The Moody Blues

 

La carrière des Moody Blues a connu deux phases. La première, courte, avec Denny Laine (futur membre influent des Wings). La seconde, plus longue et plus fructueuse, avec Justin Hayward. C'est cette deuxième période, marquée par le style "Art-Rock", qui rendra le groupe extrêmement populaire dans le monde entier. Ses albums connaîtront une vente massive. Son hit le plus célèbre et le plus aimé en France est bien-sûr Nights ln White Satin, toujours fredonné de nos jours.

 

Days of future passed

In search of the lost chord

To our children's children

On the threshold of a dream

A question of balance

Every good boy

1967                                   CD

1968                                     LP

1969                                    CD

1969                                    CD

1970                                     LP

1971                                      LP

 

 

Au départ, à Birmingham, en 1963, le chanteur-guitariste­-harmoniciste Denny Laine forme les Moody Blues avec le chanteur - flûtiste- harmoniciste Ray Thomas, le pianiste-claviers Mike Pinder, le bassiste Clint Warwick et le batteur Graeme Edge. Comme tant d'autres formations de cette période, les Moody Blues démarrent leur carrière dans les clubs londonniens, notamment le fameux Marquee. Ils décrochent un contrat chez Decca et se font produire par Denny Cordell. Le style choisi est le Rythm'n'Blues. Le 1 er single, Loose your money, passe inaperçu.

 

Le groupe passe à la célèbre émission de télévision Ready Steady Go et décroche le Top 1 anglais avec son 2ème single Go Now (n° 1 GB en décembre 64 puis n° 10 US en avril 65, sur le label London). Initialement chantée par Bessie Banks, Go Now est écrite par le tandem Larry Banks/Milton Bennett.

 

Les trois singles suivants se classent aussi au chart anglais durant 1965 mais dans de faibles positions: l Don't Want To Go On Without You (n° 33 en mars), From The Bottom Of My Heart (n° 22 en juin), Everyday

 

 

Denny Laine et Clint Warwick, déçus, quittent le groupe et se font remplacer par le guitariste Justin Hayward et le bassiste John Lodge. Les singles Boulevard De La Madeleine, Life's Not Life, Fly Me High ne sont toutefois pas des hits. En 1967, les Moody Blues décident d'opérer un vrai changement de direction musicale. Démarre alors la 2ème période de leur carrière, marquée par un style auquel la presse donnera diverses appellations : Art-Rock, Classical­Rock, Symphonie-Rock, avec des paroles "poétiques et profondes"... Et ce, sur le label Deram, avec Tony Clarke, comme producteur.

 

Le groupe, enrichi des influences  folk de Justin Hayward va chercher une voie nouvelle en travaillant notamment les harmonies vocales et décider d'acquérir un étrange instrument qui deviendra l'une des marques de fabrique du rock progressif de la décennie suivante : le mellotron, curieux animal à bandes magnétiques permettant, chose alors inouïe parce qu'inédite, de recréer simultanément plusieurs sons d'instruments à partir de touches de clavier (les Moody Blues finiront par dénicher leur premier Mellotron... au sein du comité d'entreprise Dunlop, où personne ne savait naturellement s'en servir...)

 

Deram, jeune filiale de la maison de disques Decca, sollicite alors le groupe pour lui proposer une idée à la fantaisie toute psychédélique : adapter en version rock la Symphonie du nouveau monde de Dvorak, le tout avec le renfort d'un véritable orchestre symphonique. En fait Decca voulait étendre à la musique pop un nouveau procédé d'enregistrement stéréophonique (Deramic sound system) qu'il avait déjà bien rôdé pour la musique classique : le "Dvorak" à la sauce Moody Blues devait donc lui fournir l'occasion idéale de réaliser un disque "pop & classique" de démonstration, lequel serait vendu à prix réduit. Les Moody Blues acceptèrent, mais à une condition : pas question de s'encombrer de l'oeuvre de Dvorak, la matière musicale du futur album serait fournie par les dernières compositions.

 

Et c'est ainsi, en cinq jours de studio, que naquit Days Of Future Passed , premier album concept de l'histoire, exploitant le parallèle entre les différents moments d'une journée et les étapes de la vie. Pour la première fois aussi, le rock se mélait à la musique classique, même si les noces annoncées devaient plutôt se révéler n'être qu'une chaste cohabitation.

Car le London Festival Orchestra - un orchestre "maison" façonné par Decca et dirigé par Peter knight - allait en réalité se contenter d'assurer les introductions, ponts musicaux et conclusions, reprenant les thèmes des compositions des Moody Blues sans vraiment s'intégrer aux morceaux proprement dits, à quelques discrètes exceptions près (The sun set, Nights in white satin).                       

 

A l'examen, cette séparation quasi-totale des deux entités musicales, si elle illustre les limites de l'ambition du projet, sauve aussi l'album du ratage total. Car difficile de ne pas sourire aujourd'hui à l'écoute de ces arrangements "classiques" renvoyant plutôt à l'atmosphère rose-bonbon des musiques de films américains des années 50 qu'au souffle épique des grands compositeurs.

