Mouvement Mods
Le phénomène des bandes
anglaises à forte identité musicale est né dans les années 1950 avec les Teddy
Boys, qui découvrent en 1955-56 le rock n'roll américain. Ils s'identifient
alors aux modèles américain du cinéma et de la musique tout en revendiquant leur
britannité (costume édouardien, Teddy diminutif d’Édouard). Leur sociabilité
s’exprime autour des juke-box qui diffusent la musique venant d’Amérique : le
rock and roll (Bill Haley et le phénomène Elvis Presley jusqu’à
son départ au service militaire en 1958). Un phénomène américain transitant par
l’Angleterre pour atteindre ensuite, avec un décalage, le continent européen. Fin
des années 50 les anciens Teddy Boys étaient tous mariés et pourvus
d'emploi, et avaient abandonné leurs anciennes occupations. Le service
militaire était aboli, l'économie venait d'entamer une croissance qui ne
s'arrêterait qu'une quinzaine d'années plus tard ; et les jeunes nés durant le
Baby Boom étaient arrivés à la période de l'adolescence.
Apparaissent les
premiers mods, abréviation de modernists pour qualifier à l'origine les
amateurs d'un style de jazz éponyme, par opposition aux trads. Les mods,
qui sont de jeunes urbains prolétaires, se caractérisent dès leur genèse par un
mode de vie festif, Way of Life, et hédoniste. Ils développent une
certaine obsession notamment pour leur apparence physique et vestimentaire,
ainsi que la musique et la danse. Les mods se déplacent notamment sur des Vespa
GS 160, Lambretta TV et SX 200 fortement accessoirisés, soit recouverts de
phares, de rétroviseurs, appelés stadiums, et de diverses pièces
chromées.
L'usage de drogue
à finalité récréative est fréquent et se compose essentiellement
d'amphé-tamines. La violence, même si elle ne prédomine pas dans ce mouvement
de jeunesse, n'est pas rare, voire fréquente. Elle sert à affirmer des logiques
de territorialité, la suprématie d'un groupe ou la défense contre des ennemis
potentiels qui ne manquent pas : rockers ruraux, rockabillies et en particulier
les Teds londoniens, fascistes et hommes de mains d'Oswald Mosley.Les
confrontations directes entre mods existent aussi, mais les conflits divers,
conjointement à une volonté d'atteindre l'excellence, se règlent le plus
souvent sur la piste de danse ou tout simplement en exhibant leurs dernières
acquisitions vestimentaires. L’objectif recherché, souvent inavoué, est d’être
identifié et reconnu par ses pairs comme un Face, meneur charismatique
reconnu pour son excellence qui, de par ses propositions vestimentaires,
musi-cales, etc. lance des modes et influe donc directement sur les aspects
visibles de la scène.
Les mods, dont le mode
de vie est une culture essentiellement festive, se retrouvent le soir en
semaine et chaque week-end dans des rallyes de scooters et dans des fêtes
organisées dans des clubs ou des pubs. Brighton figure en bonne place parmi les
destinations favorites et fut le théatre de nombreuses rixes avec les Rockers,
immortalisées dans le film Quadrophenia. Les Mods apportent une
attention particulière à leur coupe de cheveux. La célèbre French Line,
coupe aux cheveux courts, est suivie plus tard par le Back Comb et les cheveux
longs, puis très courts.
Ils sont le plus souvent
vêtus de chemises (Ben Sherman au col boutonné, ou sur mesure), de polos (Fred
Perry), de costumes sur mesure (Bespoke) de deux pièces, avec des vestes à
trois boutons, des revers fins, et une double fente postérieure, des pantalons
(pantalons droits, cigarette) de préférence taillés sur mesure, hipsters
(taille basse) ou flat fronted, cavalier cut ou straight bottom ou encore
Levi's 501 (qui pouvaient être endossés - la première fois - par leur
propriétaire dans son bain afin qu'ils soient portés près du corps). Enfin,
leur chaussures sont le plus souvent italiennes de créateurs, avec des modèles
tels que les Desert Boots (Clarks), Hush Puppies, Brogues et Loafers ; Parkas
US M 51 Fishtail (ou M 65) de l'armée Américaine portés lors des déplacements à
scooter (et exclusivement pour les plus hype d'entre eux), protégeant ainsi
leur costume des intempéries.
