1974-1978  Oh, Sister

 

À la fin de la tournée avec le Band, épuisé et amer, Dylan se retrouve seul à New York, loin de Sara et des enfants. On lui prête alors quelques nouvelles aventures extra-conjugales, dont une sérieuse avec Ellen Bernstein, un cadre de CBS - qui va dès le 2 août redevenir sa maison de disques.

 

Il rencontre parfois les piliers de la scène folk du Village. Phil Ochs le décide même à participer à un concert pour le Chili avec quelques amis d'hier: Pete Seeger, Arlo Guthrie et Dave Van Ronk. Le concert a lieu au Felt Forum de New York, le 9 mai 1974. Ochs croit bien connaître les faiblesses de Dylan: de peur de le voir disparaître dans la nature, il l' enferme dans les loges jusqu'à son passage sur scène. Celui-ci en profite pour boire toutes les bouteilles de vin négligemment oubliées là... et donne ce soir-là une prestation pathétique.

 

Intervient alors une de ces figures tutélaires qui, plus d'une fois, ont fait bifurquer son destin. Cette fois, c'est un vieux professeur de peinture, un Juif nommé Norman Raeben, qui parsème ses cours de considérations philosophiques devant un auditoire varié et admiratif. Dylan est venu là sur les conseils d'amis et va finalement rester deux mois. Parmi les étudiants et les mamies du quartier, il subit les remontrances du maître. Il n'est plus une rock-star, mais un élève comme les autres. Il est transformé par les cours de Raeben. Cet enseignement le pousse à expérimenter, à oublier ses habitudes. Ce sera le déclencheur du long poème cinématographique à venir, Renaldo and Clara. C'est aussi et surtout un coup de fouet à son inspiration musicale qui va déboucher sur le fabuleux Blood on the Tracks.

 

Il écrit de nouvelles chansons qui sont autant de témoignages sincères et spirituels de ses tourments d'alors et de ses amours passées. Musicalement, il utilise des accordages particuliers qui l'emmènent loin des sentiers battus. Pour les textes, il fait fructi­fier l'enseignement de Raeben: «Avec Tangled Up in Blue, j'ai essayé de faire quelque chose qui, d'après moi, n'avait pas été fait auparavant: raconter une histoire, y figurer comme inter­venant, sans en faire un mélo bidon. J'essayais d'écrire au présent tout en conjurant les images du passé. Je voulais défier le temps, que l'histoire se passe à la fois dans le présent et dans le passé. Quand on regarde un tableau, on peut voir un détail ou l'en­semble. Je voulais que cette chanson soit comme une peinture... » Il cherche des musiciens pour l'accompagner dans cette nou­velle direction. Il tente de persuader son ancien acolyte, le gui­tariste Mike Bloomfield, de travailler avec lui, mais, par peur d'être piraté, il refuse de lui laisser une cassette qui lui permet­trait d'apprendre les nouveaux morceaux. Il les lui joue à toute vitesse et sans le prévenir de l'accordage hors normes de sa guitare. Bloomfield, plutôt dérouté et lassé par avance des extra­vagances de son ami, décline l'invitation.

 

Dylan choisit alors Deliverance, le groupe d'Eric Weissberg qu'il connaît depuis 1960. Weissberg a accompagné des figures du folk comme le guitariste Doc Watson. Il a eu un tube en 1972 avec Duelling Banjos, extrait de la B.O. du film Deliverance de John Boorman. Mick Jagger, de passage à New York, est pressenti un soir bien arrosé pour faire des chœurs et jouer de la batterie! Mais le projet a tôt fait de s'évanouir dans les vapeurs de l'alcool.

