Emmylou Harris

 

Fille d'un militaire de carrière, Emmylou Harris est née le 2 avril 1947 à Birmingham, en Alabama. Après de fréquents déménagements occasionnés par la profession de son père, elle s'inscrit à l'université de Caroline du Nord, avec l'idée de devenir actrice. Mais la rencontre d'amis musiciens la fait changer d'avis. Avec sa guitare, elle commence sa carrière de chanteuse en 1967, dans les clubs de Washington et de New York, où elle participe à la fin du mouvement folk de la Côte Est.

 

En 1969, Emmylou signe avec Jubilee Records, un petit label pour lequel elle enregistre Gliding Bird,  un premier album qu'elle préfère aujourd'hui passer sous silence. Après la sortie de ce disque, elle se marie et interrompt quelque temps ses activités musicales pour donner naissance à une fille, Hallie. Lorsqu'elle se remet au travail, fin 70, c'est pour faire le pélerinage de Nashville, mais sans résultat probant. Déçue par son premier contact avec la capitale de la country, déprimée par l'échec de son mariage, Emmylou retourne vivre chez ses parents dans le Maryland. Encouragée par ses proches, elle se remet à chanter. A Washington, elle forme un petit groupe avec qui elle se produit dans un club appelé The Cellar Door. C'est là qu'elle se fait remarquer et que les Flying Burrito Brothers lui demandent de se joindre à eux. Emmylou Harris accepte l'offre mais malheureusement, le groupe se sépare deux semaines plus tard. Mais l'histoire aura tout de même une suite.


Fin 71, Emmylou retrouve Gram Parsons, l'ancien musicien des Byrds et des Flying Burritos, l'artisan de la fusion entre la country et le rock, qui lui demande de le rejoindre à Los Angeles pour participer à l'enregistrement de son premier album solo, G.P. Ce disque, qui paraît en janvier 73, montre de façon évidente que l'association entre les deux artistes est une réussite. Emmylou fait alors partie du groupe de Gram Parsons, les Fallen Angels. Elle tourne avec lui jusqu'à sa mort, le 19 septembre 1973. On la retrouvera, bien évidemment, sur le classique Grievous Angel, l'album inachevé qui sortira en janvier 74, et qui vaudra à Gram d'être considéré comme le père du country-rock.

"Il a été le premier qui a su capter la véritable substance, la richesse et la beauté de la country, et il a marié tout cela avec sa sensibilité rock, avec la musique de sa génération. Il n'essayait pas simplement de recréer la country du passé, parce que dans ce domaine, tout a déjà été fait, et on ne fera pas mieux que nos aînés. Ça correspond à une époque. Mais, à l'évidence, la country peut nous apprendre des choses, elle peut nous inspirer et enrichir la musique que nous faisons. Et c'est ce qu'il a fait." Très affectée par la disparition de Gram Parsons, Emmylou Harris se réfugie dans le travail. Elle forme l'Angelband et rejoint la Côte Ouest où elle enregistre Pieces of the sky en mars 75, un album qui témoigne d'une large ouverture d'esprit.

La voix est chaleureuse et la musique véritablement touchante. L'album est N°1 dans les charts country, tout comme le 45-tours If I could only win your love. Ce formidable succès permet à Emmylou de voir plus grand. Elle fonde alors le Hot Band avec des musiciens plus expérimentés : le batteur John Ware, le joueur de pedal-steel Hank De Vito, le bassiste Emory Gordy, le guitariste Rodney Crowell, le pianiste Glen D. Hardin (qui a fait partie des Crickets de Buddy Holly et qui a accompagné Elvis Presley), et James Burton (le dernier guitariste d'Elvis). James se souvient encore de sa première rencontre avec Emmylou.

