Un nom encore frais,
mais qui résonnera sans doute longtemps dans l'histoire du rock. Ses trois
membres originaux viennent de Brooklyn, et ont tissé la base fortement soul et
post rock du groupe. Tunde Adebimpe, chanteur à la voix exceptionelle,
capable de passer d'un chant de punk rockeur sous acides à de magnifiques
envolées soul en moins de temps qu'il n'en faut pour orthographier correctement
son nom. Kyp Malone, guitariste à la barbe de hippie, qui assure aussi
les choeurs éthérés de Tunde. Et David Sitek, producteur émérite qui
travaille aussi pour les Yeah Yeah Yeahs et amoureux farouche de la voix
humaine. Ces trois là se rencontrent à la NYU's Film School (une fac de
cinéma). Artistes touche-à-tout, ils pratiquent un peu de peinture, de
sculpture, mais leur coeur ira finalement à la musique.
Apparus en 2002 avec un EP autoproduit, OK
Calculator (en référence au OK Computer
de Radiohead), ils font suffisament sensation pour se faire signer sur
le label Touch and Go et enchaînent sur un autre EP, Young Liars (2003), un mini-album qui devait
servir à tester le nouveau matériel et quelques idées de chansons. Leur
première petite merveille de fusion, tissant quelque part entre le free jazz,
le post-rock, le gospel et la soul apparaît. Suffisament préparés, ils filent
en studio et en sortent en 2004 avec leur premier album Desperate Youth, Blood Thirsty Babes, un recueil
de beauté pop, aussi direct qu'éclectique, qui assure leur notoriété. Ils
partent en tournée et recueillent les lauriers pour leurs prestations farouches
et survoltées où s'invite la beat box humaine, tranchées de climats trip hop
apaisants.
En
2005, le groupe assure les premières parties de Nine Inch Nails durant
la tournée With Teeth et lance un EP intitulé New Health Rock. Au mois de septembre, ils enregistrent la
pièce Dry Drunk Emperor, inspirée par les
ravages de l'Ouragan Katrina, charge indirecte contre le Président George W.
Bush. La chanson sera offerte sur internet, comme un message d'encouragement
venu de New York pour celles et ceux touchés par la catastrophe.
En 2006, ils reviennent avec Return to Cookie
Mountain, un album encore plus peaufiné, et aux pointes encore plus
acérées sous les nuages de guitares orageuses, avec un vrai batteur à la place
de la boîte à rythme qui, on s'en rend désormais compte, limitait le potentiel
du premier album. Ce nouvel album repousse bel et bien les limites de
l'expérimentation. Ici tout n'est que défi et retournement de valeurs.
De l'intro gospel de I was a Lover immédiatement
noyée sous les vagues de guitares saturées, en passant par la furie épileptique
de Playhouses et Wolf Like Me - certainement
les deux plus puissants morceaux de l'album - porté par la voix magnifique
d'Adebimpe (accompagné de la chanteuse de Celebration sur Wolf
like me") et les guitares brumeuses de Malone, sans oublier la
touche de mélancolie soigneusement imbriqué dans des breaks toujours
fracassants. C'est un chef d'oeuvre. David Bowie, fan du groupe et
référence absolue de David Sitek, en vient même à poser sa voix sur la
troisième piste du disque, Province. L'album s'imposera
sans doute comme une pierre angulaire du post rock, voire du rock tout court.
Les concerts qui suivent sont véritablements extatiques, le groupe maîtrisant
ses ambiances et ses compositions sur le bout des doigts, et s'offrant le luxe
de les manipuler avec grâce.