 

Les séances initiales ont lieu en septembre 1974, à New York. À la fin de l'année, Dylan part à Minneapolis passer les fêtes en famille, les bandes sous le bras. Là, au grand dam de CBS, son frère le convainc de réenregistrer sur place plusieurs mor­ceaux. Il va alors gommer les passages les plus crus et les plus autobiographiques de certaines chansons comme la superbe bal­lade If You See Her, Say Hello . L'album sort finalement en janvier 1975 et c'est un triomphe à la fois commercial et critique. Pendant 8 ans on a attendu de lui qu'il fasse aussi bien que Blonde on Blonde, désormais tous ses disques seront comparés à Blood on the Tracks. D'autres s'endormiraient sur de tels lauriers. Pas Dylan, qui rejoint Neil Young et trois membres du Band (Levon Helm, Garth Hudson et Rick Danko), le 23 mars, pour un spectacle exceptionnel devant 50 000 spectateurs au Golden Gate Park de San Francisco. Le concert, pendant lequel il chante plu­sieurs titres dont Knocking on Heaven's Door transformé en Knocking on Dragon's Door, est organisé par le promoteur Bill Graham. Il est destiné à rassembler des fonds pour une association d'aide aux étudiants californiens.

 

Sara est alors à ses côtés. Ils se sont réconciliés pendant l'hiver. Pourtant, Bob part seul, au printemps, pour un voyage en Provence et en Corse. Le jour de ses 34 ans, il rencontre le roi des Gitans aux Saintes­Maries-de-La-Mer. Cette entrevue va lui inspirer une nouvelle chanson intitulée One More Cup of Coffee .

 

De retour à New York, il est toujours aussi seul et désemparé. Il arpente les rues et les clubs de Greenwich Village. On le voit traîner et jouer avec de nombreux musiciens: de glorieux aînés comme le bluesman Muddy Waters, les amis, Ramblin'Jack Elliott, Bob Neuwirth, Roger McGuinn, mais aussi des figures emblématiques de la nouvelle scène new-yorkaise : la poétesse chanteuse Patti Smith et le guitariste Tom Verlaine (Television). Il enregistre une de ses chansons,  Bucket of Rain, avec Bette Middler qui tente de le séduire sans y parvenir.

 

Un jour de juillet, il rencontre par hasard le parolier Jacques Levy, ancien collaborateur de Roger McGuinn et auteur de comédies musicales. Le même jour, ils composent ensemble Isis, dont Dylan s'empresse d'aller lire les paroles à quelques amis éblouis dans un club. La collaboration est si fructueuse que Dylan et Levy s'enferment pendant deux semaines dans une maison de Long Island et écrivent la quasi-totalité de l'album Desire. Levy lui fait découvrir et apprécier des outils dont il ignorait l'existence jusqu'alors: un thésaurus et un dictionnaire de rimes! Ils écrivent un des plus fameux tubes du chanteur, un long mor­ceau intitulé Hurricane. Peu de temps auparavant, Dylan a lu l'autobiographie du boxeur Rubin "Hurricane" Carter, empri­sonné pour meurtre après un procès sujet à caution. Une rencontre a été organisée en prison et les deux hommes sont devenus amis. Carter sera libéré en 1976, après une longue campagne de contes­tations, amplifiée par la chanson de Dylan et relayée par Burt Rey­nolds et Muhammad Ali. Malheureusement, plus tard, il sera de nouveau jugé pour les mêmes faits, remis en prison et finalement libéré en 1985 après appel.

 

L'affaire est délicate. Les avocats de CBS relèvent d'ailleurs des points contestables dans les paroles de Dylan et obtiennent qu'il réenregistre le single. Dylan change de musiciens après les premières séances de studio. Il travaille d'abord avec le groupe de pub-rock anglais Kokomo et Eric Clapton, mais trouve cette combinaison trop perfectionniste. Il jette alors son dévolu sur Scarlett Rivera, une jeune violoniste découverte dans les rues de New York, et Rob Stoner, le bassiste de Ramblin' Jack Elliott. À ce noyau initial, il ajoute Steven Soles à la guitare et Howie Wyeth à la batterie, ainsi que deux choristes de luxe: Emmylou Harris et Ronee Blakely remarquée dans Nashville de Robert Altman.

