Alors qu'ils venaient de tomber d'accord
pour effectuer une toumée des stades américains à guichets fermés, les trois
membres survivants des Who se trouvèrent confrontés à des malheurs totalement
inédits. Dans un premier temps, Pete Townshend est publiquement accusé
d'homosexualité par le magazine Rolling Stone qui publie des révélations
d'un ancien manager des Ramones, Danny Fields, qui affirme noir sur
blanc dans une longue interview avoir été l'amant de Townshend durant la fin
des années 60. Quelques jours seulement après cette publication, John
Entwistle fête le démarrage de la toumée avec deux prostituées et un paquet
de cocaïne: crise cardiaque. Devenu un duo, les Who originaux localisent un
bassiste de séances, Pino Palladino, pour donner quand même les concerts
américains.
La tournée
tenninée, Townshend ne rentre à Londres que pour se retrouver à son tour à la
une des tabloïds anglais début décembre. Ses
nom et numéros de cartes de crédit s'étaient retrouvés malencontreusement sur une liste communiquée par le FRI
d'individus ayant payé pour télécharger des images d'enfants violés disponibles
sur le Net. "Je crois que dorénavant, ma vie est foutue" , murmure un
Townshend au visage gris cendre alors que la police l'arrête pour l'interroger.
Le guitariste risquait jusqu'à cinq ans de prison ferme, il s'en tire avec un
avertissement. "En sortant du commissariat je me disais: voilà, c'est fini, fini ! Sauf que j'avais
été désigné comme un prédateur sexuel."
Résultat, à cause de ce téléchargement
"unique, idiot, irraisonné", le nom de Townshend restera cinq ans sur
les listes internationales de "maniaques sexuels". "Je ne suis
pas un pédophile, a déclaré Townshend il y a un mois dans l'Observer.
Sexuellement les enfants ne m'attirent pas... C'est une certitude pour moi...
Et je l'affirmerai devant Dieu, mon seul juge." Puis il se met à parler de
manière totalement obsessionnelle de son enfance.
Et soudain, le lecteur découvre une vision
unique de ce qui a rendu les Who tellement cataclysmiques au départ. A ses
débuts, le groupe rassemblait quatre jeunes hommes enragés par la misère de
leur condition. Les deux parents de Townshend étaient des musiciens. Leur
travail les emmenant au loin, l'enfant était laissé à la garde d'une grand-mère
démente qui se livrait à des expériences sadiques sur le gamin. "Elle
était violente, couchait avec n'importe qui, et totalement dingo, confirme
Townshend, elle invitait des hommes à la maison et ne fermait même pas la porte
de sa chambre... sans doute ai-je vu des choses ou fait partie de jeux dont je
ne garde aucun souvenir..." Teenager, le futur créateur de Tommy devient un immense échalas névrosé. Une situation intenable, d'autant que son
visage en lame de couteau s'orne d'un énorme appendice nasal. "Ce putain
de tarin a été le grand problème de mon existence. Dès que mon père avait un
coup dans l'aile, il me blaguait là-dessus: "Tu sais fiston, t'iras loin,
en dépit de ton look." Des tas de
trucs comme ça... Il avait honte de moi, se souvenait Townshend dans une
interview de 1967. J'ai tout fait à cause de mon nez. J'ai appris à jouer de la
guitare à cause de mon nez. J'ai écrit des chansons à cause de mon nez. Et j'ai
commencé à faire le dingue total sur scène dans une manœuvre pathétique,
pensant distraire les gens de mon nez et les intéresser à mon corps. J'ai
transformé mon corps en machine. "
En 1961, Pete Towshend a seize ans.
Il quitte l'école pour entrer dans un Art College. Il a déjà jeté les bases
d'un premier groupe avec son pote d'école John Entwistle, adolescent
silencieux et sardonique, sorti d'une famille prolétaire mais développant déjà
d'extraordinaires talents de musicien. Entwistle travaillait dans une étude de
notaire cette année-là lorsqu'il croise un dingue de Sheperds Bush, un cogneur
de seize ans nommé Roger Daltrey. lssu d'une famille miséreuse, Daltrey
brûle d'envie d'en découdre pour améliorer sa situation. Quittant l'école
primaire, il travaille comme découpeur de plaques de tôle. Utilisant le
matériel de l'usine, il construit lui-même sa première guitare. Maintenant il
cherche un groupe pour tester son instrument. Ainsi commencent les Detours en
1962. Au début, juste Daltrey et Entwistle (plus un batteur). Rapidement, le
bassiste attire son pote Pete dans le groupe qui joue les hits du jour derrière
un chanteur à la Cliff Richard (Daltrey besognant sa guitare maison).