"Quand j'ai rencontré Emmylou, j'étais en train d'enregistrer avec Gram Parsons. Emmylou chantait dans les chœurs avec Gram. Ça a été mon premier contact avec Emmylou Harris. C'était une fabuleuse chanteuse déjà, et après deux albums avec Gram, malheureusement, il est mort. Et le manager de Gram s'est occupé d'Emmylou et l'a fait signer chez Warner et j'ai enregistré avec elle comme je l'avais fait avec Gram Parsons, notamment l'album Pieces of the sky que j'adore. Je joue le solo sur le titre Too far gone. On l'a enregistré en une seule prise et c'était tout simplement incroyable."

Emmylou Harris et le Hot Band donnent une série de concerts fantastiques aux Etats-Unis et en Europe avant d'enregistrer Elite Hotel. Sur cet album qui paraît en janvier 76, Emmylou reprend trois compositions de Gram Parsons, poursuivant ainsi une mission presque historique : continuer l'œuvre qu'il avait entreprise et qu'ils avaient partagée trop brièvement. L'album  permet à Emmylou Harris de se retrouver N°1 dans les charts country à trois reprises grâce à Together again (une version du classique de Buck Owens), Sweet dreams et One of these days. On remarque aussi sur cet album la reprise d'un titre des Beatles, Here, there and everywhere. Emmylou Harris a désormais fait la preuve de son talent d'interprète ; elle est récompensée par le Grammy de la "meilleure chanteuse country".

Après avoir travaillé avec Gram Parsons, Emmylou Harris enregistre avec Linda Ronstadt, John Sebastian, Little Feat et surtout Bob Dylan. On peut retrouver ses harmonies vocales sur l'album Desire, en janvier 76. Le 25 novembre, elle participe au concert d'adieu du Band, The last waltz. Le 7 janvier 1977, Emmylou épouse son producteur, le Canadien Brian Ahern. Son mariage coïncide avec la sortie de Luxury Liner, un album d'inspiration plus rock qui marque l'arrivée dans le Hot Band du guitariste anglais Albert Lee. Il prend la place laissée vacante par James Burton, qui est reparti jouer avec Elvis. Le 20 mars 1977, Emmylou Harris se produit à l'Olympia : c'est son premier concert en France. Rodney Crowell est à ses côtés, un des éléments essentiels de son groupe.

"Rodney Crowell joue de la guitare rythmique et il chante la plupart des harmonies avec moi. C'est aussi un formidable auteur-compositeur. Pour ceux qui connaissent un peu mon répertoire, il a écrit Bluebird wine, Till I gain control again et aussi You're supposed to be feeling good ; et il a co-signé plusieurs autres titres avec moi. Et il va enregistrer bientôt un album solo. C'est un auteur-compositeur qui a beaucoup de talent."

Quarter moon in a ten cent town date de janvier 78. Il apparait comme un disque où tout est un peu trop bien agencé, trop conditionné et sans surprise. En tout cas, il souligne bien la grosse différence qui existe à cette époque entre les disques d'Emmylou Harris et ses concerts qui sont, eux, beaucoup plus enlevés. En février 78, Emmylou retourne en studio pour travailler à un album avec Linda Ronstadt et Dolly Parton. Sur le papier, on a la promesse du premier supergroupe féminin de country. Mais le projet est repoussé, vraisemblablement pour des raisons contractuelles. Sur son album suivant, Blue Kentucky Girl, qui paraît en avril 79, Emmylou surprend son monde : alors qu'on la croyait bien installée dans un style à mi-chemin entre le country-folk et le country-rock, elle propose une musique country résolument plus traditionnelle.

Elle reprend Hickory wind de Gram Parsons et elle survole les hits-parades avec Beneath still waters et avec Save the last dance for me. C'est à cette occasion qu'elle décroche un deuxième Grammy Award. Emmylou Harris, Linda Ronstadt et Dolly Parton, les trois dames de cœur de la country music, sont à nouveau réunies sur Light of the stable, la chanson qui donne son titre à l'album de Noël d'Emmylou, en novembre 79. Willie Nelson et Neil Young lui ont également prêté leur concours, ainsi que Ricky Skaggs, ce musicien polyvalent et talentueux qui suit la carrière d'Emmylou Harris depuis 1975 de façon presque continue. L'enregistrement de ce titre a laissé à Emmylou un souvenir impérissable.