 

Un autre extrait de Desire connâitra un grand succès. Il s'agit de Sara, une ode à la femme aimée, du reste enregistrée en sa présence. Les motivations amoureuses de Dylan restent pour­tant obscures, car cette chanson de réconciliation est enregistrée le même soir que Abandoned Love, qui évoque une rupture avec une femme trop possessive... Le 10 septembre, pour l'enre­gistrement d'un show télévisé en l'honneur de son ami John Hammond, il interprète trois nouveaux titres, dont une chanson d'amour désespéré, Oh Sister. Il l'introduit par ces mots: « Je voudrais dédier celle-là à une personne que je connais. Elle n'est pas là mais elle nous regarde, elle se reconnaîtra. »

 

Quelques mois plus tôt, en juillet, est sorti le double album Basement Tapes qui regroupe les inédits enregistrés avec le Band à Woodstock. Dylan a fini par autoriser la sortie de ce disque supervisé par Robbie Robertson, sans doute pour contrer les nombreux pirates en circulation, mais aussi sous la pression de Robertson. Depuis trois ans, le Band connaît des problèmes d'ins­piration. Il y a bien eu un double album live et un disque de reprises, mais pas de nouvelles chansons. Cet album d' enregistre­ments anciens leur permet d'occuper le terrain à peu de frais. Le travail de Robertson est d'autant plus contestable qu'il a laissé de côté des chefs-d'œuvre de Dylan, comme I Shall Be Released, et imposé des morceaux du Band créés après leur collaboration. Il a même retouché certains titres, juste avant la sortie de l'album, falsifiant ainsi la nature artisanale mais authentique des produc­tions originales.

 

Le grand public peut tout de même découvrir des morceaux mythiques dont la spontanéité tranche sur la propreté clinique du rock progressif en vogue à l'époque. Et la fantaisie débridée des Basement Tapes cadre bien avec les nouvelles envies de Dylan. Il est las du gigantisme des tournées rock. Il veut partir sur les routes avec une troupe d'amis, jouer au jour le jour dans des petites salles, des bars, des lieux insolites comme des prisons et reverser les gains à des œuvres caritatives.

 

Il a déjà étrenné les morceaux de Desire dans des clubs de Greenwich Village, fin octobre. C'est ainsi que débute la Rolling Thunder Revue: une tournée de baladins à laquelle il convie les musiciens de Desire, des amis tels que Roger McGuinn, Joan Baez et Bob Neuwirth, des gens moins connus comme T. Bone Burnett et une vedette anglaise - Mick Ronson, l'ex-guitariste de David Bowie. Patti Smith a décliné l'offre, car elle ne veut pas jouer sans son groupe, mais la caravane ne cesse d'accueillir des invités de marque: Allen Ginsberg, Gordon Lightfoot, Roberta Flack, Joni Mitchell... La tournée passe par le péniten­cier de Clinton au New Jersey, où est incarcéré Carter, mais aussi par le Madison Square Garden. En cours de route, les idéaux généreux du début se sont effacés devant les impératifs financiers. Dylan paie tout ce petit monde, et il est contraint d'accepter les offres des gros promoteurs. Les concerts durent souvent plus de quatre heures, et on compte parfois pas moins d'une demi-douzaine de guitaristes sur scène.

 

La tournée s'interrompt pendant l'hiver de 1976. Desire, sorti en janvier, a été très bien reçu dans la foulée de Hurricane, mais Dylan va mal. Sa vie conjugale est de plus en plus houleuse. En mars, il a enregistré Sign Language avec Clapton pour le nouvel album du guitariste, No Reason to Cry. Ron Wood, le nouveau guitariste des Rolling Stones, qui participe aussi aux séances, découvre un soir que son lit n'a plus de draps ni de couvertures. Dylan les a subtilisés pour bâtir une tente de fortune dans le jardin, qu'il partage avec une groupie qui a les jambes et les bras dans le plâtre!

 

Quand la tournée reprend au printemps, l'humeur n'est plus à la fantaisie. Dylan est effondré après le suicide de Phil Ochs, qui s'est pendu le 15 avril. Cette fois, il n'est plus du tout question de petites salles mais de stades et de spectacles en plein air, même si le public n'est pas toujours au rendez-vous. Un show est filmé pour la télé, mais Dylan interdit sa diffusion. Un deuxième tour­nage est prévu en plein air à Fort Collins, dans le Colorado, fin mai. Le concert est différé quatre jours de suite à cause de la pluie. Le tournage a finalement lieu le 23 mai. La scène est si humide que les musiciens reçoivent sans cesse des décharges électriques. Pour couronner le tout, Sara, venue à l'improviste avec toute la famille fêter l'anniversaire de son mari, le trouve en galante compagnie. Le spectacle est diffusé par NBC et fournit l'essentiel du disque live Bard Rain - un témoignage brut et honnête de tout ce chaos.