Par une
historique nuit, ils découvrent Johnny Kidd & The Pirates. Climax de
ce concert fulgurant, une version orgasmique et terrifiante de brutalité de Shakin' All Over. Dès lors leur musique va devenir
méchante, coléreuse, Daltrey abandonnant toutes les parties de guitare à
Townshend et empoignant le micro et la lumière de l'avant-scène, chanteur
enfin. Le groupe a beau changer son nom en Who, l'absence d'un grand
batteur se fait sentir. Ils vont trouver exactement ce qu'ils cherchent en la
personne d'un teenager angélique de seize ans nommé Keith Moon qui
auditionne lors d'un gig dans un pub de Sheperds Bush. Au grand étonnement de
Townshend et compagnie, le gamin avait soigneusement ficelé sa batterie entre
deux poteaux dans le pub. Dès le deuxième morceau, ils allaient comprendre
pourquoi: Moon attaquait ses peaux avec une telle sauvagerie que son kit aurait
volé dans le public s'il n'était pas solidement arrimé. D'un seul coup, la
quatrième dimension anarchique était en place. Keith Moon apporte énormément au
groupe. Jeune. Beau. Obsédé par les groupes surf. Mais surtout Moon développe
un style de batterie qui révolutionne le concept rythmique rock tel qu'on
l'enregistre alors.
Moon se déplace sur ses peaux à une vitesse
foudroyante. Il tape partout. Hurlant, grimaçant, déconnant, c'est un aimant
focal, un musicien novateur - et c'est encore un teenager. D'où lui venait ce
don remarquable pour la percussion? L'explication n'est pas facile. Gamin, il aurait
vénéré Gene Krupa. Souffrant d'un problème de concentration à l'école et
pourtant hyper-actif, il plaque tout dès quinze ans. A seize, il possède sa
première batterie et s'offre un costume de lamé doré qu'il porte partout, jour
et nuit. Un vieux pro nommé Carlo Little, rescapé du groupe de Screaming
Lord Sutch (The Savages) lui donne quelques leçons. Mais la plus
grande partie de son style pionnier et de sa technique inouïe lui vient de sa
propre imagination. Jouant sur une grosse caisse énorme, il cherche à sonner
comme un canonnier tout en fouettant caisse claire et charleston sans répit,
bouche ouverte, les yeux roulant d'un côté de la tête à l'autre.
Contorsions faciales augmentées par la
prise régulière de speed avant les concerts. Un premier fan raconte cette
anecdote: avant un concert, Moon lui demande du remontant. Le fan produit un
tube contenant 24 capsules de Purple Heart, sa réserve du mois. Le batteur
avale le tout d'un seul trait avant de monter sur scène, sans effet apparent. A
l'époque, Moon ne boit pas d'alcool. L'habitude lui viendra beaucoup plus tard,
et sera sa perte. Dès les débuts, les Who ont un son unique. Un autre fan les
compare au "boucan qu'aurait fait une poubelle d'aluminium coupée en deux
par une tronçonneuse". Mais il y a plus. Le secret ultime du son des Who
était bel et bien la manière unique dont Townshend extrayait de sa guitare des
riffs d'une violence absolue. Entre ces piles de son, Moon pouvait développer
un tourbillon percussif, comme si la batterie dirigeait le groupe. Daltrey
n'avait plus qu'à pousser des hurlements d'homme de Neandertal et Entwistle
tresser des guirlandes de basse sonnant comme des décharges électriques
galopant du haut en bas de la colonne vertébrale du public. Avant même leur
premier enregistrement, les Who étaient incontestablement le groupe à voir du
Royaume-Uni.
Pourtant, alors que 1964 approche, le
groupe a toujours un problème d'image. Peter Meaden, jeune homme intense, les
convainc même de changer leur nom en High Numbers, pour devenir le
groupe phare du jeune mouvement culte londonien, les Mods. Townshend se
sent des attaches fortes avec ce mouvement.
