Patti Smith                                                                                                             Lyrics

Patricia Lee Smith est née à Chicago, le 30 décembre 1946, mais elle a grandi à Pitman, une petite ville située dans le sud du New Jersey. Son père, ancien danseur de claquettes, est employé de bureau dans une usine. Sa mère, qui a abandonné une carrière de chanteuse de jazz pour élever ses quatre enfants, est serveuse de restaurant. Dès son plus jeune âge, Patti lit beaucoup : la Bible, des poèmes et des magazines de science-fiction. Pour surmonter sa timidité, elle écrit et dessine dans un cahier qui ne la quitte jamais. Adolescente, elle se passionne pour le Tibet et pour les poètes français du dix-neuvième siècle, notamment Baudelaire et Rimbaud.

"J'ai toujours aimé la façon dont s'habillait Baudelaire. Je crois que le premier poète important dans ma vie a été Rimbaud. Je l'ai découvert à l'âge de quinze ou seize ans. Et son langage, que je ne comprenais pas toujours, même dans les traductions anglaises, m'a touchée. J'avais ressenti la même impression en entendant Little Richard pour la première fois. Ça m'a tout de suite parlé. Même chose la première fois où j'ai vu une toile de Jackson Pollock. Il y avait quelque chose de familier dans sa peinture et ça me faisait quelque chose. Je crois qu'il m'a influencée dans mon écriture plus que quiconque."

Patti Smith entreprend des études à l'université de Glassboro, mais elle les interrompt très vite, après avoir mis au monde une petite fille qu'elle donne à adopter. En 1967, elle part pour New York. Elle y rencontre le photographe d'avant-garde Robert Mapplethorpe avec qui elle s'installe. Depuis longtemps, Patti Smith a dans l'idée d'aller à Paris, la ville où les écrivains et les artistes qu'elle aime ont vécu. Patti nous parle de sa relation avec la France.

"Mes liens avec la France sont très forts, et cela pour plusieurs raisons. Je suis née dans une famille pauvre et je n'avais jamais voyagé. Mon rêve de petite fille, c'était d'aller en France, le pays de Jeanne d'Arc, d'Arthur Rimbaud, de Robert Bresson, de Cocteau, des grands peintres, un pays synonyme d'histoire, d'art, le pays de Jeanne Moreau. Ma famille se moquait de moi en disant que j'étais à moitié française, parce que tout ce que j'avais était français. J'aimais la mode, le style, la bonne humeur et l'architecture. Mon grand rêve était d'aller à Paris. J'ai beaucoup économisé et j'avais vingt ans quand je suis venue en Europe pour la première fois. Je suis venue à Paris en 1969 et pour moi, c'était quelque chose de marcher dans les mêmes rues qu'Edith Piaf, d'aller voir la tombe de Nerval et les œuvres de Brancusi. J'ai le même frisson chaque fois que j'y reviens. Je m'y sens bien, comme si c'était ma seconde demeure."

Patti Smith a fait le voyage avec sa sœur Linda. A Paris, elles font partie d'une troupe de théâtre de rue, et on peut également les voir faire la manche aux terrasses des cafés ou dans les couloirs du métro. Elles pousseront même jusqu'à Charleville, pour un pèlerinage sur la tombe d'Arthur Rimbaud. Bouleversée par un rêve où elle affirme avoir eu la prémonition de la mort de Brian Jones, Patti Smith rentre à New York. Avec Robert Mapplethorpe, elle s'installe au Chelsea Hotel, un des endroits cultes de l'underground new-yorkais à la fin des Sixties. Pour vivre, Patti est journaliste free-lance : elle signe des articles et des critiques pour les magazines Rolling Stone, Creem, et Crawdaddy. Mais surtout, elle écrit de la poésie. En 1971, elle publie un premier recueil de poèmes, Seventh Heaven. Ces poèmes, elle les présente dans le cadre des lectures hebdomadaires à la Saint Mark's Church, où elle rencontre un certain succès. Pour donner une dimension supplémentaire à ces lectures, elle se fait accompagner à la guitare par Lenny Kaye, un critique de rock qui est aussi compositeur et vendeur dans un magasin de disques. En 72 et 73, elle publie deux autres ouvrages : Kodak, puis Witt, qu'elle dédie à Arthur Rimbaud, à William Burroughs et à son ami Allen Lanier, du Blue Oyster Cult.