 

D'autres caméras ont accompagné la Rolling Thunder Revue. Dès les répétitions, une équipe de cinéma filme, dirigée par Howard Alk, un ami de Dylan, déjà présent sur le tournage de Eat the Document. Sam Sheppard, petit ami de Patti Smith et dramaturge underground à la mode, a été sollicité pour écrire le scénario d'une fiction plutôt curieuse, Renaldo & Clara. Les principaux acteurs en sont Dylan lui-même, qui joue le rôle d'un chanteur (Renaldo), Joan Baez et Sara qui, elles, jouent des allégories féminines entre lesquelles se partage le héros. Les musiciens incarnent - eux aussi - des personnages plus ou moins symboliques. Tout le monde est maquillé, voire masqué. Ronnie Hawkins, l'ancien employeur du Band, est là aussi, il joue un certain... Bob Dylan!

 

Le tournage improvisé et confus s'organise autour du pseudo­ménage à trois. Joan Baez, tombée en disgrâce depuis 1965, a accepté avec plaisir l'invitation de se joindre à la tournée, sans imaginer à quel point elle allait se trouver impliquée dans le film. Sara, elle, se pose des questions quant à l'utilité de sa présence et menace de rentrer à la maison s'occuper des enfants. L'ancienne maîtresse réhabilitée et l'épouse trompée commen­cent à s'apprécier. Elles s'entendent surtout sur un point: leurs personnages sont des putains! Le tournage fait heureusement la part belle à la musique. Le premier montage présenté au public ne comptera pas moins de 47 morceaux, dont 22 de Dylan. Cette première version de quatre heures lui demandera presque un an de montage. Dans l'intervalle, Dylan fête Thanksgiving, le 25 novembre 1976, devant une autre caméra, celle de Martin Scorsese qui filme The Last Waltz : le concert d'adieux du Band, au Winter­land de San Francisco. À cette occasion, ses anciens accompa­gnateurs ont invité à les rejoindre de nombreux amis: Neil Young, Joni Mitchell, Van Morrison, Muddy Waters, Eric Clap­ton... La fête se termine sur  I Shall Be Released, repris en chœur par toutes les vedettes présentes. Un triple album live est enregistré ce soir-là.

 

L'année 1977 est un triste cru pour les fans de Dylan qui n'ont aucune nouveauté à écouter. Les plus acharnés se consolent avec Death of a Ladies Man (le Leonard Cohen produit par le nabab Phil Spector (The Ronettes, The Crystals, Ike & Tina Turner...). On y entend Dylan et Ginsberg brailler des chœurs sur Don't Go Home with Your Hard-On. Voilà ce qui se passe quand un poète ren­contre deux autres poètes! Mais le plus triste, cette année-là, reste Dylan lui-même qui va de tribunal en tribunal pour régler le divorce avec Sara. Elle a choisi un avocat expérimenté, spé­cialisée dans la défense des intérêts des femmes de vedettes. Elle obtient la garde provisoire des enfants, 13,5 millions de dollars, 50 % des royalties sur les chansons écrites pendant toute la durée de leur vie commune et la gigantesque maison de Malibu. Des détails boulevardiers sont révélés à la cour: Dylan qui entretient une relation avec la préceptrice des enfants... Sara qui descend un matin prendre le petit déjeuner et découvre ses enfants atta­blés avec leur père et une de ses maîtresses... Après une période de guerre ouverte, ils se rapprocheront pour l'éducation des enfants. Des rumeurs de remariage circuleront même en 1983. Dylan confiera plus tard: « Le mariage a été un échec. En tant que mari et femme, nous avons échoué mais pas en tant que parents. Je n'étais pas un très bon mari... »

 