"J'adore cette chanson et la façon dont elle a été enregistrée. Chacun y a participé comme à un acte d'amour, en donnant de son temps. Linda et moi avions fait une première version avec un simple accompagnement à la guitare acoustique. Ça sonnait tellement bien qu'on l'a enregistrée avec les musiciens et qu'on a demandé un peu à tout le monde de venir chanter avec nous. Chacun a donc donné de son temps pour le faire. Tout ça, sans se préoccuper de savoir si la maison de disques allait la publier et si on allait gagner de l'argent. Tout ce qu'on voulait, c'était faire cette chanson avec ceux qui voudraient s'y associer. C'est sans doute une des choses auxquelles je suis la plus fière d'avoir participé."

En mai 1980, Emmylou Harris propose Roses in the snow, un album de musique américaine classique, d'inspiration plus bluegrass. A une liste déjà conséquente, Emmylou ajoute deux succès : Wayfaring stranger et la reprise d'une composition de Paul Simon, The boxer. La consécration, que le public lui a déjà accordée depuis longtemps, elle l'obtient aussi de façon officielle : elle est élue "meilleure chanteuse de l'année" 1980 par la Country Music Association. Modeste, Emmylou n'oublie pas d'associer ses musiciens à sa réussite.

"Si j'apporte quelque chose à la country, c'est surtout grâce à mon groupe. Nous jouons de la country pure, en y ajoutant une certaine dose d'agressivité, mais sans la dénaturer en quoi que ce soit. Musicalement, j'essaie de me concentrer sur les harmonies. Je crois que c'est quelque chose qu'on a un petit peu perdu dans la country ces dernières années. J'écoute toujours des choses plus anciennes et les harmonies vocales y sont très importantes."

Toujours en 1980, Emmylou Harris interprète deux titres sur la bande originale du film Honeysuckle Rose, dont la vedette est Willie Nelson.
La même année, elle figure également au générique du double album
The legend of Jesse James, un projet écrit et composé par Paul Kennerley, où elle est entourée de Levon Helm, Johnny Cash, Charlie Daniels et Albert Lee, parmi d'autres. Et ce n'est pas tout : That lovin' you feelin' again, un extrait de la bande originale du film Roadie qu'elle interprète en duo avec Roy Orbison, est récompensé par un Grammy Award, le troisième déjà pour Emmylou Harris.

Emmylou Harris retrouve une nouvelle fois Linda Ronstadt et Dolly Parton en studio, pour les besoins de son album Evangeline, qui paraît en janvier 1981. Les trois chanteuses y sont réunies à deux reprises : sur le titre générique et sur la reprise de Mr. Sandman, qui est la grande réussite de ce disque. On y remarque aussi le retour du Hot Band et on constate, à travers la reprise de Hot Burrito N°2, que l'esprit de Gram Parsons souffle toujours. Album parfaitement en harmonie avec la personnalité d'Emmylou, un disque qui est le reflet exact de l'originalité de son talent, au-delà de l'image de country girl à laquelle beaucoup voudraient la réduire.

"C'est un peu difficile pour moi, parce que je me suis totalement investie dans la country au début. Artistiquement et créativement, c'est la country qui m'a lancée. Ça a été mon centre d'intérêt. Je faisais de la country à ma façon, mais ce qui était important, c'était de me sentir chanteuse country. A l'époque, de nombreuses personnes de mon entourage, mes amis, mon agent, d'autres chanteurs qui ne connaissaient pas et ne comprenaient pas la musique country, ne m'ont pas suivie. Moi, j'étais passionnée par mon travail avec Gram Parsons, et ce que je voulais, c'était faire connaître la country. Quand je donnais des interviews, je voulais parler de George Jones et des Louvin Brothers. Même si j'essayais en même temps de faire une country différente, de la faire sortir de son cadre strict, à la manière de Gram Parsons, comme il me l'a appris. Mais aujourd'hui, ce que la country est devenue aux Etats-Unis, la country qui passe à la radio, j'y suis totalement étrangère. En un mot, je ne suis pas programmée sur les radios country et ça m'est égal."

