Woody Guthrie

Woody disait : "On n’a cessé de m’affirmer que j’étais bon, et pourtant je n’ai jamais véritablement réussi à nourrir ma femme et mes enfants comme je l’aurais souhaité." Woodie Guthrie, dont le style sera perpétué par Ramblin’ Jack Elliot, et surtout Bob Dylan, véritable disciple, mêle le country traditionnel et les textes politiques. Il transforme le folk en véhicule social : "Tant que nous aurons des accidents, désastres, cyclones, ouragans, explosions, lynchages, problèmes syndicaux, vie chère et bas salaires, tant que nous aurons des flics en uniforme pour se battre contre les piquets de grève, les chansons et les ballades folk existeront."

Il naît le 14 juillet 1912 dans une famille (il sera le 3ème de 5 enfants) de pionniers fixée dans l’Oklahoma, menant une existence très dure.  Son père, Charley Edwards Guthrie, quitta le sud du Texas et s'installa dans le Territoire Indien, aujourd'hui l'Oklahoma en 1897. Il y exerça la profession de cowboy pour plusieurs propriétaires de ranches situés à l'est d'Okmulgee dans les territoires de la Nation Creek. Après trois ans, il s'orienta vers l'enseignement de la calligraphie puis en 1902 travailla comme vendeur de livres pour un marchand à Welt près d'Okemah. Sa mère, Nora Sherman Guthrie s'installa dans la même région avec ses parents autour de 1900 (la date exacte n'est pas connue). Ils se marièrent le 14 février 1904.

Son père joue parfois du banjo. Dès l’âge de seize ans il quitte le foyer et mène une vie d’errance à travers le Texas et la Louisiane, subsistant grâce à de petits métiers. En 1929, il rend visite à son oncle, à Pampa (Texas), qui lui apprend la guitare. Avec des voisins, il fonde le Corncob Trio, qui se produit partout dans la région. A partir de 1935, il compose sa première chanson : Dusty Old Dust (également connue sous le nom de So Long It’s Been Good To Know You).

Il saute alors dans les trains de marchandise, avec sa seule guitare pour bagage, écrivant tous les jours un talking blues sur des mélodies empruntées à la Carter Family. Ce seront les Dust-Bowl Ballads ( le Dust Bowl est la tornade de poussièe que devaient endurer les migrants en route vers la terre promise de la Californie) : Dust can’t Kill Me, I Ain’t Got No Home, chroniques de la Grande Dépression.

Il s'engage très jeune dans l'action politique. Parti pour la Californie, comme des milliers de ces Okies chassés par la misère de l'Oklahoma, et dont le roman (et le film) Les Raisins de la Colère racontent l'épopée, Woody Guthrie s'installe alors au cœur des luttes sociales, s'opposant avec sa guitare et ses chansons aux milices des entreprises fruitières ou à la complaisance des policiers de l'État californien. Sa réputation de redoutable agitateur lui vaut nombre de démêlés avec la police et la justice.

Son expérience des Dust Bowls, les tempêtes de poussière, lui inspire tout un cycle de chansons, auxquelles il ajoutera une ballade sur Tom Joad, le héros de Steinbeck, auquel il s'identifie. A la fin des années 30, partisan enthousiaste du New Deal de Franklin D. Roosevelt, il est embauché par l'administration des grands travaux pour chanter devant les ouvriers qui bâtissent des barrages sur la Columbia River. Il en tire un autre cycle de chansons à la fois poétiques et politiques. En 1937, Guthrie s’installe à Los Angeles et devient une vedette de la radio KFVD

L’un de ses thèmes les plus notoires : la façon dont ceux qui ont de l’argent marchent sur ceux qui n’en ont pas. Il se fait le porte-parole du prolétariat américain lors de la grande dépression. Au moment de la seconde guerre mondiale, ses idées allant de plus en plus vers la gauche, il flirte brièvement avec le parti communiste de son pays. On lui refuse la carte du parti, parce qu’il désire conserver sa religion ?

Entre 1932 et 1952, Woody compose et interprète une bonne centaine de chansons comme This land is you land ou Pastures of plenty, et publie sa propre autobiographie Bounds for glory (En route pour la gloire, traduit en français par Jacques Vassal, qui inspira les futurs vagabondages des écrivains de la génération beat de Jack Kerouac, auteur de Sur la route) en 1943.

Mais ses chansons protestataires attirent aussi l'attention des auditeurs de country music et des folkloristes new-yorkais. L'une de ses plus célèbres chansons de protestation est sans conteste le titre Deportee que lui a inspiré un crash d'avion transportant à son bord des émigrés mexicains, survenu le 29 janvier 1948. Ce qui aiguisa le plus son esprit de révolte fut le traitement de la presse chargée de couvrir l'événement vis à vis de ces vingt-huit sinistrés qui ne virent leur nom aucunement cités par celle-ci ; que ce soit par écrit ou par la radio, arguant du fait qu'ils s'agissait uniquement « d'expulsés ». Pour la petite anecdote, la chanson était à l'origine un poème du chanteur, dont la musique additionnelle fut composée par Martin Hoffman et popularisée plus tard par Pete Seeger.

Après de nombreuses péripéties, le label Capitol offre à Woody Guthrie un contrat d'enregistrement exclusif. Au lieu de l'accepter, il quitte la Californie et part s'installer à New York. Il devient l'un des favoris de Greenwich Village. Son folklore protestataire exercera une influence majeure sur tous les futurs protest singers, comme Pete Seeger avec qui il fonde au début des années 1940 l'éphémère mais influent groupe Almanac Singers et avec lequel il participera plus tard fréquemment à des Hootenanny, Bob Dylan (qui lui rend visite à l'hôpital où il termine sa vie dès son arrivée à New-York, et lui consacre une chanson dans son premier disque), Joan Baez ou Bruce Springsteen.

Après avoir écrit un bon millier de chansons contre la guerre et pour l’amour, sur les enfants, contre le racisme et la découverte de l’ailleurs, célébrant toujours la nature et la justice, il sera paralysé pendant les quinze dernières années de sa vie, avant de mourir le 3 octobre  1967 d’une maladie des nerfs, la chorée de Huntington, dont avait déjà succombé sa mère.

Sa musique a eu une influence considérable et fait partie de la culture contemporaine des États-Unis ; ses textes réputés à l'image de son tempérament sont portés par une musique reconnue comme brute et sans fioritures, et son œuvre est incontestablement devenue une référence très importante de la chanson américaine.

La fin de sa vie est reconstituée dans le film Alice's Restaurant, en 1969. Joseph Boley interprète Woody, lors d'une scène où son fils Arlo vient le visiter à l'hopital. En 1976 sort le film En route pour la gloire (Bound for Glory), réalisé par Hal Ashby et adapté de sa biographie. Ce film raconte son départ de Pampa au Texas, son voyage jusqu'en Californie et le début de sa carrière de chanteur, jusqu'à son départ pour New York. En 1977, le film a concouru pour la Palme d'or au Festival de Cannes. Toujours en 1977, il a reçu l'Oscar de la meilleure image (Best cinematography) et de la meilleure musique (Best Music, Original Song Score and Its Adaptation or Best Adaptation Score). Il était également nominé dans les catégories meilleur film, scénario, montage et costumes.