En 1967, le guitariste Robert
Fripp répond à une petite annonce des frères Giles, Mike et Peter,
respectivement batteur et bassiste, qui recherchent un joueur de claviers. En
1968, le groupe Giles, Giles & Fripp est signé par Decca et enregistre
un album, The Cheerful Insanity of Giles, Giles and
Fripp. Peu après, Ian McDonald (claviers et instruments à
vent) se joint à eux.
In the Court of Crimson King |
Lizard |
Islands |
Larks’ tongues in aspic |
Red |
THRAK |
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1969 CD |
1969 CD |
1970 CD |
1973 CD |
1974 CD |
1995 CD |
En 1969, après
l'éviction de Peter Giles, remplacé par Greg Lake, Fripp,
McDonald, Lake & Giles forment King Crimson (une des appellations du
démon Belzébuth) avec le poète Peter Sinfield. Le groupe commence à
jouer au Royaume-Uni, donnant notamment plusieurs concerts au Marquee Club,
et enregistre son premier album, In the Court of
the Crimson King, entre deux concerts, album qui fera date dans
l'histoire de la musique rock, mélange de progressif, musique contemporaine et
jazz. Ils font leur première scène à Hyde Park en première partie des Rolling
Stones, lors de leur concert-hommage à Brian Jones. La formation
s'envole ensuite pour les États-Unis. À la fin de la tournée américaine,
McDonald et Giles quittent le groupe suivi peu de temps après par Greg Lake qui
rejoindra Keith Emerson pour fonder avec Carl Palmer le groupe Emerson,
Lake & Palmer.
En
1970, Fripp et Sinfield poursuivent l'aventure en studio avec divers musiciens
proches de Keith Tippett. Fripp avait demandé à ce dernier de rejoindre
la formation, mais Tippett décline poliment. Le groupe enregistre In the Wake of Poseidon (avec les frères Giles et
Lake), qui adopte une structure et un imaginaire proche de l'album précédent,
lui permettant de renforcer son succès. L'inventivité de Robert Fripp lui fait
changer une première fois de cap et l'album suivant, Lizard, plus mâtiné d'instruments à vent (cor, hautbois, trompette)
et à l'ambiance plus sombre, désarçonne une part importante de son public ; cet
album reste l'un des plus atypiques et des plus originaux de la formation.
En 1971, un nouveau
groupe pour la scène est enfin formé. Outre Fripp et Sinfield (qui utilise le
synthétiseur VCS3 pour créer des effets sonores), il est constitué de Boz
Burrell (basse et chant), Mel Collins (flûte, saxophone et claviers)
et Ian Wallace (batterie). Le groupe enregistre Islands, d'inspiration classique et précieuse,
avec une utilisation subtile du mellotron par Robert Fripp. Au cours de la
tournée, des tensions apparaissent et Sinfield est encouragé à quitter le
groupe. Les autres membres suivent à la fin de la tournée américaine (1972),
laissant Fripp seul à la barre. Un album live intitulé Earthbound, de piètre qualité sonore, sera tiré
de la tournée.
Fin
1972, Fripp crée un nouveau King Crimson avec John Wetton (basse et
chant), David Cross (violon et clavier), Bill Bruford (batterie)
et Jamie Muir (percussions). Ce dernier quitte rapidement le groupe,
avant l'enregistrement de l'album Larks' Tongues in
Aspic : même s’il participe à cet enregistrement, il n'apparaît plus
en concert avec le groupe. Ce disque, encore marqué par l'empreinte de Fripp en
qualité de compositeur, est un virage vers un durcissement de leur musique.
L'antinomie entre Lark's Tongue in Aspic I, au
climat hétéroclite et inquiétant qui ouvre le disque, et Lark's Tongue in Aspic II, un morceau ambitieux de
hard rock de 7 minutes qui le termine restera longtemps l'un des chevaux de
bataille du groupe sur scène. Ce dernier sera plagié par Pierre Bachelet et
Hervé Roy pour la musique du film Emmanuelle.
En 1973 paraît Starless and Bible Black, enregistré
partiellement en concert, notamment au Concertgebouw d'Amsterdam. Cette
oeuvre étrange est une parenthèse que l'on pourrait qualifier d'expérimentale
et bien dans l'air du temps. L'année suivante, le groupe se sépare de David
Cross et le trio Fripp, Wetton, Bruford enregistre Red,
un album sombre et désespéré, avec la participation d'anciens membres du groupe
(McDonald et Collins). Suite à cet enregistrement, Fripp décide de mettre un
terme à King Crimson, décrétant la fin des groupes dinosaures et se voulant
désormais « une petite cellule libre, mobile et intelligente ». L'année 1975
sera marquée par la sortie de USA, un enregistrement en concert de titres
marquants du Roi Cramoisi (Fripp, Cross, Wetton et Bruford).