En décembre 1981, Emmylou Harris publie Cimarron, l'album à la pochette sépia dont le titre générique est bien évidemment inspiré par le grand succès de Poco, Rose of Cimarron. Last Date, son premier album "live", paraît en octobre 82 et la montre très à l'aise, voire même différente par rapport à son travail en studio. Sur ce disque, Emmylou privilégie son travail d'interprète : elle reprend Bruce Springsteen, Carl Perkins, Hank Snow, Don Everly, Neil Young, et un titre de Gram Parsons, "Return of the grievous angel".

Les goûts musicaux d'Emmylou Harris ne se cantonnent pas à un seul style : outre la country, elle montre également son intérêt pour le folk, le rock, la pop, le swing et le bluegrass. Elle se met une nouvelle fois en évidence en octobre 83 sur "WHITE SHOES", où le titre "In my dreams" lui vaut un quatrième Grammy Award. En septembre 84, Profile 2 est un second "best of" qui réunit dix titres qui ont marqué les cinq dernières années de sa carrière, de 1979 à 1984. C'est le treizième et dernier album produit par Brian Ahern, qui s'est occupé d'Emmylou depuis 1975. La chanteuse se sépare de son producteur, et en même temps, la femme quitte son mari. Emmylou Harris quitte alors sa maison de Laurel Canyon à Los Angeles pour s'installer à Nashville, la capitale du Tennessee et de la musique country. En février 85, elle enregistre The Ballad of Sally Rose, une sorte d'autobiographie romancée qu'elle signe et produit avec Paul Kennerley, un Anglais fou de country avec qui elle avait déjà travaillé.

Après la tournée de promotion de l'album, Emmylou et Paul se marient. Février 86 verra la sortie de l'album Thirteen. Puis arrive l'année 1987 qui marque enfin l'aboutissement du projet commun envisagé neuf ans plus tôt par Emmylou Harris, Linda Ronstadt et Dolly Parton. C'est l'album "TRIO", synonyme pour les trois chanteuses de retour aux sources de la tradition. C'est un immense succès populaire et commercial, c'est l'album country N°1 de l'année. Emmylou, Linda et Dolly obtiennent un CMA Award dans la catégorie "événement vocal de l'année", une catégorie récemmment créée pour récompenser des artistes qui ne travaillent pas habituellement ensemble. Quatre titres extraits de l'album "Trio" atteindront le Top Ten, notamment la reprise du classique de Phil Spector "To know him is to love him".

En juin 87, Emmylou Harris propose un album acoustique de country traditionnelle, Angel Band. C'est un disque intimiste et spontané, direct et sincère, qu'elle a enregistré pour sa plus grande partie chez elle, dans son salon, avec quelques amis : Emory Gordy à la basse, Vince Gill à la mandoline et Carl Jackson à la guitare. En 1988, Emmylou est N°1 dans les charts country avec un titre qu'elle interprète en duo avec Earl Thomas Conley, We believe in happy endings. Après Bluebird en 89, c'est la compilation Duets qui paraît l'année suivante. Elle rassemble des titres qu'Emmylou a interprétés en duo avec George Jones, John Denver, Gram Parsons, Roy Orbison, Don Williams, The Band, Ricky Skaggs, Earl Thomas Conley et Southern Pacific. Les deux duos qui complètent l'album sont des inédits : Gulf coast highway avec Willie Nelson et The price I pay avec le Desert Rose Band.

Brand New dance paraît en 1991. Il est suivi d'un album public qui sort en janvier 92, Emylou Harris At The Ryman, où la chanteuse est accompagnée par les Nash Ramblers. En 1993, les critiques de l'album Cowgirl's prayer  sont plutôt bonnes, mais les ventes ne suivent pas : aux Etats-Unis, elles atteignent à peine 158 000 exemplaires. En 94, après la publication dans la collection Warner Western de la compilation Songs of the West, Emmylou se sépare de son mari, Paul Kennerley. Elle fait alors appel au Canadien Daniel Lanois pour produire son album suivant, Wrecking Ball. Une fois encore, elle élargit son univers musical, puisant dans le répertoire de Neil Young, Jimi Hendrix, Steve Earle et Bob Dylan. Mais élargir son répertoire ne veut pas dire renier le passé.