Plus tard, il se souviendra: "Pour être un Mod, il fallait avoir
les cheveux courts, un beau veston, de belles chaussures, de bonnes chemises.
Il fallait se gaver de pilules tout le temps pour danser comme un dingue.
C'était un incroyable /trucc de jeunesse, bien plus gros que les hippies. En
fait c'était une armée, une armée de teenagers agressifs."
Meaden contacte Brian
Jones, qui est un des premiers supporters du groupe. Il demande aux Rolling
Stones d'écrire un single pour les High Numbers, sans résultat. Du coup il
passe à l'acte et écrit une face A et une face B. Brièvement signés chez
Fontana, les High Numbers gravent l'm The Face/ Zoot
Suit, sans retrouver l'impact des concerts des Who. Comparativement à
ses futures performances extravagantes, Keith Moon sonne comme le prisonnier
d'une camisole de force derrière sa batterie. Le disque (habité, mais pas
génial) ne chartera pas. Peter Meaden s'en va, avec le nom qu'il avait trouvé.
Redevenu les Who, le groupe se retrouve courtisé par une paire de futurs
managers, sauf que ces deux-là semblent capables. Chris Stamp était le frère de
l'acteur culte Terence Stamp. Kit Lambert était pour sa part le fils d'un
compositeur classique reconnu, Constant Lambert. Si le premier est fier de ses
origines prolétaires, le second est tout à fait high class et totalement gay.
Toutefois, si Kit Lambert se jette dans le rock pour dénicher des garçons, il
ne fera aucune tentative en direction d'aucun membre du groupe. Jamais.
"Peut-être qu'on n'était pas à son goût", réfléchira plus tard
Townshend. Il n'empêche: Lambert
devient vite une influence énorme sur le pétulant jeune guitariste.
C'est Lambert qui pousse Pete à écrire ses
premières chansons un peu de la façon dont Andrew Loog Oldham poussa Jagger et
Richards à créer leur propre musique. La théorie était la même: un
groupe qui n'écrit pas son répertoire ne survivra pas. Encouragé par Lambert,
Townshend pond I Can't Explain (certes sous
l'influence du riff de You Really Got Me des Kinks).
Le morceau propose en un raccourci ravageur tout l'univers des Who:
frustration, menace droguée, gros rifts et batterie maniaque. Dès sa sortie en
1965, la légende est née. Pour un adolescent sixties scotché devant la télé,
l'apparition des Who dans la boîte noir et blanc sera une expérience
inoubliable. On peut presque revivre ces instants en regardant l'extrait des
Who en public au Festival de Blues & Jazz de Richmond (été 1965) sur le DVD
30 Years Of Maximum R&B, Townshend est dans une forme stupéfiante.
Il massacre sa guitare en effectuant de grands moulinets, plan qu'il a repiqué
à Keith Richards. L'extrait s'arrête quand Pete pulvérise sa guitare. Une
légende tenace prétend que la première guitare fut sacrifiée dans un accident:
Pete aurait cassé le manche contre le plafond trop bas de quelque club.
En décembre dernier, il racontait toutefois
une autre histoire à propos des guitares massacrées: "J'étais avec John
Entwistle. On avait douze ans, et on grattait nos guitares quand ma grand-mère
est entrée dans la pièce en hurlant: "Arrêtez-moi ce boucan infernal.' Je
l'ai regardée, j'ai ramassé mon ampli et je le lui ai balancé dessus. Elle
referma la porte... L'ampli est passé à travers la vitre, et elle est devenue
livide de terreur. D'un seul coup, elle a compris que j'étais devenu un homme
et qu'il ne fallait plus déconner avec moi. Oui, c'est la première fois que
j'ai cassé un truc et je me souviens avoir pensé: ma colère arrangera tout.
" Et c'est ce qui se passe: la colère de Townshend - et son ambition
créatrice -le poussent à écrire des chansons étemelles entre 1965 et 1967. On
pense à Anyway Anyhow Anywhere , My Generation, Substitute,
Pictures Of Uly et I
Can See For Miles, titres qui sortent des baffles comme un Ecossais
beurré démarre une rixe de pub. Mais cette rage est celle de Townshend seul.