A la fin des années
1970, Fripp décide de revenir sur la scène musicale. Après diverses collaborations,
il forme un groupe nommé Discipline avec Adrian Belew (guitare et
chant), Tony Levin (basse) et Bill Bruford. Suite à quelques
concerts le groupe change de nom et redevient King Crimson. Cette version sort
trois albums : Discipline (1981), Beat (1982) et Three
of a Perfect Pair (1984). Le plus original reste Discipline et les flamboyants chevauchements de
guitares entre Fripp et Belew. Dans le titre Elephant
Talk notamment, Belew fait sonner sa guitare comme le barrissement d'un
éléphant. Indiscipline dans le même ton,
est un fleuve de lave en fusion et sur l'étonnant Sheltering
Sky, Robert Fripp profite de sa GR-300 de Roland pour jouer avec des
sons de violons octaviés. Le morceau-titre de l'album illustre bien ces fameux
chevauchements/décalages de guitares soulignés par la rythmique puissante de
Bill Bruford ainsi que par les coups de basse de Tony Levin. Fin 1984, King
Crimson se remet en veilleuse.
Au début des années
1990, Fripp crée de nouvelles compositions qui lui semblent appropriées pour
une nouvelle version de King Crimson. Des problèmes judiciaires avec son
ancienne maison de disque E.G. repoussent à 1994 les premières répétitions du
nouveau groupe constitué sur la base d'un double trio : Robert Fripp
(guitare), Trey Gunn (stick ou « touch guitar »), Pat Mastelotto
(batterie et percussions) et Adrian Belew (guitare et chant), Tony
Levin (basse et Stick), Bill Bruford (batterie et percussions). En
1994 sort VROOOM, un mini-CD
promotionnel, immédiatement suivi de l'album THRAK.
Ce disque est à nouveau un virage ample et violent du groupe qui enfouit la
production des groupes métal du moment. La production de David Bottrill au
coeur du fameux studio RealWorld de Peter Gabriel y est pour
beaucoup. L’album n’est pas dépourvu d’humour, comme le montre Dinosaur, une
mélodie à la Beatles chantée par Belew, et révèle une musqiue très orchestrale,
polyrythmique, admirablement précise mais toujours surprenante. Deux ans plus
tard, après des sessions infructueuses, des sous-groupes nommés « ProjeKct »
constitués de 3 à 4 musiciens du double trio sont formés pour faire évoluer une
musique abstraite, mi-écrite, mi-improvisée. Bill Bruford quitte rapidement le
groupe et il apparaît de plus en plus difficile pour Tony Levin de continuer
l'aventure en raison de ses divers engagements, notamment avec Seal et Peter
Gabriel.
Le quatuor restant sort
en 2000 The ConstruKction of Light
d'inspiration inégale, puis en 2003 The Power to
Believe. Dans cette dernière étude, la formation s'est concentrée
sur les effets et les artifices engendrés par les « racks », pédaliers
raccordés aux instruments. Plus d'instrumentaux et la volonté affirmée encore
d'une architecture sonore à la fois sophistiquée et brutale. Pour le fond nous
restons dans le sillage de THRAK qui a
marqué une étape importante dans leur progression, teintée cependant d'un
sentiment ambigu de défaitisme, de désespoir. Fripp n'a décidément pas confiance
dans l'être humain. Nous entrons dans l'univers de l'homme schizoïde du XXIe
siècle, prophétisé par le premier disque In the
Court of the Crimson King. Il s'agit là d'une musique évocatrice
dont chaque accord est une « couleur » souvent ténébreuse et violemment
contrastée, pleine de fluorescences et de flashes aveuglants. Suite à la
tournée, Trey Gunn décide de quitter le groupe pour se consacrer
essentiellement à un projet multimédia nommé Quodia. Il est remplacé par
Tony Levin.
En 2005, le groupe entre
dans une nouvelle procédure de recherche et de développement. ProjeKct 6
(Adrian Belew à la batterie et Robert Fripp à la guitare) a déjà travaillé en
studio et est apparu en concert en 2006, notamment en première partie de Porcupine
Tree.