On peut remarquer que le style est un signe distinctif qui se compose de vêtements précis issus de plusieurs cultures : américaine avec le jazz et la soul, française avec les films de la nouvelle vague, italienne pour les créateurs et la fameuse dolce vita mais aussi anglaise avec une attirance toute particulière pour l'esthétique de l'Angleterre victorienne (les cols à jabot des Kinks notamment). Les vêtements sont la parfaite illustration de l'éclectisme mods qui vise à créer une symbiose de goûts divers qui se retrouvent dans la musique (ska, soul, freakbeat, nothern soul, british beat), les vêtements et le mode de vie. Le look est primordial et fort en signification puisqu'il illustre magistralement cette culture.
Plus qu'une activité
purement récréative, la danse est un des piliers fondateurs de ce mouvement.
Les mods la pratiquent fréquemment, ils sont souvent d'excellents danseurs et
inventent régulièrement de nouveaux pas ou reprennent et adaptent des
chorégraphies des chanteurs ou danseurs de Soul noirs Américains. La danse
reste d'expression libre chez les mods, elle est parfois le fruit de rivalités
et de concurrence acharnées. Elle est souvent pratiquée en solo aussi bien pour
les garçons que pour les filles. Plusieurs clips de groupes tel que les Who
(vidéo de I Can't Explain) ou les français des 5
Gentlemen, avec Cara-Lin, mettent en scène leurs danses effrénées, voire
fougueuses, expression de l'énergie du mouvement et plus généralement du buzz
des mid-sixties.
Si on parle de
danse, il est alors important de souligner l'importance des clubs, salles de
concerts et ballrooms où se réunissaient, et se réunissent toujours, les mods à
Londres comme partout ailleurs. Les clubs les plus connus à Londres sont
évidemment le Scene, le Flamingo (deux clubs qui furent l'essence de la culture
mods d'avant 65) ou le Marquee (connu pour ses concerts notamment des Small
Faces mais aussi de groupes hors de ce mouvement tels que les Rolling
Stones). D'autres clubs et surtout ceux situés au nord de l'Angleterre sont
à distinguer, tel le Twisted Wheel Club à Manchester (par ailleurs, ces
clubs sont aussi connus pour avoir donné naissance à un style musical à la fin
des sixties : la Northern Soul). A Paris, les clubs historiques sont La
Locomotive ou le Palladium (nom d'une chanson de Liz Brady) par
exemple.
Outre une passion
dévorante pour le style vestimentaire si particulier et recherché (inspiré,
entre autres, par la mode Européenne contemporaine - France, Italie,...), les
Mods trouvent leur quintessence dans leurs goûts musicaux prononcés mais très
éclectiques. Collectionneurs avides de vinyles de Blues, de Soul et de R'n'B,
qu'ils distillent dans des clubs ou des ball-rooms, ils ne négligent pas pour
autant la musique live.
Leurs groupes cultes sont The Who, The Small
Faces, The Kinks, The Creation, The Action, The
Artwoods, Hipster Image, Georgie Fame and the Blue Flames, The
Birds, The Eyes, Fleur de Lys, etc. Ils
aiment aussi la Southern Soul, la Tamla Motown, Stax, le Jazz, le R'n'B, le
British Beat et la musique jamaïquaine (Jamaican Jazz, Ska, Reggae,
Rocksteady). De nombreux mods attachaient une importance prépondérante à la
musique noire et écoutaient, à l'aube de ce mouvement, relativement peu
d'artistes blancs. De même, certains groupes mods ou apparentés reprenaient
quasiment exclusivement le répertoire d'artistes afro-américains. Il s'agit du
premier mouvement de jeunesse multiculturel, avec notamment des Mods noirs,
originaires pour la plupart de la Jamaïque. Mais, dès 1966, le mouvement perd
de son ampleur surtout dans le sud de l'Angleterre, et les jeunes Britanniques
rejoignent en masse le Psychédélisme et deviennent des hippies fortement
influencés par les Acides, le Flower Power et Le Summer of Love qui sonnent le
glas du modernisme comme mouvement de masse.
Les Mods n'ont que très
peu d'impact en France, contrée qui passe directement de la très mauvaise copie
de rock US 50's et du Yéyé au rock progressif, passant quasiment complètement à
côté du British R'n'B, de la Blue Eyed Soul et de leur indéniable richesse
musicale. Seules quelques petites bandes ou groupes de Mods firent leur
apparition en France de 1965 à 1967, sur Paris et sa banlieue, ainsi que sur la
Côte d'Azur.
