Donovan Philip Leitch
est né le 10 mai 1946 en Ecosse, à Maryhill, un faubourg de Glasgow. A l'âge de
trois ans, il contracte la poliomyélite, mais heureusement, il en guérit très vite.
En 1956, sa famille s'installe à Hatfield, dans les environs de Londres. Au
collège, il montre un grand intérêt pour la poésie et les contes d’horreur
qu’il invente et illustre lui-même avec talent. Son parcours le conduit aux
Beaux-Arts, mais il abandonne au bout d’une année. C’est au cours de cette enfance en apparence assez banale que
Donovan découvre tout ce qui fera plus tard l’originalité de son écriture.
"Mon père me lisait tous ces poètes visionnaires et dès mon
plus jeune âge, j’avais quatre ou cinq ans, j’ai eu le sentiment étrange que
certains textes m’ouvraient les portes d’un autre monde. A douze ans, je me
suis vu allongé sur mon lit. Au moment de m’endormir, j’ai senti que je me
détachais de moi-même et je flottais là, au-dessus de mon propre corps. J’en ai
fait plusieurs fois l’expérience. Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est durant
mes années beatnik la lecture des quatre livres fondamentaux sur le sujet :
d’abord Siddhartha de Hermann Hesse, Sur la route de Jack
Kerouac, Hurlement d’Allen Ginsberg.
Et puis, voulant en savoir plus sur le mot 'zen' que j’avais
découvert dans ces livres et ces poèmes, The way of zen d’Alan Watts.
Je savais qu’il existait une voie, je la cherchais et le bouddhisme zen, ce fut
le déclencheur, la clé qui m’a ouvert la porte. Il y a aussi des influences
celtiques qui viennent de mes origines irlandaises et écossaises. Oui, c’est
vrai, je suis mystique. J’écris beaucoup sur ce sujet."
En 1961, Donovan a quinze ans et il prend la route avec un ami, Gypsy
Dave. Tous deux parcourent la Grande-Bretagne et le Continent pendant de
longs mois, faisant la manche pour assurer leur subsistance. Gypsy Dave joue du
kazoo et Donovan, de la guitare et de l’harmonica. De ses périples à
travers l’Europe, Donovan ramène une expérience musicale solide et très
diversifiée, ainsi que ses premières chansons.
Donovan
a dix-huit ans lorsqu’il revient à Londres. Tout va alors très vite : il joue
dans un club lorsqu’il est remarqué par Peter Eden qui devient son manager et
qui lui fait enregistrer une maquette. Cette maquette, que l’on peut retrouver
sur la compilation Donovan - Troubadour, arrive sur le bureau des producteurs de l’émission télévisée Ready
Steady Go qui le signent pour un passage. Lors de sa prestation, au milieu
des Mods tirés à quatre épingles, Donovan fait forte impression avec ses jeans
et sa casquette de cuir. Son succès est tel qu’il revient pour le show suivant
et là, ce sont les dirigeants du label Pye qui lui proposent un contrat. Un premier
single paraît en mars 1965 : c’est Catch the wind, un succès immédiat qui se classe N°4 en Angleterre et N°23 aux
Etats-Unis.
Catch the wind paraît en même temps que le
titre de Bob Dylan The times they are a-changing. La comparaison entre les deux artistes est inévitable, mais elle
s’applique plutôt à la forme qu’au fond. Donovan n’a rien d’un leader et son
propos ne dérange pas. Il n’est pas subversif. C’est un baladin, un troubadour,
un rêveur plutôt sage, parfois même naïf. Et si tous deux jouent du folk en
s’accompagnant d’une guitare sèche et d’un harmonica, c’est qu’ils ont le même
maître.
"Celui qui m’a vraiment influencé, c’est Woody Guthrie.
En fait, Joan Baez, Pete Seeger et Woody Guthrie. Woody
Guthrie a été le maître de Dylan, il a été mon maître et celui de nombreux
artistes. J’aimais ce que faisait Dylan et mon idée, c’était de devenir son
alter ego européen, un chanteur folk qui parle des changements sociaux. Je
n’avais pas réalisé que le sujet était universel et que mon succès passerait les
frontières. Je voulais parler de ce qui se passait en Grande-Bretagne et en
Europe. Au début, j’ai donc été catalogué 'protest singer', mais rapidement le
mystique qu’il y avait en moi s’est mis à pointer son nez."