Daltrey est consterné: le talent d'écriture du guitariste fait de lui le leader
du groupe, position tenue par le chanteur jusqu'au moment où les hits
s'accumulent. De son côté, Moon ne supporte pas Daltrey, sans doute parce qu'en
tant que chanteur, il attire naturellement l'attention du public, mais aussi
parce que si le batteur est trop défoncé et donne un concert chaotique, le
chanteur a pris l'habitude de lui administrer de sévères corrections.
En décembre 1965, avec My Generation au sommet des hit-parades et un premier
album tout frais dans les bacs, Townshend, Entwistle et Moon virent Daltrey et
commencent à auditionner de nouveaux chanteurs. Effet salutaire sur Daltrey qui
est réintégré, après avoir promis qu'il ne lèverait plus jamais la main sur les
autres membres du groupe. Dès lors les Who deviennent un commando musical
renforcé. My Generation, le premier
album du groupe était un festival, une centrale haute énergie à peine
camouflée, avec de superbes chansons et une attitude live en studio de
Townshend, Entwistle, Moon, Daltrey et du pianiste invité Nicky Hopkins.
Décemment réédité
en conditionnement double dans la série Deluxe Universal, ce disque est
sans doute le meilleur album que les Who ont jamais enregistré, sans doute
parce que les chansons de Townshend ne s'embarrassent pas de fioritures et
parce que le son du groupe est brutal, ridiculement vivant. Le disque est
produit par Shel Talmy, expatrié américain qui avait déjà produit You Really Got Me. Mais dès 1966 une méchante dispute
entre le producteur et Kit Lambert se termine devant les tribunaux. Désormais
Lambert devient producteur, il fonde Track Record pour les Who.
Clairement, dès lors, le son des Who, exsudant toujours une énergie torride,
sera de plus en plus raffiné, policé. Lambert enjôle Townshend, lui conseille
d'écrire des titres de plus en plus long, "des opéras rock" selon sa
propre expression.
Townshend est d'accord. Il commence par A Quick One
(While He's Away ), enregistré en 1967. Cheval de
bataille live obligatoire, ce fiasco de neuf minutes chrono marque les débuts
de la prise de conscience par Townshend du sérieux de sa musique. La prétention
n'est pas loin... D'autant que l'Eté de l'Amour n'a pas été exactement cela
pour Townshend. Après un show historique au Festival de Monterey Pop, Townshend
prend par mégarde du STP, ce qui garantit un trip hallucinatoire intense de
trois jours et trois nuits.
Littéralement démoli par l'expérience, le
guitariste se cherche immédiatement un gourou. Son guide spirituel sera Meher
Baba, un Indien dont les théories préconisent un esprit clair et une vie
tempérée afin d'atteindre l'autosatisfaction permanente. Townshend, qui vient
d'épouser sa copine d'enfance, Karen Astley, adopte cette philosophie et
commence à taquiner le concept d'un gamin sourd, aveugle et muet, violé dans son
enfance et qui finit ses jours en messie du rock.
"C'est le concept, déclare-t-il à
Rolling Stone, expliquant Tommy presque
douze mois avant sa sortie (été 1969): Nous voulons créer une musique qui vous
transforme en ce personnage, vous dise ce qu'il est, nous créons littéralement
ce gamin en jouant"
L'album final ne manquait ni d'ambition (il
était double) ni de chansons, au point qu'on avait un peu de mal à suivre
l'histoire, mais Townshend n'en avait cure. D'autant que le groupe noyait effectivement
tous les côtés prétentieux du guitariste en lui offrant une performance totale,
instrumentale et vocale, d'une efficacité unique. Sur des titres comme Pinball Wizard ou l'm Free,
Townshend démontre qu'il n'a rien perdu de son aptitude à cristalliser des
instantanés rock rapides, brillants et classiques. A l'arrivée,
"Tommy" l'opéra rock fera des Who des superstars internationales,
énormes en Amérique. A la fin des années 60, les Who sont millionnaires. C'est
alors que tout commence à s'écrouler.
Dans les années
70, les Who semblent se colleter un étrange et destructif Karma. Dès leurs
débuts en 1965, ils s'étaient présentés au monde avec un spectacle violent,
explosif, effronté. Personne n'était plus méchant que les Who. Mais dès la fin
des années 60, Pete Townshend va chercher autre chose, une nouvelle voie
spirituelle, mystique et cette recherche se retrouvera dans la musique de son
groupe. Townshend croyait dur comme fer que le rock avait le pouvoir de changer
le monde en unissant musiciens et public en une unité à la conscience
surélevée. Malheureusement, sur la route le rock se faisait promoteur de
comportements irresponsables, agressions juvéniles et superstars souffrant des
affreuses conséquences de leurs actes. C'est Jim Morrison qui avait
inspiré Tommy, ce Morrison qui, lors
d'un concert Who/ Doors en 1968, avait transformé les fans en meute agressive,
provoquant une émeute au cours de laquelle un fan avait été grièvement blessé.
