Screamin Jay’ Hawkins

Lorsque Screamin Jay’ Hawkins nous quitte le 12 février 2000 à Paris, disparaît avec lui l’un des musiciens les plus originaux de l’historie du rhythm’n’blues, et plus largement de la musique afro-américaine, tant il est vrai que son talent " transversal " s’est appliqué avec naturel à de nombreux registres de l’expression de sa communauté. Mais il est aussi l’un des plus sous-estimés. En effet, nombreux sont ceux qui ne retiennent de lui que ses outrances vestimentaires, ses délires vocaux, son goût immodéré pour les flatulences en tout genre et ses shows complètement déjantés où il entrait en scène dans un cercueil accompagné de serpents et d’une tête de mort fichée au bout d’un bâton. Bien entendu toutes ces excentricités ont grandement contribué à sa célébrité. Mais elles ont aussi très largement masqué ses magnifiques talents de chanteur (à la fabuleuse voix de baryton, d’une rare puissance et d’une étendue surprenante), de pianiste et de compositeur , et fait oublier un peu trop vite son profond sens de l’humour et de la dérision .

A sa naissance, en juillet 1929, à Cleveland (Ohio), sa mère a douze enfants et n’est mariée à personne. La femme qui va l’élever est une Indienne blackfoot. " Ce qui fait que je n’ai pas été élevé comme un Noir mais comme un Indien. Et cette femme était un peu bizarre. Elle était dure. Il fallait que je travaille : je transportais de la glace, du charbon, je distribuais les journaux. Je ramenais l’argent à la maison sans le dépenser. Elle voulait que je me défende quand les gamins du quartier me poursuivaient parce que j’étais toujours bien habillé… J’ai attrapé une réputation de délinquance juvénile. A 13-14 ans, le conseil scolaire, la police, le service de la délinquance juvénile m’ont fait arrêter l’école et ils ont fait un dossier."

En 1944, il s’engage et participe à la bataille d’Okinawa. Dans son unité, il apprend le saxo et le piano.

Il remporte les Gants d’Or, la grande épreuve de boxe amateur des USA en 4, met pour la première fois les pieds en studio en 52 et enregistre Why Do You Waste My Time ? avec Tiny Grimes et son groupe dont il est pianiste-valet de chambre. Il se consacre au rhythm’n’blues en 53 et va connaître le succès avec des folies comme Alligator Wine, Feast Of The Mau Mau, Just Don’t Care, et le délirant I Put A Spell On You en 1956, devenu un classique dont il enregistra plusieurs versions et dont les reprises seront nombreuses : Alan Price, Nina Simone, Creedence Clearwater Revival, Brian Ferry

La réédition en 75 de son Constipation Blues, qu’il chanta en duo avec Serge Gainsbourg à la télé française, l’a relancé, comme sa première partie pour les Rolling Stones au Madison Square Garden en 81. On le voit, en 89, dans le film de Jim Jarmusch, Mystery train, et il entreprend une tournée avec les Fleshtones qui lui inspirera la formation de son dernier groupe, les Fuzztones. En 91, dans l’album Black Music For White People, il interprète deux compositions de Tom Waits qui s’intègrent parfaitement dans son œuvre.