Donovan cultive son goût pour la ballade folk tout au long de
l’année 1965. En l’espace de quelques mois, il enregistre deux albums: What’s bin did and what’s bin hid (qui reprend Catch
the wind), et Fairy Tale, qui lui apporte un nouveau
succès: Colours. A
côté de ses albums, Donovan publie aussi plusieurs singles inédits parmi
lesquels deux se détachent tout particulièrement. Le premier, c'est la reprise
d'un titre de Buffy Sainte-Marie, Universal
soldier, qui constitue son incursion la plus
remarquée dans l'univers du protest-song. Puis, Donovan propose un autre
single, Hey Gyp (dig the slowness).
Ce titre sera un énorme succès en France, mais dans une autre
version, celle d’Eric Burdon & The Animals. Fin 1965, Donovan en a
assez de traîner l'étiquette de Dylan écossais. Il décide de donner un
ton plus pop à sa musique, et pour cela, il contacte le producteur et manager
Mickie Most, un orfèvre en la matière. En l’espace de trois heures, il met en
boîte Sunshine superman,
presque certain de détenir un tube. Mais pour des raisons que Donovan nous explique,
la chanson reste dans un tiroir.
"Une
maison de disques voulait me garder, une autre se battait pour m’avoir, et moi,
j’étais au milieu. Ce n’est pas si simple de changer de label. La sortie du
disque était bloquée par les tribunaux et la suite de ma carrière, plutôt mal
engagée. La presse écrivait que j’étais fini et je le pensais aussi. J’ai donc
tout plaqué et je suis parti en Grèce avec mon copain Gypsy Dave. On se disait
: 'C’est râpé mais on s’en fout.' Là-bas, on a vécu deux mois à la manière de
Zorba le Grec et de son ami anglais. C’était durant l’été 66 et le disque était
en boîte depuis six mois. Un jour, on était à la taverne du coin et le
téléphone se met à sonner. C’était mon manager. Il me dit : 'Rentre, et en
vitesse : Sunshine superman est N°1 aux Etats-Unis'. Et tu sais quoi ? On n’avait même pas
l’argent pour prendre le bateau."
Fort de son N°1 américain, Donovan fait sa réapparition sur scène
au festival de Newport en juillet 66 où il chante notamment Colours en duo avec Joan Baez.
L’album Sunshine Superman paraît en septembre. C’est une grande réussite où se combinent
avec bonheur le folk, le rock, le jazz et le classique, sans doute un des
meilleurs disques du chanteur.
Dès novembre 1966, le très prolifique Donovan propose déjà un
nouvel album, Mellow Yellow, dont le titre générique est N°2 aux Etats-Unis. Ceux qui ont
l’ouïe particulièrement fine ont reconnu la voix de Paul McCartney qui
murmure "That’s right" tout au long de la chanson.
"C’est bien Paul McCartney qui chante sur Mellow yellow. Il faisait partie des invités
de cette session particulière. On le faisait assez couramment : il venait à mes
sessions et j’allais aux siennes et on a même enregistré ensemble chez lui.
Vous le savez peut-être, c’est John Paul Jones - à l’époque futur
bassiste de Led Zeppelin - qui a arrangé Mellow
yellow, tout comme Hurdy gurdy
man, sur lequel il tient aussi la basse. Pour moi, ce
n’était qu’une petite chanson stupide, de celles que l’on reprend en chœur avec
quelques amis dans les noces ou les banquets. Elle est montée jusqu’à la
deuxième place aux USA, ce qui est extraordinaire."
Donovan est désormais considéré comme l’un des meilleurs
auteurs-compositeurs britanniques de sa génération. Il est l’ami des plus grands
et en particulier des Beatles avec lesquels il a noué des liens très
étroits. Il faut aussi rappeler que Sunshine superman est sous-titré “For John and
Paul”. Ce que l'on sait moins, c'est que sur Julia et Dear Prudence, John Lennon utilise une technique de guitare que Donovan
lui a apprise. En revanche, on peut lire un peu partout que Donovan est l’un
des nombreux choristes qui reprennent allégrement le refrain de Yellow submarine. Sur ce dernier point, la
réalité est encore plus forte que la légende.
"On raconte que je chante sur Yellow
submarine, mais c’est inexact. Par contre, je
suis l’auteur d’une ligne du texte. Voilà l’histoire. Un jour, Paul est venu me
rendre visite avec deux nouvelles chansons : la première faisait comme ça : (il
chante). Bien sûr, vous l'aviez reconnue, c'est une première version d’Eleanor Rigby. L’autre chanson, c’était Yellow submarine, et il voulait cette ligne. Je
pensais : 'On est là, à Londres, dans mon appartement, le soleil brille et
c’est Paul McCartney, qui peut écrire vingt chansons en quatre heures, et il me
demande ça à moi !' Bref, je me suis isolé dans ma chambre et j’en suis
ressorti avec cette phrase : 'Sky is blue, sea is green, in a yellow
submarine'. C’est ma contribution à l’œuvre des Beatles."