Patti Smith hésite encore à se lancer dans le rock. C'est grâce à Allen Lanier, le clavier du Blue Oyster Cult, qu'elle se décide à sauter le pas. Deux de ses textes sont mis en musqiue :  Baby ice dog et Career of evil, que l'on retrouvera respectivement sur les albums Tyranny and mutation et Secret treaties. Patti vient de faire ses débuts d'auteur, il lui reste à devenir chanteuse. Toujours en compagnie de Lenny Kaye, elle continue de donner des lectures poétiques qui se transforment petit à petit en concerts. En novembre 73, ils participent au festival Rock 'n' Rimbaud. Le pianiste Richard Sohl les rejoint au printemps 74. Le trio propose alors un étrange cocktail musical à mi-chemin entre le free-rock et le jazz, où les chansons originales se mêlent à de curieuses reprises qui servent de contrepoints et de transitions.

Le 5 juin 1974, Patti Smith et son groupe enregistrent un premier 45-tours, une reprise de Hey Joe dédiée à Patty Hearst, l'héritière du milliardaire américain enlevée par un groupe gauchiste. Soutenus financièrement par Robert Mapplethorpe, ils font distribuer leur disque par un label créé pour la circonstance, Mer Records, l'un des tout premiers labels indépendants dans l'histoire du rock. Ils embauchent alors un guitariste, Ivan Kral, un réfugié tchécoslovaque. Au printemps 75, ils se produisent pendant huit semaines au CBGB's, peaufinant leur projet et attirant l'attention de Clive Davis, qui leur propose un contrat avec le label qu'il vient de créer, Arista Records.

En juin 1975, le batteur Jay Dee Daugherty, qui est aussi le disc-jockey du CBGB's, rejoint le groupe de Patti Smith. Patti décide de faire produire son premier album par John Cale, une des figures légendaires du Velvet Underground. Horses parait en décembre 75. C'est la première manifestation de la nouvelle scène new-yorkaise et il fait l'effet d'une bombe, même en France, où il est couronné "meilleur disque pop-rock" par l'Académie du Disque Charles-Cros. Horses est un coup d'essai magistral qui annonce ce que l'on appellera successivement la "blank generation", le "punk" et la "new-wave". On y remarque entre autres une reprise de Gloria, que Van Morrison avait créé fin 64 avec le groupe Them. Patti Smith explique pourquoi elle avait choisi ce titre.

"Quand j'ai commencé, je disais des poèmes. C'était très basique, j'étais accompagnée par Lenny Kaye à la guitare et Richard Sohl au piano. Le plus souvent, ils jouaient trois accords sur lesquels je disais mes poèmes. Et quand notre spectacle s'est développé, nous avons commencé à y inclure des chansons très simples, qui n'avaient pas plus de trois accords. Et Gloria, qui est un grand classique du rock, est construit sur trois accords, c'est quelque chose de très simple. C'est tellement un classique que tout le monde l'a enregistré. A cette époque, tout le monde reprenait Gloria, mais c'était essentiellement des chanteurs. J'ai pensé qu'il était temps qu'une chanteuse reprenne ce titre à son tour. Mais je voulais que ce soit différent de tout ce qui avait été fait jusque-là, pas que ce soit simplement une version de plus."

Influencée autant par Bob Dylan, Jimi Hendrix, Jim Morrison et les Rolling Stones que par les écrits de William Burroughs et les poèmes d'Arthur Rimbaud, Patti Smith persiste et signe. Son deuxième album, Radio Ethiopa, paraît en novembre 76. Le titre générique est dédié à Rimbaud et au sculpteur roumain Constantin Brancusi. Le 23 janvier 77, la carrière de Patti s'arrête aussi brusquement qu'elle avait commencé. A Tampa, en Floride, où elle passe en première partie de Bob Seger, elle tombe de scène et se fracture deux vertèbres cervicales. Pendant six mois, elle doit porter une minerve et rester alitée. Elle met à profit ce repos forcé pour écrire un nouveau recueil de poèmes, Babel, tout en pensant déjà à un prochain album.

Patti Smith est de retour en mars 78 avec Easter, qui reste son plus gros succès commercial. Elle n'a pas oublié Rimbaud : le livret à l'intérieur du cd reproduit une photo du jeune Arthur et de son frère Frédéric en habits de communiants. Deux mois plus tard, le Patti Smith Group est confortablement installé dans les hit-parades des deux côtés de l'Atlantique. Ils sont N° 13 aux Etats-Unis et N°5 en Angleterre avec Because the night, un titre co-signé par Bruce Springsteen. Patti nous raconte comment est née cette chanson qui reste son seul tube, et même sa seule incursion sérieuse dans les hit-parades.