À la fin de l'année 1977, il participe à un album de la chanteuse de rythm'n'blues Etta James et achète un local qu'il fait transfor­mer en lieu de répétition et d'enregistrement, les Rundown Studios à Santa Monica, en Californie. C'est là qu'il prépare une nouvelle tournée mondiale. Il fait appel aux musiciens les moins connus de la Rolling Thunder Revue, mais ceux-ci sont progressivement rem­placés par des professionnels aguerris comme Jan Wallace, le bat­teur de King Crimson ou Jerry Scheff, le bassiste de Presley. Oubliées les approximations communautaires de la tournée précé­dente. Cette fois, il veut un show bien agencé à la Elvis (dont la mort l'été précédent l'a bouleversé). Ces longues répétitions per­mettent de construire un répertoire varié, avec des arrangements recherchés. Le groupe compte une douzaine de musiciens, dont une section de choristes féminines qui va devenir incontournable pendant les années à venir. Une de ces chanteuses, Helena Springs, entretient bientôt avec la star une relation amoureuse.

 

En janvier 1978, Dylan interrompt les répétitions pour aider à la promotion de Renaldo & Clara sorti à New York et à Los Angeles. Les réactions sont presque toutes mauvaises. Un cri­tique du Village Voice va même jusqu'à souhaiter sa mort! On apprend que le film a été monté grâce à un jeu de cartes théma­tiques et des combinaisons de couleurs symboliques. Les justi­fications de Dylan n'arrangent rien: « La rose que l'on voit au début est un vagin voyageur... Nous avons arrêté le temps avec ce film. Et nous sommes les seuls. Je n'ai vu qu'un autre film capable de faire ça : Les Enfants du paradis. » De guerre lasse, il finira par autoriser une nouvelle version recentrée sur les nombreuses scènes musicales, deux fois moins longue, mais aussi moins originale. Le film recevra un meilleur accueil en Europe, notamment au Festival de Cannes.

 

Entre-temps la tournée a débuté au Japon, le 20 février, loin des critiques rock américains. Les Japonais, grands amateurs d'exclusivités, ont enregistré pour leur marché un double album live, lors des concerts au Budokan de Tokyo (le disque sera tout de même bientôt commercialisé dans le reste du monde). Bob Dylan at Budokan permet d'entendre un spectacle très profes­sionnel, proche parfois de la grande variété. Knocking on Hea­ven's Door et Don't Think Twice, It's Allright, joués en reggae FM, ne sont guère convaincants, mais certaines relectures, dont la reprise lente de I Want You, sont plus réussies. Le disque souffre sans doute d'avoir été enregistré trop tôt dans la tournée. De retour aux États-Unis, le groupe s'installe deux semaines aux Rundown Studios pour enregistrer un nouveau disque. Tout doit être prêt pour le début de la tournée européenne et le mixage pâtit de cette précipitation. Beaucoup plus arrangé que les pré­cédents, mais aussi moins émouvant, Street Legal, mis en vente le 15 juillet, ne rentre pas dans le classement des dix meilleures ventes aux États-Unis. Sa couleur un peu gospel et l'omnipré­sence des chœurs féminins surprennent et désarçonnent les ache­teurs. Seul le single Baby Stop Crying rencontre un succès durable, mais uniquement en Europe. La tournée européenne est d'ailleurs un triomphe. L'apogée a lieu sur l'aéroport désaffecté de Blackbushe, en Grande-Bretagne, le 15 juillet, devant 250 000 spectateurs, avec en première partie le groupe de reggae Aswad, Joan Armatrading, Graham Parker et l'ami Eric Clapton. Dylan n'avait pas joué en Angleterre depuis 1969 à l'île de Wight. Quant au Continent, il le délaissait depuis la tournée-scandale de 1966 !

 

La tournée américaine est moins bien accueillie. La lassitude de Dylan y est sans doute pour quelque chose (115 concerts dans l'année tout de même !). Il est vrai aussi que la pilule Renaldo & Clara n'est toujours pas passée. On lui reproche de se prendre très au sérieux et de se préparer une fin de carrière à Las Vegas. Et tout cela n'est rien en comparaison de ce qui va suivre...