"Aujourd'hui, j'ai l'impression que ce que j'entends sur les radios country n'a plus de force, n'a plus d'âme. Mais je ne veux pas renier le passé. Je ne veux pas dire, pour paraphraser notre ancien président Bill Clinton : 'J'ai goûté à la country music et je n'ai jamais été accro.' D'un autre côté, si on se déclare chanteur country, si on se range dans cette catégorie, alors, tout ce que l'on fait doit être étiqueté 'country'. 'Wrecking Ball' devait être un album country. Mais ça ne rentre pas dans les standards des programmateurs des radios country actuelles. Est-ce que ça a une importance ? Je ne crois pas. J'essaie toujours de faire une musique qui me semble bonne et sincère pour moi. Ce que j'ai fait sur Wrecking Ball, j'appelle ça une évolution naturelle. Bien sûr, il y a un fossé qui sépare celui-ci de ce que j'avais fait avant, mais je ne pense pas avoir changé complètement. Je suis toujours la même chanteuse dans les situations différentes qui m'ont permis d'évoluer en tant qu'artiste."

Emmylou Harris ne réinvente pas seulement les chansons, elle les exprime dans un langage entièrement nouveau. Wrecking ball lui apporte un nouveau Grammy, celui du "meilleur enregistrement de folk contemporain".En octobre 1996, le label Reprise publie Portraits, un coffret de trois CDs qui revient sur l'ensemble de la carrière d'Emmylou Harris et propose cinq inédits. En 1997, elle tourne de nouveau en Europe. Plusieurs concerts sont enregistrés et donnent l'album Spyboy, qui paraît sur Eminent Records.

"L'an dernier, j'avais décidé de prendre un congé sabbatique, pour réfléchir à mon prochain album studio. J'étais sur la route depuis deux ans pour la tournée 'Wrecking Ball'. J'ai quitté ma maison de disques et mon management, pour être totalement libre, sans aucune pression. Je voulais simplement écrire des chansons et changer d'environnement, oublier la tournée et les gens qui te demandent sans cesse quand sort ton prochain disque. Mais finalement, ça faisait trois ans que 'Wrecking Ball' était paru et je n'avais toujours rien. Mon ex-manager, qui avait monté un petit label, Eminent Records, est venu me dire : 'Voilà, tu dois encore un album en priorité à ton ancienne maison de disques avant d'être totalement libre. Moi, je te propose un contrat pour un album, il est fait, c'est un 'live' et il est déjà enregistré. Tu n'as plus qu'à déterminer un ordre pour les titres, organiser un peu tout ça, et ton ancienne maison de disques sera satisfaite.' J'ai écouté les titres et c'était bon, le groupe sonnait fantastique ; on ressentait quelque chose de très spécial. Mais je leur ai dit qu'il ne fallait pas trop compter sur moi pour cet album, que je ne voulais pas tourner, mais ils ont accepté, à condition que je fasse un peu de promotion."

Spyboy n'est pas seulement un titre d'album, c'est aussi le nom du groupe qui accompagne la chanteuse. Emmylou Harris nous présente les musiciens.

"Daryl Johnson, je l'ai rencontré grâce à Daniel Lanois. Il a joué avec les Neville Brothers et c'est un très bon bassiste et percussionniste ; c'est aussi un bon chanteur et il a une très belle voix Il a travaillé sur 'Wrecking Ball'. Le batteur, Brady Blade, vient de La Nouvelle Orléans. C'est son frère, Brian Blade, qui me l'a présenté ; c'est un batteur exceptionnel. Il a cette capacité unique de s'adapter à tous les styles de musiques. Il a un sens du rythme inné, c'est presque un don surnaturel, même dans les rythmes les plus inhabituels que nous abordons. Buddy Miller est un très bon chanteur, mais surtout un guitariste étonnant, à vous couper le souffle. Il enregistre aussi sous son nom ; il a déjà publié deux albums sur le label Hi-Tone. C'est un petit groupe, mais qui a un gros son, et je joue de la guitare acoustique."