"A cette époque, Bruce n'enregistrait pas, pour des raisons de droit. J'étais en train d'enregistrer 'Easter' avec Jimmy Iovine, qui est un ami de Bruce. Il avait été son ingénieur du son. Bruce lui a donné une bande avec la musique et le titre 'Because the night'. Mais il n'y avait pas de texte, pas de paroles. Bruce l'avait donné à Jimmy en pensant que ça pourrait me plaire. Je ne l'ai pas écouté tout de suite, parce que je voulais écrire les chansons avec mon groupe. Mais j'avais eu un grave accident qui m'avait immobilisée assez longtemps et on était en retard dans l'écriture. Une nuit, j'étais à la maison, j'étais restée éveillée parce que j'attendais un coup de téléphone de mon futur mari, Fred Sonic Smith qui était à Detroit. Il devait m'appeler de Detroit. J'attendais donc son coup de fil et il n'appelait pas. J'attendais, j'attendais. La nuit avançait et je cherchais quelque chose à faire lorsque j'ai remarqué la bande qui était là.

Je me suis dit : 'Tiens, je vais écouter cette musique.' Je l'ai passée sur un petit magnétophone et il y avait cette musique, juste dans ma tonalité, une musique qui m'allait parfaitement, et je me suis dit que c'était une grande chanson. Et pendant que j'attendais toujours mon coup de fil, j'ai écrit les paroles en pensant à Fred. Et quand Fred a appelé, j'avais terminé le texte. Ça m'a pris la nuit entière. Mais j'ai su dès le départ que cette chanson aurait du succès."

Surfant sur la vague du succès de Because the night, le Patti Smith Group entame une imposante tournée américaine suivie d'une série de concerts triomphaux en Europe, notamment au Pavillon de Paris le 26 mars 1978. Puis, c'est l'enregistrement de Wave en avril 79, sous la direction de Todd Rundgren. Le clavier Richard Sohl a retrouvé sa place au sein du groupe. A côté de la reprise d'un titre des Byrds, So you want to be a rock'n'roll star, le succès sur cet album, c'est Frederick, un des titres que Patti a dédiés à l'homme de sa vie, son futur mari et homonyme, Fred "Sonic" Smith, l'ancien guitariste des légendaires MC 5. Dancing barefoot, Frederick et Because the night sont une sorte de trilogie pour Fred."

A ce point de sa carrière, juste après la sortie de son quatrième album, Patti Smith hésite. Elle est amoureuse, et pour se ménager un peu de temps, elle décide purement et simplement de tout arrêter. Elle donne un dernier concert le 10 septembre 79 à Florence, en Italie, et décide de couper totalement les ponts avec le business pour une durée indéterminée. Patti nous dit pourquoi elle a pris cette décision.

"Je l'ai fait pour deux raisons. D'abord, j'avais rencontré la personne avec qui j'avais envie de vivre et nous avions décidé tous les deux de faire une pause pour apprendre à véritablement nous connaître et puis aussi, nous voulions fonder une famille. Et puis, en tant qu'artiste, je sentais que j'avais besoin de temps pour évoluer, j'avais besoin de temps pour étudier, pour mieux connaître le monde. Parce qu'il me semblait que dans le rock and roll, j'avais atteint le but que je m'étais fixée au départ."

Patti Smith et Fred Smith se marient en mars 1980. Patti, qui vient de passer douze ans de sa vie à New York, en a assez. Elle déménage à Detroit et abandonne toute vie publique pour se consacrer exclusivement à sa famille. En 1982, elle donne naissance à un petit garçon, Jackson Frederick. Fred et Patti Smith se font oublier pendant six ans. Au cours de l'hiver 86, ils louent un appartement à New York et commencent à enregistrer de nouvelles chansons à la Hit Factory. 

Patti accouche alors d'une petite fille, Jesse Paris, et les sessions sont interrompues jusqu'à l'automne suivant. Finalement, l'album Dream of Life sort en juin 88, mettant fin de la part de Patti Smith à un silence discographique long de neuf années. People have the power, le titre phare de l'album, est devenu depuis une sorte d'hymne. En 2004, à l'occasion de l'élection présidentielle aux Etats-Unis, c'est avec cette chanson que Bruce Springsteen terminait les concerts du Vote for Change Tour. Patti en était alors très émue.

