?
(Question Mark) and The Mysterians
Ce groupe formé au centre du Michigan par des immigrés hispaniques
est entré dans la légende pour son tube unique de 1966, 96 Tears, au fort parfum tex-mex. Tous
les apprentis organistes de l’histoire du rock ont fait leurs débuts sur ces
deux accords assénés en croches à l’orgue Vox Continental, et 96 Tears, après Louie Louie, est le tour de chauffe préféré
de tout groupe de rock garage qui se respecte.
En anglais, point d’interrogation se dit question mark. C’est ce
qui donne l’idée à Rudy Martinez (peut-être aussi un pseudonyme) de
transformer son nom en "?", un signe de ponctuation qu’il convenait
de prononcer " Qestion Mark ", Mark étant bien entendu aussi un
prénom. Ce garçon qui aimait le mystère avait compris que le meilleur moyen de
ne pas passer inaperçu était de se déguiser. Il avait nommé son premier groupe XYZ
et, même lorsque son groupe suivant, les Mysterians, après deux ans de
concerts sans gloire, eut décroché avec 96 Tears le tube le plus inattendu de l’automne 1966, il n’ôta jamais ses
épaisses lunettes de soleil.
Les
Mysterians étaient tous des Chicanos qui avaient quitté leur Texas et leur Mexique
natals (ils étaient originaires de la région de Corpus Christi) pour les neiges
de Saginaw, au centre du Michigan. Après le départ du guitariste Larry
Borjas et du batteur Robert Martinez pour l’armée, remplacés par Bobby
Balderrama et Eddie Serrato, ils avaient enregistré 96 Tears pour un petit label de Flint (Michigan)
nommé Pa-Go-Go (premier pressage : 750 exemplaires) ; à l’origine la face B de leur premier simple Midnight Tour, 96 Tears
devint très vite l’un des titres chouchous des DJ de leur état d’adoption.
Cameo
en acheta les droits de distribution sur la recommandation de Neil Bogart,
futur patron de Casablanca, et en fit le tube monstrueux que l’on sait avec la
voix spasmodique de "?" annonçant à sa petite amie une vengeance
aussi terrible qu’improbable, chantant comme un adolescent qui, après avoir
entendu un disque de Them, se prend pour Van Morrison.
En
toute logique l’histoire de ? and The Mysterians aurait dû s’arrêter
là, comme celle des Castaways, du Chocolate Watch band et de ces
dizaines de one-hit-wonders qui firent tant pour la santé du premier punk-rock
américain des années 60. Mais non. Doués d’un sens inné de la publicité, les
Mysterians alignèrent un album en 1966, 96 Tears,
et trois autres 45 tours dans le Top 100 du Billboard, I
need somebody entrant même dans le Top 30 au mois de décembre 1966. Qui
plus est, la face B de ce succès, 8-Teen,
devint également un tube, mais cinq ans plus tard lorsque Alice Cooper
reprit la chanson sous le titre d’Eighteen. L’album
qui suivit en 1967 cette série de succès, Action,
fut une échec, et le groupe dériva de label en label (Capitol, Super et
Chicory) avant de se retrouver sans maison de disques en 1968. Ce qui n’empêcha
pas "?" de tenter régulièrement de relancer ses Mysterians, notamment
avec l’ide de Kim Fowley en 1978. En 1984, ceux-ci assuraient le
permière partie (du très provisoire) nouveau roi du style tex-mex, Joe "King"
Carrasco. Et chose à peine croyable, la formation du groupe n’a toujours pas
changé et continue d’écumer les club du Sud profond.