Février 99 amène la sortie de Trio 2, dont les enregistrements avaient eu lieu cinq ans auparavant. Produit comme le premier Trio de 87 par George Massenburg, ce deuxième album propose des reprises d'auteurs-compositeurs légendaires comme Neil Young ou Randy Newman. Individuellement, Emmylou Harris, Linda Ronstadt et Dolly Parton sont les trois chanteuses les plus influentes et les plus originales de la musique populaire moderne aux Etats-Unis. Ensemble, elles possèdent une quatrième voix, celle qu'elles créent en chantant en trio.

"On y a mis beaucoup de travail, d'amour, de transpiration et de larmes aussi. Le second album Trio est paru à un moment très particulier de ma vie. Mon père venait de mourir ; Linda venait d'adopter un autre enfant et j'ai dû faire beaucoup de sacrifices pour enregistrer ce disque. Et quand il est enfin sorti, ça a été un soulagement intense : la période de gestation avait été très longue."

Un proverbe dit jamais deux sans trois, mais après ce que vient de dire Emmylou Harris, il ne se vérifiera peut-être pas ici. En tout cas, Emmylou en doute fort. "Je ne sais pas. On avait toujours dit qu'on n'en ferait pas un deuxième. Je ne veux pas décevoir les gens, mais je doute qu'il puisse en être autrement avec tous les problèmes que posent la sortie d'un disque et sa promotion."

Après la disparition de Gram Parsons en 1973, Emmylou Harris avait continué dans la voie qu'il avait tracée, réussissant là où il avait échoué : imposer ses idées à la communauté country. En 1999, elle s'occupe tout naturellement de la réalisation de l'album  Return of the Grevious Angel – A Tribute To Graham Parsons, un hommage au pionnier foudroyé du country-rock. Puis elle poursuit son chemin, toujours désireuse d'aller de l'avant, accordant beaucoup d'importance au fait de pouvoir se faire entendre au-delà de son propre genre. C'est en ce sens que l'on peut dire que son style s'enrichit de jour en jour, que son horizon musical s'élargit de plus en plus. En tout cas, elle a encore montré avec le groupe Spyboy que l'on peut réellement mener les choses dans toutes les directions possibles, si différentes soient-elles. Toujours en 1999, Emmylou Harris et Linda Ronstadt proposent un album qu'elles ont enregistré en duo : Western Wall - The Tucson Sessions. Elles y reprennent notamment des compositions de Jackson Browne, Sinéad O'Connor, Bruce Springsteen et Leonard Cohen.

En septembre 2000, Emmylou Harris publie un nouvel album, Red Dirt Girl, qui paraît sur le label Nonesuch Records. Elle l'a enregistré à La Nouvelle-Orléans avec le guitariste et le bassiste de Spyboy, et avec de nombreux invités qui ont répondu à son invitation, parmi lesquels Dave Matthews ainsi que Bruce Springsteen et son épouse Patti Scialfa.

"Quel que soit l'endroit ou le moment, tout est toujours dicté par la chanson qu'on est en train d'enregistrer, par le projet que l'on a entrepris. J'ai dit une fois que j'aimerais bien chanter avec Bruce Springsteen, mais là, je ne lui avais pas demandé de venir chanter sur ce titre. C'est Patti que j'ai appelée, parce que je voulais qu'elle fasse les voix sur Tragedy ; je voulais une voix féminine à côté de la mienne. Patti et Bruce étaient en tournée et ils devaient donner un concert à La Nouvelle Orléans. J'ai pensé que ce serait une bonne occasion de rencontrer Patti. J'avais la chanson qu'il fallait et elle allait venir en ville. Et ce qui s'est passé, c'est qu'elle est venue avec Bruce. Et lorsqu'elle a commencé à chanter, Bruce s'y est mis lui aussi. J'ai trouvé que le mariage de nos trois voix sonnait très bien. A la fin de la chanson, j'ai décidé de changer ce qui était au départ un duo, de garder ce magnifique son à trois voix qui donne une dimension supplémentaire à l'histoire. C'est une de ces choses qui arrivent par hasard, quelque chose qui se produit sans qu'on l'ait cherché et qui sert la chanson."