"J'avais écrit cette chanson dans les années 80 avec mon défunt mari, Fred Sonic Smith. Quand on l'a écrite, on espérait qu'un jour elle pourrait servir à quelqu'un pour rassembler des gens autour de quelque chose de positif. Ralph Nader l'a utilisée. Jesse Jackson lui aussi s'en est servi dans des manifestations contre l'invasion de l'Irak. Voir qu'on utilisait cette chanson pour appeler les gens à voter pour le changement, ça m'a touchée, parce que c'est exactement ce que Fred espérait. Nous n'avons pas écrit cette chanson pour nous, mais pour tous ceux qui voudraient l'utiliser pour une bonne cause. Et ça, c'est une bonne cause."

Après l'album Dream of life, Patti Smith ne remonte pas sur scène, mais elle continue d'écrire. Elle publie Woolgathering en 1992, puis, deux ans plus tard, Early work 1970-1979, un condensé de ses premiers poèmes.Au début des années 90, Patti est environnée par la mort. Après la disparition de Robert Mapplethorpe, c'est Richard Sohl, son pianiste, qui décède d'une crise cardiaque en juin 90. Le même mal emportera successivement son mari, Fred Smith, en novembre 94, et son jeune frère Todd, un mois plus tard.

"J'ai beaucoup souffert de la perte de gens que j'aimais. J'ai perdu mon frère, ma mère, mon père, mon mari, mon meilleur ami et mon pianiste. Mais tous ces gens, je les ai toujours dans mon cœur. J'ai une vie très riche, j'ai deux enfants formidables, j'ai des camarades, j'ai mon groupe et j'ai du travail. Et je suis en vie. Je suis quelqu'un qui apprécie foncièrement la vie et il faut passer une partie de cette vie sans ceux qu'on a perdus. Il faut se montrer fort et avoir la foi. Quand j'étais plus jeune, je croyais qu'Arthur Rimbaud était avec moi, alors que je ne l'ai jamais rencontré. Je crois sincèrement que ceux que j'aime sont avec moi."

En 1994, on peut retrouver une version de Rock 'n' roll nigger sur la bande originale du film d'Oliver Stone Natural Born Killers. Au cours de l'été suivant, Patti Smith, qui a retrouvé Lenny Kaye et Jay Dee Daugherty, reprend le chemin des studios pour enregistrer son sixième album. En juin 96, elle publie un nouveau recueil de poésie, The coral sea. Patti nous explique comment elle fait personnellement la distinction entre les poèmes et les textes qui deviendront des chansons.

"Lorsque j'écris de la poésie, je ne m'adresse à personne en particulier. J'écris parce que c'est en moi. La plupart de mes poèmes ne sont pas publiés: ça reste entre moi et Dieu ou entre moi et le cahier où j'écris. Mais quand il y a un sujet que je veux partager avec les gens, j'écris une chanson. Quand je pense qu'un sujet ou un sentiment est important et que j'ai envie de le faire partager directement avec le public, j'écris une chanson. Parce que les chansons sont un moyen de communication avec le plus grand nombre. La poésie, c'est parfois plus difficile, et le but, c'est quand même de communiquer."

Le 15 juin 96, Arista ressort simultanément les cinq premiers albums de Patti Smith, entièrement remastérisés, avec des titres en bonus, mais sous leurs pochettes originales. Produit par Malcolm Burn et Lenny Kaye, Gone Again paraît en juillet 96, toujours caractérisé par l'inimitable magie de la voix et des textes de Patti Smith. L’album est une méditation sur la vie et la mort, où sont évoquées les joies de l'existence et la place de l'Homme dans l'univers céleste. L'album s'adresse aussi aux jeunes en leur disant qu'il y a un moyen de survivre aux épreuves : chercher coûte que coûte le souffle et l'illumination. Sur ce nouvel album, Patti Smith retrouve d'anciens amis comme Tom Verlaine et John Cale. Elle nous en présente aussi de nouveaux, notamment Jeff Buckley, qui chante sur Beneath the southern cross. En avril, puis en août 1997, Patti Smith perd de nouveau successivement deux amis très proches, Allen Ginsberg et William Burroughs.