Plus les seventies avançaient, plus Townshend cherche à composer l'ultime
collection de chansons, celles qui redéfiniront les potentiels utopiques du
rock. Les autres membres du groupe ne partagent pas ces envolées idéalistes. A
la vision rose claire de leur leader, Daltrey et Entwistle ne comprennent rien.
Le débat sur le rock comme force révolutionnaire n'agite pas les rangs. Et
Keith Moon vit une vie tellement intense et démente qu'il se préoccupe lui-même
fort peu des conséquences de ses actes, fussent-ils morrisonniens. En cinq ans,
le batteur révolutionnaire au visage d'angelot a incroyablement changé. Ses
yeux ont perdu leur lueur innocente. Son visage puis son corps portent les
traces d'une enflure toxique, résultat de cures forcenées d'alcool et de
pilules.
Désormais accro, la dépendance de Moon
signifiait qu'il se devait d'être le centre unique d'attention, quel que soit
le contexte social. L'exhibitionnisme de Keith Moon provoquerait d'énormes
souffrances à ses amis. Sa femme, Kim, ne pouvant plus contrôler le style de
vie dingue de son mari et ses sautes d'humeur violentes, le quitte. Leur fille,
Mandy, était devenue terrorisée par les imprévisibles crises de colère
paternelle lorsqu'il n'était pas en tournée. Depuis cinq années, le batteur
avait vécu une vie de rêve mais l'arrivée d'une nouvelle décennie le trouve à
la croisée des chemins, face à de graves ennuis. Le destin allait prendre sa
revanche sur le batteur plaisantin.
Le 4 janvier 1970, Moon, accompagné de sa
femme et de quelques potes du rockbiz, sort pour fêter l'ouverture d'une
discothèque. Il va se trouver attaqué par une horde de jeunes skinheads qui
n'ont cure de la célébrité du batteur et de son comportement flamboyant. A la
fin de la soirée, la Bentley de Moon était submergée par une meute de furieux
totalement déchaînés (skinheads en force). Lors d'une marche arrière, le
batteur écrasa accidentellement son garde du corps, un certain Neil Boland, qui
était resté dehors et fut sans doute jeté sous les roues du véhicule alors
qu'il tentait d'échapper à ses agresseurs. Le tribunal ne retint aucune charge
contre le batteur, mais la mort de son copain allait le marquer à tout jamais.
"Keith s'en voulait, se souvint John Entwistle. Il s'en voulait parce que
c'est lui qui a fait cette putain de connerie, c'est lui qui conduisait, il l'a
reconnu. " Dans son fameux livre de souvenirs de groupie, l'm With The
Band, Pamela des Barres se souvient de Moon "heureux quand il sombrait
dans l'inconscience. Toutes les nuits, baignant dans une sueur aigre, puant les
médicaments, il baragouinait qu'il avait écrasé son roadie, et qu'il cramerait
en enfer pour ça durant toute l'éternité. Il attendait l'heure, il attendait de
payer. "
Pourtant il ne changera strictement rien à
son style de vie. Avec les Who au sommet de leur forme créative et live,
pourquoi l'aurait-il envisagé? Mais les ennuis s'amoncellent à nouveau au
printemps 1971 lorsque le groupe s'exile à New Vork pour enregistrer au Record
Plant les morceaux du nouvel épique utopiste de Townshend,
"Lifehouse". Le co-manager Kit Lambert produit les séances jusqu'au
moment où Pete Townshend se rend compte que son mentor adoré est devenu
héroïnomane. "Il disparaissait tout le temps pour se shooter, écrira
Townshend dans les notes de la réédition CD de Who's
Next. Il devint vite clair que d'autres membres du groupe (notamment
Moon) étaient également des utilisateurs. Je noyais le choc dans le cognac,
descendant bouteille après bouteille, m'imaginant probablement que je montrais
une voie d'ascèse... " Les séances s'arrêtent brutalement quand Lambert et
Townshend se disputent violemment. Townshend: "J'ai eu une attaque
d'anxiété alcoolique de premier ordre. Nous étions au dixième étage et j'ai
commencé à reculer vers la fenêtre ouverte, avec l'intention claire et nette de
sauter. Anja (Butler, l'assistante de Lambert) me prit le bras, il est clair
pour moi qu'elle m'a sauvé la vie ce jour-là. "
A son chagrin éternel, le guitariste des
Who commence à se poser des questions sur le concept "Lifehouse"
jusqu'à ce que le reste du groupe le persuade d'abandonner la production à Glyn
Johns.