 

En revanche, les huit chansons des Moody Blues, du coup épargnées par la mer de sucrerie les entourant, ont remarquablement traversé l'épreuve du temps, Mike Pender, Ray Thomas, John Lodge et Justin Hayward rivalisant d'inspiration, chacun y allant de deux compositions. La mélancolie de Dawn is a feeling ou les arpèges tranquilles introduisant (Evening) Time to get away, exhalent ce parfum de merveilleux que saura transcender King Crimson deux ans plus tard sur son premier disque. Les harmonies vocales de Twilight time, petit chef-d'oeuvre à la tendre acidité, constitue l'un des sommets  d'un album dont la conclusion, le romantique Nights in white satin, devait fournir au groupe le plus gros succès de son histoire... et à la pop music un hit intemporel. Mais surtout, en tissant une oeuvre toute tournée vers la rêverie, gorgée de romantisme et de Mellotron, empreinte d'une dimension symphonique jusqu'alors jamais entendue dans le domaine du rock, les Moody Blues viennent d'esquisser les contours d'un genre nouveau : à défaut d'être encore né, le rock progressif vient du moins d'être conçu...

 

La formation va alors se concentrer sur les albums, toujours en compagnie de Peter Knight et l'usage fréquent du mellotron (joué par Mike Pinder), lequel donne une "touche", une griffe spécifique Moody Blues. Les fans apprécient et suivent: ln Search Of The Lost Chord (contenant l'inoubliable montée en puissance de Legend of a mind, morceau écrit en hommage à Timothy Leary, le pae du LSD) est n° 5 en août 1968.

 

On The Threshold Of A Dream est carrément n° 1 en mai 1969.

 

Durant l'année 1969, les Moody Blues font comme les Beatles : ils fondent leur propre label, nommé Threshold. Pour l'occasion, le président de Decca, Sir Edward Lewis,  offre gracieusement le vieux "number one" studio de sa firme, à sa charge pour les musiciens de le rénover eux-mêmes. Ce dont ils s'acquiteront parfaitement en étant les premiers à s'adjuder en Europe la technologie de la compagnie américaine Westlake, leur permettant d'inaugurer des techniques d'enregistrement alors pionnières. L'album précédent se voulait une invitation à un rêve sans fin, To Our Children's Children's Children, premier album sur ce label, déploie à nouveau un concept fidèle à la très naïve démarche mystique des Moody Blues : un voyage dans l'espace, lequel débute naturellement par le son assourdissant d'une fusée au décollage.

 

Pour la petite histoire, la NASA avait confié au groupe la bande-son d'un véritable décollage spatial; mais peu satisfaits du résultat, les musiciens avaient finalement décidé de produire eux-mêmes, à base de Mellotron et autres tripatouillages techniques, le bruit de "leur" fusée, au final plus vrai que nature. En fait, ce voyage dans l'espace se veut un hommage anticipé au premier pas de l'homme sur la lune (l'album fut enregistré quelques semaines avant la promenade lunaire de Neil Amstrong). Et les Moody Blues imaginent que le disque, oublié sous une pierre pendant un siècle ou deux, serait lors de sa redécouverte par les générations futures une sorte de photographie sonore de l'humanité, du temps où elle s'apprétait pour la première fois à découvrir d'autres planètes... D'où le titre, à nos arrières petits enfants.

 

Reste qu'au-delà de la candeur d'un tel concept, ce disque révèle donc le groupe au sommet de son art, maîtrisant parfaitement l'équilibre entre rêveries acoustiques ou orientalisantes (Sun is still shining) et poussées de fièvre rythmées (Higher and higher, dont la fougue s'extirpe du chaos sonore introduisant l'album, ou encore Gypsy, son riff obsédant et sa mélodie aérienne sur nuages de Mellotron...). Par cet étrange va-et-vient entre romantisme contemplatif et accélérations fougueuses, sans aucun temps mort, s'affine encore davantage l'estétisme baroque que s'apprètent à développer et à enrichir les grands groupes progressifs alors en gestation. L'album se conclut sur la majestueuse et mélancolique respitation de Watching and waiting, anticipant certains morceaux romantiques du progrssif des seventies tel Afterglow de Genesis.

 

Le groupe démarre les seventies en force avec le superbe single Question (n° 2 GB en mai 1970 et n° 21 US). En août, il cartonne avec l'album A Question Of Balance (n° 1 GB). Chaque nouvel album est un événement pour les nombreux fans fidèles à travers le monde et c'est donc sans surprise que Every Good Boy Deserves Favour parvienne aussi au TOP 1 GB en août 1971. En mai 1972, le single lsn't Life Strange est n° 13 GE. Puis, fin 1972, le fameux Nights ln White Satin ressort et se classe n° 9 GB et n° 2 US. Au même moment, l'album Seventh Sojourn est n°5  GB. Le succès du groupe aux US. est aussi énorme. Ses concerts font salle comble partout.      

 

En 1974, Les divers membres du groupe marquent une pause pour entreprendre des activités en solo. L'album Octave (n° 6 en juin 1978 sur Decca) marque les retrouvailles. Puis le pianiste Mike Pinder s'en va, suivi par le producteur Tony Clarke. Le clavier suisse Patrick Moraz (ex - Yes) se joint au groupe qui attaque les années 80 en force avec l'album Long Distance Voyager (n° 7 en mai 1981). D'autres albums prouveront que les Moody Blues sont encore actifs: The Present (1983), The Other Side Of Life (1986), Sur La Mer (juin 1988). Toutefois, les Moddy Blues ne réussiront jamais plus à atteindre les sommets de leur période 1967/1971. Limités par leur manque de virtuosité instrumentale et plombés par une perte d'inspiration qui les conduira à s'engluer trop souvent dans la mièvrerie, ils ne seront dès lors plus jamais en mesure de rivaliser avec ces jeunes groupes qui, pourtant, s'engouffreront en bonne partie dans leur sillage.