Après Mellow yellow, Donovan continue d’aligner les succès avec une étonnante
facilité et, à la manière des Beatles, il se permet de sortir des singles
inédits, comme Epistle to Dippy et There is a mountain, qu’on ne retrouve pas sur ses albums.
Les albums de Donovan deviennent de plus en plus ambitieux. En
décembre 1967, A Gift from a Flower to a Garden est un coffret qui comprend deux disques. Le premier, For Little Ones, contient des chansons pour
enfants ; le second, Wear Your Love Like Heaven, est destiné à leurs parents. Le tube du moment, c’est Jennifer Juniper, mais une fois encore, c’est un
single isolé qui ne figure pas dans le coffret qui vient de sortir. En février
1968, Donovan accompagne les Beatles en Inde où ils suivent un nouveau stage
de méditation transcendantale auprès du célèbre maharishi Mahesh Yogi. De ce
voyage, il ramène une nouvelle chanson et une nouvelle collaboration avec l’un
des Fab Four.
"J’étais
aux Indes avec George Harrison et c’est là qu’il a écrit un couplet de Hurdy gurdy man. Mais je ne l’ai pas enregistré
pour laisser la place au solo de guitare que je jugeais extraordinaire. Au
départ, je voulais donner la chanson à Jimi Hendrix. Je le connaissais
depuis son arrivée en Angleterre parce que mon ami Gypsy Dave fréquentait
une Suédoise dont la meilleure amie, une autre Suédoise, sortait avec Chas
Chandler, le manager de Jimi. Et ils nous ont présentés. Je voulais donc
donner la chanson à Jimi Hendrix, je ne voulais pas l’enregistrer. Mais Mickie
Most a dit : 'Pas question'. Il voulait que ce soit mon prochain single. 'Très
bien, ai-je répondu, alors je veux Hendrix pour le solo'. Mais Jimi était en
tournée et il ne pouvait absolument pas se libérer. Il a fallu trouver
quelqu’un d’autre et finalement c’est Jimmy Page et Allan Holdsworth
qui sont les auteurs de cette fantastique démonstration de guitare."
Toujours en 1968, Donovan publie le single Lalena. Lalena n'est pas une jeune femme que
le chanteur a connue, mais un personnage qu'il a imaginé et pour lequel il a inventé
un prénom à partir du nom de l'actrice allemande Lotte Lenya. C'est elle qui
tient le rôle principal dans l'adaptation cinématographique de l'Opéra de
quat' sous de Bertolt Brecht, une œuvre qui l'avait fortement marqué. Après
avoir publié un nouveau single, Atlantis, Donovan obtient son premier rôle important au cinéma dans le
film de Mel Stuart If it’s tuesday, this must be Belgium, dont il a
aussi composé la musique. En juin 1969, il chante à Hyde Park lors du
gigantesque concert d’adieu à Brian Jones. C'est à ce moment que sort Goo goo Barabajagal (Love is hot), un
nouveau single qu’il a enregistré avec le Jeff Beck Group. C’est son
dernier gros succès, aussi bien en Europe qu'aux Etats-Unis.
Le 30 août 1970, Donovan se produit à l’île de Wight accompagné
par le groupe Open Road. L’album qui suit porte le nom du groupe, Open Road et se veut une approche du
"rock celtique". Ce travail laisse augurer d’un net retour en forme,
mais il restera malheureusement sans suite. En octobre 1970, Donovan épouse son
amie de longue date, Linda Lawrence. De leur union naîtront deux filles,
Astrella et Oriole, qu’ils élèveront au côté de Julian, le fils que Linda avait
eu précédemment avec Brian Jones. Donovan a également deux enfants d’une
précédente liaison avec une américaine prénommée Enid : Donovan Leitch Jr. et
Iona Skye. Tous deux sont devenus acteurs et vivent aux Etats-Unis. Lorsque
Donovan réapparaît en septembre 1971, c’est seul et avec un nouveau double
album de chansons enfantines, H.M.S. Donovan. Mais cette-fois, il se
heurte à une incompréhension quasi générale et le disque ne sort même pas en
France.