Dès lors Johns
rassemblera les neuf meilleures chansons du projet, sans se soucier de la
continuité historique et les réenregistre dans deux studios anglais. Le
résultat, Who's Next, devient vite
l'album mythique des Who, celui qui les caractérise à tout jamais. Pour
Townshend, un nouveau calvaire commence: comment expliquer que l'audience
gargantuesque du groupe ne parvienne pas à comprendre le sens de ses chansons?
Et quand Townshend évoque le grand "Teenage Wasteland" dans "Baba
a'Riley", est-ce sa vision personnelle de la culture pop, ou bien plutôt
la première marque de son dégoût pour les hordes qui suivent le groupe?
"Ils sont tous déchirés [" hurle Daltrey lors du climax de la
chanson. Le chanteur qui n'aimait pas trop les drogues aurait bien pu parler de
ses trois compères au moment où les mots sortaient de sa bouche. Townshend
noyait dans l'alcool son impossibilité à concilier ses aspirations initiales
avec sa vie de rock star. Derrière son comportement anonyme mystérieux,
Entwistle était la proie d'étranges rituels hédonistes. Et Keith Moon, pour
changer, trouvait de nouvelles manières de renforcer sa réputation de
bambocheur démoniaque.
Car en plus des pilules et de l'alcool,
Moon consomme désormais de la cocaïne en quaatité effarante. Son garde du
corps, Dougal Butler se souvient dans sa biographie du batteur, Dear Boy,
que lui et son patron pouvaient venir à bout de 2 000 dollars de coke en moins
de 24 heures. Dans son livre Living With The Dead, Rock Scully, le
manager de Grateful Dead, décrit une charmante soirée du début des
seventies. Lui et Jerry Garcia sont tranquillement installés devant leur télé à
l'hôtel Navarro, Central Park South, lorsqu'un bruit extérieur attire leur
attention.
Tirant les rideaux et ouvrant la fenêtre, ils
découvrent Keith Moon agrippé à la rambarde, 43 étages au-dessus du vide. Après
des heures de cocaïne, Moon était devenu si paranoïaque qu'il avait trouvé le
moyen de s'enfermer dehors. Sa chambre jouxtait celle de Garcia. L'idole
rotonde des hippies invita le bouillant batteur à se mettre à l'abri. Dès qu'il
fut à l'intérieur de la chambre, Moon se mit à creuser fiévreusement un trou
dans le mur du quatre étoiles. "Finalement le trou est de taille
suffisante, note Scully. Moon se tortille à travers, passe dans sa chambre,
récupère sa réserve de coke et revient nous voir via le trou, totalement
oublieux des clefs, des portes. Il est couvert de poussière de la tête au pied,
on dirait une goule récemment exhumée d'un cimetière. " Garcia et Scully
termineront la soirée au Studio 54, bouche bée devant Moon qui moleste un
nombre incroyable de filles, sans jamais rencontrer la moindre résistance.
"Cheryl, tu le croiras jamais, devine qui vient de me mordre la fesse? Le
batteur des Who en personne !" Rock Scully se souvient avoir entendu ces
mots de la bouche d'une admiratrice excitée.
Mais ce n'était pas toujours ainsi que les
choses se passaient. Au fur et à mesure de l'avancée des années 70, on verra
Keith Moon assis de plus en plus solitaire dans des clubs chics, visage fermé,
vide de toute excitation, clairement déprimé et totalement désespéré. C'est en
1973 que sa femme Kim le plaque pour de bon, emportant leur fille Mandy. Elle
s'installe peu de temps après chez lan McLagan, le pianiste des Faces.
