une
biographie d'Elvis, a appris que Priscilla Presley appelait son mari « mon Jésus
personnel ». Par ailleurs les couplets, évoquant une conversation téléphonique
« lift up the receiver I'll make you a believer », font en fait écho à
l'existence aux États-Unis d'une ligne téléphonique où l'on pouvait joindre un
prêtre pour se confesser.
Mute n'espérait pas un tel engouement pour Personal Jesus, misant davantage
sur la sortie d' Enjoy The silence, prévue
stratégiquement au moment de la sortie de l'album. Propulsé par des ventes
records de ses singles, Violator devient l'album le plus connu du groupe,
écoulé à plus de 8 millions d'exemplaires à ce jour. Lors d'une journée de
promotion à Beverly Hills le 20 mars, 10 000 fans se pressent pour obtenir un
autographe. Au bout d'une heure, les vitres de la boutique où se trouve le
groupe cèdent sous la pression et les autorités, craignant une émeute, «
envoient sur place plusieurs hélicoptères [et] quatre divisions de police »
pour évacuer la foule.
Après
l’immense succès de Violator, DM sort l'album Songs of Faith and Devotion en 1993 contenant des titres encore plus rock, plus bruts,
le tout produit de nouveau par Flood et Wilder. Choristes de gospels et
sections de cordes interviennent sur un album que le groupe sait très attendu.
Bien que le succès soit à nouveau au rendez-vous (le disque se classe dès sa
sortie n°1 des ventes en Angleterre ainsi qu'aux États-Unis), celui-ci est
toutefois mitigé. Le premier extrait I feel you ne
marche pas autant aux États-Unis que sur le continent européen, le groupe
décide de promouvoir la face B du maxi-single, One caress,
sans résultat. C'est surtout en Europe que l'album connaît ses meilleures
ventes.
La
tournée qui suit dure quatorze mois s’avère très éprouvante: énièmes tensions
au sein du groupe, prises excessives de drogues et d'alcool, et Fletcher, victime
d’une dépression, est remplacé pour quelques dates. Le bilan au milieu des
années 1990 n'est guère réjouissant malgré leur grande popularité : Gahan est
devenu un véritable junkie vivant presque avec ses dealers, Gore s'isole, et
Fletcher essaie de maintenir la cohésion d'un groupe qui voit un de ses membres
quitter l'aventure. Estimant que son travail n’est pas reconnu à sa juste
valeur et éprouvé par les tensions qu’il ressent au sein du groupe, Alan Wilder
décide de le quitter en 1995. Il décide de se consacrer à plein temps à son
projet solo Recoil. Le groupe perd son pilier technique
et créatif.
La
même année, Dave Gahan est hospitalisé à la suite d'une tentative de suicide.
Rétabli, il retrouve les deux membres restants début 1996 pour enregistrer un
nouvel album mais, victime d’une overdose peu de temps après et condamné par la
justice californienne à un an de mise à l'épreuve, il entreprend une nouvelle
cure de désintoxication.
En
1997, Depeche Mode réapparaît avec le single Barrel of a Gun, qui annonce la
sortie d'Ultra, un album du « retour sur certains acquis, un pont solide entre
les recettes du passé et les opportunités du présent ». Le producteur Tim
Simenon est aux commandes et assure la continuité. Pour mener à bien la
production, il a fait appel en renfort toute son équipe studio (ses acolytes de
Bomb The Bass) pour pallier l'absence d'Alan Wilder qui occupait une place
essentielle lors des précédents enregistrements studio.
En
1998, le groupe sort une compilation The Singles 86-98, assortie d'un single
inédit (Only when I lose myself), ainsi qu'une réédition de The Singles 81-85.
« Le disque réaffirme (si besoin est) l'importance "historique"
acquise par le groupe au cours de la dernière décennie tout en lui offrant la
légitimité d'un retour sur scène ». Une tournée de soixante-cinq dates,
baptisée « Singles Tour », est organisée
En 2001, Depeche Mode revient avec l'album Exciter, qui se classe très rapidement en tête
des ventes dans différents pays et hormis « quelques commentaires sévères, la
majorité des critiques rock saluent la sortie de ce nouvel album avec le
respect traditionnellement alloué aux intouchables de la pop ». Une tournée de
quatre-vingt dates, baptisée « Exciter Tour », est organisée.