"Je crois que la maison de disques ne l’aimait guère, mais
j’étais honnête. J’avais de jeunes enfants et j’avais besoin d’exprimer ces
chansons qu’ils m’avaient inspirées. Le problème, c’est qu’avant ce
double,j’avais déjà sorti un coffret, A gift from a
flower to a garden, très difficile à vendre. A
l’époque, Clive Davis, le patron d’Epic à New York, m’avait déjà fait cette
réflexion : 'C’est pour les enfants, ce n’est pas du rock.' Et j’avais répondu
: 'C’est pour les enfants et les parents : c’est du Donovan.' Mais malgré mon
opposition, il l’a sorti en deux albums séparés : celui pour les enfants et
celui pour les parents. Un an plus tard, il était disque d’or, mais sur le
coup, la presse n’avait pas compris. Ils espéraient un nouveau Mellow yellow, un nouveau Sunshine superman.
Après l'échec commercial de son double album pour enfants, Donovan
s’exile en Irlande pour échapper au fisc. Il délaisse quelque temps la chanson
pour se consacrer au cinéma. En 1972, il tient le rôle principal dans le film
de Jacques Demy, Le joueur de flûte. L'année suivante, il incarne
saint François d’Assise dans Brother Sun, Sister Moon de Franco Zeffirelli,
dont il signe également la musique. En 1973, Donovan retrouve enfin les
studios. Il fait d'abord une apparition surprise aux côtés d'Alice Cooper,
avec qui il chante sur Billion dollar babies. Puis il revient à sa propre carrière avec Cosmic Wheels, un album à l’imagerie très
ésotérique, illustré par le single Maria Magenta.
En décembre 1973, Donovan propose Essence to Essence. L'album,
qui a été produit par Andrew Oldham, a été enregistré avec la complicité de Peter
Frampton, Carole King, Steve Marriott et Nicky Hopkins.
C’est le dernier disque britannique de Donovan qui décide alors de s’installer
avec toute sa famille aux Etats-Unis, plus particulièrement en Californie.
En décembre 1974, Donovan publie 7-Tease, un album réalisé à Nashville sous la direction de Norbert Putnam
et avec la participation de Buffy Sainte-Marie. C'est la version discographique du spectacle
qu'il a proposé tout au long de l'année en Californie, un spectacle très
théâtral avec des danseurs, des costumes, des jeux de lumières et de nombreux
effets visuels. Donovan passe l'essentiel de l'année 1975 à tourner en
Australie et en Nouvelle-Zélande, avant de rejoindre les Etats-Unis, où il
enregistre un album qu'il a produit lui-même et qui paraît en juin 1976, Slow Down World. Sur ce disque, il se définit
lui-même comme un “has-been célèbre”, menant une vie retirée entre femme et
enfants.
Depuis sa retraite californienne, Donovan continue à publier un
album de temps à autre : Donovan, en octobre 1977, Neutronica en août 80, Love is only feeling en octobre 81, puis Lady of the
star en janvier 84. L’ancien beatnik reste
fidèle à ses idées. Il participe en 1981 au Secret
policeman’s other ball, organisé au profit d’Amnesty
International. L'année suivante, il chante au festival Peace Sunday à Los
Angeles en faveur du désarmement. Il tourne aussi, assez régulièrement. Mais du
point de vue discographique, c’est le silence jusqu’en 1990.
En
1990, les Happy Mondays - un des groupes anglais les plus en vue de
l'époque - clament haut et fort leur admiration pour le créateur de Sunshine superman. Ils lui dédient même une chanson intitulée Donovan. On peut la retrouver sur leur
album Pills & thrills & bellyaches, qui est un best-seller en Angleterre. Cet hommage aussi appuyé qu'inattendu incite Donovan à sortir de
sa semi-retraite.
"En 1990, j’ai senti un élan. Ma musique fonctionne mieux
quand elle reflète un mouvement, et ce mouvement, ce sont les années 60. Et
voilà que les télévisions, les radios se mettent à parler pollution,
environnement, méditation, santé, médecines alternatives, toutes ces idées
nouvelles qui avaient fleuri durant les années 60. Elles n’étaient plus
cantonnées aux cafétérias, aux campus, aux clubs de jazz ou aux librairies. On
en débattait dans les grands médias, dans l’establishment. Et je me suis dit
que ce monde était peut-être prêt à écouter à nouveau les chansons de Donovan.
C’est ce que j’ai ressenti."
Donovan, qui est revenu s’installer en Irlande, effectue alors une
grande tournée en première partie des Happy Mondays. En novembre 1990, paraît un disque
"live". C’est une relative déception, dans le sens où l'album n’est
pas le reflet de cette tournée, mais celui de plusieurs concerts donnés à
Londres entre 1982 et 86. Le point fort du disque, c’est lorsque Donovan
raconte son expérience indienne avec les Beatles et le maharashi, et qu'il
chante le couplet oublié de Hurdy gurdy man, écrit par George Harrison.
