Avec sa longue chevelure blonde, son aura d’ancien mannequin, sa voix basse et profonde, Nico reste comme une des grandes figures de l’underground new-yorkais des années 60. A la fin des années 50, poussée par sa mère, Christa Pavolsky (patronyme qu’elle change bientôt pour celui de Paffgen), entame une carrière de modèle international dans les plus grandes agences. Mais ce milieu, qu’elle trouve trop superficiel, la dégoûte. Elle voudrait être actrice et suit des cours à l’Actor’s Studio de Lee Strasberg à New York. Ses premiers pas au cinéma, elle les fera tout simplement avec Federico Fellini dans la Dolce Vita, en 1959, avant de décrocher quelques petits rôles. En 1964, elle est à Londres où elle enregistre son premier 45 tours, (I’m Not Sayin’) sous la houlette de Brian Jones. La même année, elle met au monde son unique enfant, Ari (dont le père serait Alain Delon). Installée ensuite à New York, elle s’intègre vite dans le petit monde de l’avant garde, où elle devient l’une des protégées d’Andy Warhol. Celui-ci lui offre le premier rôle dans son film vérité Chelsea Girl, avant de l’imposer, littéralement, comme chanteuse à son groupe fétiche, le mythique Velvet Underground.
La personnalité de Nico marque profondément le premier album, qui s’intitule d’ailleurs
The Velvet Underground & Nico (1967). Sa voix grave, sans émotion, donne un ton étrange aux chansons de Lou Reed et John Cale, notamment Femme Fatale, l’un des titres phares du disque. Mais les relations avec le reste de la formation ne tardent pas à s’envenimer. Nico reprend alors une carrière solo avec l’album Chelsea Girl (1967), référence au film d’Andy Warhol et au célèbre hôtel, haut lieu de la bohême new-yorkaise,qui comprend notamment trois compositions du jeune Jackson Browne, mais aussi des compositions de Lou Reed et John Cale. Même si cet album a un gros défaut encore accentué avec le recul du temps (ses arrangements, ses insupportables cordes, boursouflures encombrantes ramenant à une simple chanson pop des compositions formidables), il reste un bon disque car la voix est là, cette voix grave, profonde, surgissant du fin fond de la brume.Changement radical en 1968 pour l’album suivant,
The Marble Index, c’est John Cale l’arrangeur et le duo Nico/ Cale le seul maître à bord. Le dépuillement est total : Nico au chant et à l’harmonium, John Cale au violon plus un peu de guitare. Toutes les chansons sont signées Nico. Le disque est assez court, proposant seulement huit titres, dix sur le CD avec l’ajout de deux inédits, mais tout est dit, tout est là, celui qui entre dedans n’en sortira plus jamais. Ces histoires de vent, de glace et de princes hiératiques peuplent de sombres déserts, de vastes étendues, terres et mers de cauchemars, de solitude et de peurs ancestrales, effroi qui transparaît aussi dans les comptines enfantines comme celles que la chanteuse raconte au petit Ari, (Ari’s Song). La voix, pratiquement mise à nue, à la fois sensuelle et glaciale, hautaine et émouvante, atteint une forme de perfection, en dominant les sons torturés émis par l’harmonium et l’archet incisif de John Cale qui sait mieux que personne construire l’écrin pour mettre en valeur chanteurs et musiciens. Un disque rare, hors du temps, des courants, des modes, simplement à part, dans son propre univers, inclassable. Trop décalé, l’album n'eut qu’un modeste succès d’estime, mais il passe les outrages du temps sans aucune ride, immaculé comme le visage de Nico. Desertshore, trois ans plus tard, prolongera cette magie.En 1969, elle rencontre le cinéaste Philippe Garrel, avec qui elle vivra et tournera six films. En 1974, elle participe à une tournée en Angleterre avec Kevin Ayers, John Cale et Brian Eno, sous le nom collectif d’ACNE. Après la sortie de
The End (1974), Nico cesse d’enregistrer. Plongée dans la drogue et dans des querelles avec les maisons de disques, elle revient pourtant dans les années post-punk avec Drama Of Exile (1981), album comprenant une nouvelle version de la chanson du Velvet, ô combien annonciatrice, Waiting For The Man. Avec ce disque, Nico s’attire un public new wave qui apprécie l’ambiance sombre de ses morceaux. John Cale, l’ami fidèle, et Nico se retrouvent ensuite pour un ultime enregistrement de l’égérie underground, Camera Obscura, en 1985.Rongée par la drogue, malgré une cure de désintoxication, Nico achève à Ibiza son voyage au bout de la nuit, victime d’une hémorragie cérébrale, 18 juillet 1988.