La réponse de Moon fut d'offrir à un gangster local une rondelette somme
d'argent pour aller casser les mains de l'impudent. Une profonde dépression le
submerge. Les quantités d'alcool et de drogue augmentent encore pour soutenir
son coté maniaque extraverti. Du coup ses plaisanteries deviennent de plus en
plus méchantes, jusqu'à l'insensibilité totale. En 1973, Moon prend la
désastreuse décision de s'exiler à Los Angeles à l'heure précise où la
mégalopole se transforme en version cocainée de Sodome et Gomorrhe. Vivant la
grande vie en compagnie de rois du rock comme John Lennon et Ringo
Starr, Moon se prend pour un maître du monde, la chute n'en est que plus
prévisible. Désireux de faire l'acteur, il apparaît dans quelques films, That'll
Be The Day en 1973, Stardust en 1974 et Tommy en 1975. Après
avoir tourné de petites apparitions amusantes, Moon s'avère incapable de
maintenir le niveau professionnel réclamé par ce nouveau boulot. Enregistrant
un album solo, il ne parvient qu'à immortaliser les excès de la scène rock de
Los Angeles à l'époque. La preuve est désormais faite qu'il ne peut pas
chanter. Mais un talent restera pourtant constant: sa capacité unique à faire
de grandes entrées totalement inattendues. C'est ainsi qu'en avril 1975 il
pénètre la luxueuse suite de Peter Grant au 16e étage du Continental Hyatt de
Hollywood. Il est deux heures du matin.
Le colossal manager de Led Zeppelin
revient du concert au LA Forum. En compagnie de Richard Cole et John Bonham,
Grant sniffe de la coke en écoutant le nouvel album de Bad Company.
L'excentrique Moon se matérialise soudain, bondissant par la fenêtre. Il porte
le même costume que Robert Redford dans L'Arnaque et ses yeux sont deux
boules perverses et intenses. De fait, Moon était monté sur le toit du Hyatt et
avait effectué une descente accroché à une gouttière. En quelques secondes, il
est le centre d'attention générale: "Cette salope de Raquel Welch, les
gars, elle me supplie au téléphone.. Keith, je peux pas vivre sans toi, tu es
le type de mes rêves... Je lui ai dit.. Ecoute Raquel, personne m'attachera,
jamais. Va acheter un chien, trésor, ou un businessman... " Imitant le
pirate de L'île Au Trésor, Moon régale Cole et Bonham. Le batteur de Led
Zeppelin l'idolâtre absolument. Enfin Moon sombre dans la dépression et
marmonne qu'il serait temps que son groupe se reforme avant qu'il ne soit trop
tard...
Le milieu des seventies ne sera guère
clément envers les Who. En 1974, lors d'un concert à New York, Pete Townshend
était tombé dans un coma éthylique. Le reste du groupe met alors en doute ses
capacités créatrices. Daltrey et Entwistle avaient leurs carrières solo. Le
chanteur fit clairement comprendre qu'il ne monterait plus sur scène tant que
Kit Lambert et Chris Stamp manageaient le groupe. Les deux hommes furent
immédiatement renvoyés. Puis durant tout l'été 1975, Townshend et Daltrey se
laissèrent aller à un échange de points de vue pour le moins amer. L'ennui
étant que cet échange se passait dans le New Musical Express, face à ses
360 000 lecteurs. C'est au milieu de ce tumulte que le groupe parvient à
enregistrer son demier grand album studio. Comme le On
The Beach de Neil Young, The Who
By Numbers est un disque définitif. Doute, gueule de bois et
banqueroute morale. Le leader des Who a désormais plus de trente ans. Il se
sent responsable de cette faillite rock que ni les Who ni leurs pairs n'ont
réussi à éviter. Où est-il, ce meilleur des mondes rock? "Je ne suis qu'un
marin bien baisé", se lamente Townshend dans le très autobiographique How
Much I Booze avant de conclure son dilemme alcool et gloire sur cette
phrase nette: "Il n'y a aucun espoir. " Le spleen de Townshend allait
produire de bien belles plages, mais la vraie réussite de cet album réside sans
doute dans le tumulte rageur de la performance du groupe en studio. Dans sa
volonté de se développer en tant que compositeur, le guitariste avait passé la
majeure partie de la décennie dans son studio maison, étudiant l'impact de
ponts difficiles, tripo1ant la structure des chansons, trafiquant des couches
mélodiques au gré de ses humeurs changeantes. Les résultats ne furent pas
toujours au rendez-vous: Quadrophenia et
Who Are You sonnent souvent pompeux, le
synthé renforçant l'impression que les Who devenaient dangereusement proches d'un
certain rock progressif, totalement oublieux de leurs origines rhythm'n'blues.