En 1992, Sony / Legacy publie une rétrospective quasi parfaite des
grandes heures de sa carrière. Mais il faut attendre octobre 1996 pour voir
arriver un nouvel album original, le premier depuis douze ans. Ce disque, Sutras, est né de la rencontre du
chanteur avec Rick Rubin, l’un des producteurs les plus doués du
moment. Rick Rubin, qui est aussi le
propriétaire du label American Recordings, a produit, sans faire le
moindre faux pas, des artistes aussi divers que les Beastie Boys, les Red
Hot Chili Peppers, Johnny Cash ou Slayer. Son secret : des goûts
sûrs, une méthode appropriée à chaque artiste, et l’envie d’écouter, de guider,
sans jamais imposer.
"Au début, Rick a écouté quelques chansons qui dataient de la
fin des années 80, mais elles exhalaient trop la mélancolie de l’époque où je
les avais écrites. Il préférait nettement celles, plus optimistes, que j’étais
en train d’écrire. Chaque semaine, depuis l’Irlande, je lui en envoyais quatre
ou cinq nouvelles et il faisait ses commentaires ou bien je partais le
rejoindre deux ou trois mois en Californie. Et là, il m’emmenait dans les
librairies new-age, les librairies ésotériques que je fréquentais dans les
années 60 et il me demandait : 'Quel livre lisais-tu quand tu as écrit Hurdy gurdy man ? Quel livre lisais-tu quand tu
as écrit Sunshine superman ? Cela peut sembler bizarre, mais c’est comme ça que nous avons
appris à nous connaître. L’album nous a occupé deux ans et demi. Nous avons
travaillé sans hâte, sur une base de cent chansons. Nous avons commencé à les
éliminer une par une. Dans quel but Rick agissait-il ainsi ? Parce qu’il
cherchait quelle direction donner à l’album. Et petit à petit, à force
d’élaguer, il a trouvé : il voulait le Donovan troubadour avec sa guitare acoustique.
Et je voulais la même chose."
Sutras propose quatorze titres dans la
lignée du Donovan de 1965, celui de Colours et de Catch the wind. Il est seul avec sa guitare acoustique et son harmonica, ou
accompagné très discrètement par Danny Thompson (son bassiste et ami de
toujours), Dave Navarro (le guitariste des Red Hot Chili Peppers),
Benmont Tench et Steve Ferrone (des Heartbreakers), ou
encore Josh Hayden du groupe Spain. Le violoniste Nigel
Kennedy est lui aussi présent sur un titre. Quant aux thèmes des chansons, ils n’ont pas varié depuis ses
débuts.
"Toujours les mêmes sujets, les mêmes thèmes : la déesse,
l’écrivain romantique, la femme, la femme-planète, la femme-lune, les
sentiments féminins de la nature et des enfants. Tu retrouves toutes les idées
que j’avais développées dans mes précédents succès mais - et c’était la volonté
de mon producteur Rick Rubin - exprimées d’un point de vue adulte, mature,
celui du Donovan d’aujourd’hui. Lorsque je me suis mis à écrire ces chansons,
il y a deux, trois ans, j’ai vu apparaître un Donovan plus âgé, un peu
mélancolique, un peu nostalgique. Il ne s’agissait pas de tristesse, juste de
la mélancolie, une sorte de nostalgie à l’idée du chemin parcouru depuis le
jeune homme, le jeune poète, jusqu’au Donovan des années 90. Il y ce sentiment
qui flotte de manière diffuse sur ce disque. Mais sans plus : c’est très
furtif."
En mars 2002, Donovan propose un nouvel album pour enfants, Pied Piper. Puis il publie She, un
recueil de poèmes dédiés à la femme. En février 2004, il fait paraître Sixty Four, un disque où l'on peut retrouver
neuf titres qu'il avait enregistrés en 1964, à l'âge de 18 ans, un an avant la
reconnaissance de son talent. En 1968, John Lennon avait dit : “Donovan est
aussi important et influent que peuvent l'être Bob Dylan ou les Beatles.
Ecoutez-le : cet homme est un poète”. Depuis, les années ont passé, mais
l'artiste est resté le même. Avec ses mélodies dépouillées, sans artifice,
Donovan réaffirme son génie musical dans son nouvel album, Beat Café. Ce disque, qui navigue entre
le jazz, le folk, le rock et le blues, est un travail fortement marqué par la
réflexion philosophique, la poésie et la liberté de penser.