Emmylou Harris, et cela n'étonnera personne, trouve dans la musique un des moteurs essentiels de son existence.

"Ça a une grande importance dans ma vie ; c'est une véritable passion pour moi. Ma vie, mon autre vie, c'est d'être à la maison avec ma famille, c'est-à-dire ma mère qui vit avec moi et nos animaux. Nous avons des chats et des chiens, mais rien que des bâtards, des animaux errants que nous avons recueillis. Et nous passons notre temps avec nos amis à Nashville, plutôt dans le calme. Une de mes filles habite aussi à Nashville. L'autre est à Los Angeles où je vais assez souvent la voir. Ça me suffit pour remplir ma vie. J'aime la musique. J'aime toujours autant être sur la route, en tournée. Mais pour pouvoir entreprendre une tournée, il faut avoir un nouveau disque à proposer, de nouvelles chansons à ajouter aux anciennes que l'on aime toujours. C'est ce qui fait avancer la machine."

En 2001, l'ancienne maison de disques d'Emmylou, Reprise, publie le double CD Anthology. C'est une compilation qui réunit 44 singles que la chanteuse avait enregistrées pour le label entre 1979 et 1990. De son côté, Emmylou s'est remise à l'écriture et, dans la droite ligne de, elle publie Stumble Into Grace. Cet album, Emmylou Harris l'a marqué d'une empreinte personnelle encore plus forte, signant ou co-signant quasiment toutes les chansons, avec la complicité bienveillante de son producteur Malcolm Burn et d'un auxiliaire de luxe, Daniel Lanois.

"Avant de venir ici en Europe, j'étais à Nashville et j'ai cosigné une chanson pour le nouvel album d'Emmylou Harris, une très jolie valse, et ça m'a fait plaisir de la revoir. Je lui ai également donné un coup de main, ainsi qu'à Malcolm Burn, sur trois ou quatre autres titres. Comme tu le sais, elle a une voix d'ange et j'aime la façon dont nous avons travaillé sur la chanson de Jimi Hendrix pour l'album Wrecking Ball. Je l'appelle Waterfall, parce que ça devrait être son titre.

Emmylou chante sur ton nouvel album, sur la première chanson, je crois.  Oui, sur le premier titre. Il s'appelle I love you. Emmylou était venue me voir à la maison et je lui ai demandé si elle aurait la gentillesse de chanter sur ce morceau. A ce moment, elle était enrhumée, elle a hésité, mais elle l'a fait quand même. Elle a chanté de façon merveilleuse, même avec un rhume, et c'est ce qu'on a gardé pour le disque."

Enrhumée ou pas, la voix d'Emmylou Harris reste exceptionnelle, même si depuis quelque temps, on a l'impression qu'elle a un peu changé, qu'elle a pris de nouvelles sonorités.

"C'est difficile pour moi de savoir si ma voix a changé. A l'évidence, avec l'âge, la voix change. Elle n'est plus aussi légère ou aussi douce qu'avant. Ma voix est plus chargée d'années, ce qui lui donne plus de texture que quand j'étais plus jeune et ça me permet d'essayer d'autres chansons. On ne peut pas parler de ça objectivement ; chanter, c'est très subjectif. Je ne cherche pas à savoir ce que je peux ou ne peux pas faire musicalement. Je me dis simplement : j'aime cette chanson, je vais la chanter et je trouverai un moyen pour que ma voix s'y adapte."