"J'ai eu la chance de les connaître de leur vivant et la chance qu'ils soient mes amis. William Burroughs était un très bon ami et je l'aimais beaucoup. Allen Ginsberg aussi était un grand ami, tout comme Gregory Corso. J'ai eu la chance, non seulement de bénéficier de leur influence, mais aussi de partager leur vie. Pour moi, je pense, certains des artistes que j'aime ont servi deux buts : d'abord l'amitié, parce qu'une personne comme moi a toujours été un peu asociale. J'ai toujours été, comme je le dis dans Rock and roll nigger, en dehors de la société. Je n'ai jamais réussi à faire partie d'un courant et dans mon propre pays, on me regarde un peu toujours comme la brebis égarée. Ces gens m'ont fait me sentir moins seule."

En novembre 1997, Patti Smith propose Peace and Noise, un nouvel album dense et austère, difficile à écouter d'une seule traite.
1959 évoque son soutien aux Bouddhistes tibétains. Dans le livret qui accompagne le disque, on peut d'ailleurs voir Patti et ses musiciens photographiés aux côtés du Dalaï Lama.

"J'ai eu la chance de rencontrer Sa Sainteté le Dalaï Lama. A l'école en 1959, j'avais douze ans, j'ai fait un devoir sur le Tibet. J'étais passionnée par ce pays et quand il a été envahi par la Chine, j'ai été choquée. Mon père avait combattu pendant la Seconde Guerre mondiale et avec mon âme d'enfant, je pensais que la guerre était finie. Je pensais : 'Papa a combattu dans cette grande guerre et maintenant, on va connaître un monde pacifique.' Et voir que le pays que j'aimais tant avait été annexé m'a bouleversée. Je me suis toujours intéressée à la situation du Tibet. Mon groupe et moi, nous avons collecté des fonds pour préserver la culture tibétaine, pour aider les moines dans leur vie de tous les jours. J'ai donc rencontré Sa Sainteté et c'est quelqu'un de très aimable, quelqu'un qui est drôle aussi. Il est de bon conseil pour nous tous. Et lui aussi, il insiste sur la protection de l'environnement. Lui aussi pense que c'est le grand sujet qui doit préoccuper les hommes."

En 1998, Patti publie son autobiographie, intitulée Patti Smith Complete : lyrics, reflections and notes for the future. Le 16 février 2000, elle est sur scène pour présenter son nouvel album, Gung Ho. La réalisation en a été confiée à Gil Norton, le producteur des Pixies, des Counting Crows et des Foo Fighters.

L’album a été enregistré avec les musiciens habituels de Patti : Lenny Kaye, Oliver Ray, Jay Dee Daugherty et Tony Shanahan, auxquels il faut ajouter deux invités de marque, le guitariste Tom Verlaine et Michael Stipe, le chanteur de R.E.M., qui figurent tous deux sur le premier single, Glitter in their eyes. Patti connaît bien Michael Stipe. En 1996, elle chantait avec R.E.M. sur le titre E-bow the letter, mais leur relation est antérieure.

"Michael est un grand ami. Après la mort de mon mari, fin 94, j'ai vécu une période difficile à tous points de vue : émotionnellement et financièrement. C'était très, très dur. J'avais mes deux enfants. Et Michael est venu me voir. Je ne le connaissais pas encore, je connaissais seulement sa musique. Je ne l'avais jamais rencontré et il est venu m'offrir son amitié et me proposer de l'aide. Depuis, nous sommes devenus des amis très proches. Nous avons chanté ensemble. C'est un très bon ami."

Figure emblématique de la scène alternative américaine, Patti Smith occupe une place importante dans l'histoire de la rock music, mais aussi dans la vie politico-sociale de son pays, même si elle minimise son rôle dans ce domaine.

"Je ne me considère pas comme une militante politique parce que je ne m'y connais pas assez et l'essentiel de mon énergie passe dans mon travail de création. Mais j'essaie constamment d'exprimer mon opinion, de protester contre ce qui va mal. Quotidiennement, je fais ce que je peux en tant que citoyenne. On peut militer à travers son comportement de tous les jours, par exemple en triant les déchets, en respectant l'environnement, en apprenant aux enfants ce respect de la nature et de son prochain. C'est comme ça que j'essaie d'être active politiquement."

En mars 2002, Patti Smith propose la double compilation Land (1975-2002). On y trouve notamment seize titres choisis par ses fans et qui sont extraits des huit albums qu'elle a enregistrés depuis ses débuts. Il y a aussi une reprise de When doves cry de Prince.  Ce best est-il un point final dans la carrière musicale de la chanteuse? On peut se poser la question. Car on peut lire dans le livret qui accompagne le disque cette phrase sibylline: "Je vous quitte sur ces quelques pensées fugitives. Adieu, les amis". Patti s'explique sur cette déclaration.