La «
contre-réaction » au mouvement hippie se concrétise par une radicalisation des
(Hard) Mods qui au contact (musical et vestimentaire, entre autres) des rude
boys Jamaïquains évolueront pour devenir des Skinheads, plus orientés vers la
musique Jamaïquaine et la Soul, toujours très liés au scooterisme et qui
adoptent un style vestimentaire très recherché même s'il est moins varié dans
son étendue.
Si vers 1967 - 68, les
Mods comme mouvement de masse Anglais, tend à s'estomper pour quasiment
disparaître, ils continuent à être présents dans le nord de l'Angleterre avec
des micro-scènes locales, faibles en nombre mais très dedicated. Le mouvement
se recentre dans le courant des années 1970 sur la northern soul (notamment
avec la célèbre discothèque Mod le Twisted Wheel de Manchester qui deviendra un
des phares de la très dynamique scène Northern soul) et le scooterisme plus ou
moins organisé avec la création de scooter clubs.
En 1978 et 1979,
notamment avec le film culte Quadrophenia et une scène musicale qui
explose avec des groupes tels que The Jam, Secret Affair, Merton
Parkas, Lambrettas, Small Hours (dont le public fidèle compte
de nombreux leaders de firms hooligans), The Directions ou The
Killermeters, la sortie des scooters Vespa PX125 et 200E qui cohabiteront
avec des « 50 Special » suraccessoirisés et l'importation de Lambretta
fabriquées en Inde pour le GP 200 (API, et SIL à Lucknow) ou en Espagne pour le
Jet 200 Serveta, le mouvement moderniste connaît un Revival qui se répand dans
toute l’Angleterre et dans une moindre mesure aux États-Unis et en Europe.
En France, à Caen, Britz Notre Dame & les Lords,
avec leur public caennais et parisien, issus des classes ouvrières et des
petites classes moyennes, trés provocateurs et n'hésitant pas à s'affronter
avec leurs ennemis potentiels, ouvrent la marche en France dès la fin de 1978
et le début de 1979. Par la suite, le tout premier point de rendez-vous Mod
Parisien se trouvait au magasin friperie "Scooter" à Étienne Marcel
dans les Halles à Paris, où l'on pouvait acheter des disques et des vêtements
des années 1960 et ceux du revival. Déjà se croisaient dans cette échoppe
l'avant garde des Mods Français. Le Jet club phare de la scène de 1980 se situa
par la suite rue des Archives dans le 4e arrondissement. Plus tard, et faisant
suite aux Crystal Dancers (issus du Jet club), au Bell Boys Club, aux Speedy
Arrows, le Vespa Club, ce furent les Mods de Gambetta (dans le XXe) à Paris, et
ce pendant une dizaine d'années avec des Mod Societies (M.S) et des scooters
clubs (A.M.S.C - "All Mod") divers tels que les Templiers, les City
Gents , les Royal Dandies, le Paname S.C... qui animèrent principalement la
scène hexagonale.
Certains « irréductibles
indépendants » et non moins présents sur cette scène revival, se distinguèrent
nettement de ceux qui étaient attirés uniquement par le scooterisme (et qui
devinrent pour certains les premiers scooterboys). Ils préféreraient la
dénomination de Dandy & Modernistes,et ce dès 1978, puis furent appelés par
la suite Stylists (pour se démarquer des Mods "commerciaux" ou
Plastics). Quelques uns d'entre eux organisent des 60's parties dans des clubs
ou des bars à Paris très régulièrement.
Hormis Perpignan,
d'autres villes eurent des scènes (avec des groupes de musique parfois) qui
durèrent au-delà du seul mod revival de 1979 à 1984, avec notamment pour les
plus dynamiques Avignon, Lyon, Sète, ainsi que La Rochelle/Saintes, ou
Rambouillet.
La scène scootériste
issue de ce Revival existe toujours (qui évoluera dès le début des 80's vers le
scootérisme avec les « Scooterboys », fans de runs, d'engins customisés et
tunés, et amateurs de northern soul), et les Mods, bien que discrets mais
fortement organisés, sont toujours présents en Grande-Bretagne et même partout
dans le monde.
En 2007, la scène mod
est très active dans presque tous les pays européens (avec des fortunes et des
effectifs divers). Les rallyes scootéristes sur les plages anglaises des
stations balnéaires sont aujourd'hui remplacés par des week-ends dans les
principales villes européennes. Ainsi des week-ends sont organisés à Leeds,
Aix-La-Chapelle, Venise, Madrid, Anvers, Londres, Manchester, Barcelone,
Glasgow