En
2003, Martin L. Gore et Dave Gahan sortent respectivement leurs propres albums
solos (Counterfeit² et Paper Monsters) avant de se retrouver en janvier 2005
pour enregistrer Playing The Angel, pour lequel Dave Gahan, enhardi par son
succès solo, signe ses premières chansons pour le groupe (dont les musiques
sont co-composées avec Christian Eigner et Andrew Philpott). En sollicitant Ben
Hillier à la production (qui avait collaboré avec Blur), DM persiste à se
forger un son drainant des guitares saturées et des synthétiseurs hors d'âge.
Quelques
mois après la sortie de l'album, Depeche Mode se lance dans une nouvelle
tournée mondiale, la plus grande de leur carrière : Touring the Angel.
La tournée comporte 123 concerts dans 33 pays différents.
En
2006 sort une compilation intitulée Best Of : volume 1 (sur laquelle figure
l'inédit Martyr, issu des chutes de Playing The Angel) puis en 2007 un nouvel
album solo de Gahan, Hourglass, qui n'est pas suivi d'une tournée.
En
mai 2008, Depeche Mode entre en studio pour enregistrer un douzième album, intitulé
Sounds of the Universe qui sort le 20 avril 2009. Leur
douzième album dissimule derrière son titre pompeux des sonorités audacieuses
mettant en valeur les mélodies de Gore, mais aussi celles de Dave Gahan
(toujours aidé par Eigner et Philpott pour la musique), obtenant ainsi
définitivement sa légitimité d'auteur (qu'il avait entamé sur le précédent
album ainsi que sur son album solo Hourglass).
Ben Hillier (qui était déjà aux manettes du précédent album) en a assuré la
production. Le premier extrait, Wrong,
est un single martial aux sonorités synthétiques massives, sans réel refrain où
Gahan scande le portrait d'un anti-héros à qui rien n'a jamais souri dans son
existence. Le deuxième single, Peace, est une ballade électronique
sirupeuse qui divise les amateurs du groupe, qui semblent se chercher un nouvel
hymne pour ses concerts.
Une
tournée, baptisée « Tour of the Universe 2009 » débute par un warm-up le 6 mai
2009 à la Rockhal d'Esch-sur-Alzette (Luxembourg) et inclut un concert au Stade
de France le 27 juin 2009, un autre au Zénith de Nancy le 28 juin 2009, à
Carcassonne le 6 juillet, à Lyon et à Liévin. Pour la Belgique, Depeche Mode
est la tête d'affiche de l'édition 2009 du festival TW Classic Werchter se
déroulant le 20 juin. Pour la Suisse, 3 concerts sont prévus, deux à Zurich et
l'autre à Genève le 10 Novembre 2009. La conférence annonçant cette tournée a
lieu le lundi 6 octobre 2008 au Stade olympique de Berlin où le groupe joue le
10 juin 2009 devant 68 000 personnes.
Le
début de cette tournée est marqué par l'annulation de plusieurs dates en raison
de l'hospitalisation du chanteur Dave Gahan. En effet, quelques minutes avant
de monter sur scène à Athènes (le 12/05/09, 2e véritable concert de la
tournée), il est pris d'une violente gastro-entérite. Plus tard, les médecins
vont déceler une tumeur bénigne à la vessie, et le groupe ne reprendra la route
que début juin, annonçant des reprogrammations de certaines dates annulées et
d'autres dates additionnelles pour l'hiver 2009 et début 2010, notamment au
POPB (palais omnisport de Paris-Bercy) les 19 et 20 janvier 2010. Les concerts
de Porto et Séville (11 et 12 juillet) font également l'objet d'annulation en
raison d'une blessure à la jambe de Dave Gahan.
Mais le véritable événement de cette tournée survient le 17 Février 2010 lors d'un concert de charité organisé au Royal Albert Hall à Londres quand Alan Wilder rejoint le groupe sur scène le temps d'un titre. Wilder n'était plus apparu sur scène avec le groupe depuis 1994, l'année précédant son départ de DM.