"Cet adieu, c'est parce que je venais de passer 27 ans sur mon ancien label. C'est Clive Davis qui m'avait signée en 1975 et c'était mon dernier disque pour Arista. Mon contrat était terminé et il n'a pas été renouvelé. D'où cet adieu. Je ne savais pas alors que quelqu'un d'autre me proposerait un contrat. J'ai donc pensé : 'Bon, si je n'enregistre plus jamais, au moins j'aurai déjà pu faire tout ça. Vraiment, à l'époque, je ne savais pas du tout quel serait mon avenir."

En avril 2004, Trampin’ est le premier album de Patti Smith qui paraît chez Sony-BMG. C'est un gros succès qui lui permet de retrouver pour la première fois depuis longtemps les classements du Billboard. Il rappelle aussi qu'elle est une artiste américaine de tout premier plan, au même titre que Bob Dylan, Bruce Springsteen et Lou Reed. Sur le titre générique, Trampin', c'est sa fille Jesse qui joue du piano.

"Mon fils joue de la guitare et ma fille du piano. Ils sont tous deux autodidactes. Leur père était un grand musicien. Je crois qu'ils ont hérité de ce don. Ma fille s'intéresse également beaucoup à l'environnement. Je pense qu'elle va prendre des cours de piano, elle aime beaucoup le jazz, mais un de ses objectifs, c'est de travailler dans l'environnement et pour la protection de la nature."

Le 24 juillet 2004, Patti Smith participe au Festival des Vieilles Charrues à Carhaix. Son concert est enregistré pour un album live qui paraît dès le mois de novembre. Le 10 juillet 2005, le ministre de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, lui remet les insignes de Commandeur des Arts et Lettres, rappelant au passage que la chanteuse est aussi une grande admiratrice de Rimbaud. Patti a d'ailleurs occupé pendant quelque temps un petit bureau mis à sa disposition au Ministère de la Culture, où elle a pu se concentrer sur l'écriture d'un ouvrage consacré à son ami l'artiste d'avant-garde et photographe Robert Mapplethorpe. Patti Smith ne parle pas français. Quand on connaît l'amour qu'elle porte à la France, on peut s'en étonner. Patti le regrette et s'en explique.

"Je ne suis pas bonne en langues. J'avais pris l'option français à l'école, mais j'ai échoué. Je suis très mauvaise en grammaire et je n'ai pas l'oreille pour les langues. Je ne sais parler aucune langue étrangère et je ne sais pas pourquoi. C'est comme les mathématiques. Je suis mauvaise en maths, mais j'aime ça. J'aime feuilleter des livres de géométrie, mais je ne sais pas résoudre une équation. Quand je regarde des films français, je ne lis pas les sous-titres, j'écoute simplement et je regarde. Pardon de ne pas parler le français. En tout cas, ce n'est pas parce que je ne aime pas cette langue."

Le 12 mars dernier, Patti Smith a été intronisée au Rock and Roll Hall of Fame. Pour l'occasion, elle a chanté Gimme shelter, qu'elle a présentée comme une "grande chanson antiguerre". On retrouve ce titre des Rolling Stones sur son nouvel album, Twelve, un disque de reprises auquel ont participé ses enfants, Jackson et Jesse. Patti y reprend également Bob Dylan et Jimi Hendrix, mais aussi Nirvana, Paul Simon, Neil Young, le Jefferson Airplane et, plus étonnant, Stevie Wonder, les Allman Brothers et Tears for Fears.

L'album qui paraît en 2007, Twelve, est l'aboutissement d'un projet auquel Patti Smith pensait depuis longtemps. Il ne comporte que des reprises, douze au total, empruntées au répertoire des plus grands : Jimi Hendrix, Bob Dylan, Paul Simon, Nirvana, les Doors, les Beatles, les Rolling Stones (avec Gimme Shelter) et Neil Young (dont elle reprend Helpless).

"Helpless est une superbe chanson. Je n'avais pas prévu de l'enregistrer. J'y ai repensé après avoir donné un concert de charité et chanté avec Neil Young. Ce fut une belle expérience et j'avais gardé ce titre en tête. Et puis j'ai entendu la version que K.D. Lang en a faite. C'est une grande chanteuse et je me suis dit que je ne pourrais jamais la chanter aussi bien qu'elle. Mais j'ai pensé que je pourrais la présenter plus simplement, différemment, d'une façon peut-être plus intime, et c'est ce que nous avons fait."