Mais cette fois, Townshend transforme son mécontentement en rage. Aucun
artifice musical ne fait le poids face à son humeur massacrante. Toutefois, ce
sera un des disques les plus tristement sous-estimés de l'histoire du rock.
Les Who partiront en toumée pour soutenir
l'album - ils joueront bien peu de ses titres sur scène - ils donneront des
concerts pendant un an, commençant en octobre 1975. De fait, le concert du Toronto
Mapple Leaf Garden (21 octobre 1976) sera le demier de Keith Moon devant un
public payant. "Il était brillant, putain, incroyable, se souviendra John
Entwistle plus tard. Cette toumée fut le point culminant de la carrière des
Who. "Quand bien même le bassiste ne tient pas compte de l'accident de
Boston (en mars 1976) qui vit le groupe faire retraite après l'évanouissement
de Keith Moon derrière ses fûts. Ni cette incarcération de Moon dans un asile
psychiatrique de Floride directement après un concert local houleux. Loin de la
route, le batteur pourrait se laisser aller à ses routines cocaïnées alors que
son groupe entrait dans le livre des records du show business, grâce notamment
à l'expertise en business du manager Bill Curbishley. C'est ainsi que les Who
se retrouvent propriétaires des Studios Shepperton de Londres,
envisageant même une carrière de producteurs de cinéma. Le 25 mai 1978, c'est
là que Keith Moon donne sa demière performance avec les Who. Le public invité
sur le toumage ne peut s'empêcher de constater que le batteur est gros,
terriblement anxieux et reste musicalement loin derrière ses trois copains
musiciens. Certes, Moon avait été convié à envisager un nouveau disque. Au bout
de deux heures, Glyn Johns et Townshend l'avaient menacé d'exclusion pure et
simple. Malheureusement, le batteur des Who n'était pas le seul à voir sa
technique se dégrader. Les compositions de Townshend sur Who Are You se contentent de revisiter de
vieilles idées musicales, des mélodies éprouvées, ajoutant peu de chose au
langage du groupe. Malgré tout, Moon comprend qu'il doit résoudre son problème
d'alcoolisme s'il veut rester vivant. De retour à Londres après son horrible
exil à Los Angeles, il consulte un médecin bien connu de Harley Street. Ce
docteur lui prescrit de l'Heminevria. Dans une négligence criminelle, le
médecin oublie totalement de prévenir Moon qu'il faut respecter scrupuleusement
les doses. Résultat: le matin du 8 septembre 1978, le batteur suffoque dans son
sommeil et meurt d'overdose médicamenteuse.
Le reste des Who perdra assez peu de temps
à envisager son avenir. Le groupe continuera avec Kenny Jones des Faces
sur le tabouret de Moon. "Pour être vraiment salaud, oui, je suis presque
content que Keith soit parti, déclare Townshend peu de temps après la mort de
son batteur. Il était devenu insupportable. Le groupe ne fonctionnait plus.
C'est une chance pour nous, finalement. " Pour le guitariste de plus en
plus égocentrique, l'essence même des Who était son propre instinct créatif, sa
sensibilité spirituelle. Cette vue fut rarement partagée par la majorité des
fans. Pour eux, en tout cas pour ceux qui avaient vu le groupe en concert,
l'essence des Who résidait dans les moulinets foudroyants de Townshend sarclant
des riffs avec abandon tandis que Keith Moon infligeait une punition maximale à
sa grosse batterie en guise de réponse. La nouvelle formation commença à
tourner en 1979 mais le karma volatile du groupe devait le rattraper à
Cincinnati un 3 décembre. Ce jour d'horreur, douze fans furent écrasés à mort
lors d'un concert au Riverside Stadium. La vision unique de Townshend,
cette volonté d'une communauté rock unie, consciente, partageuse fut broyée à
tout jamais dans ce désastre. Un an plus tard, on pouvait voir le guitariste,
défoncé et bourré, se donnant lamentablement en spectacle dans les clubs chics
de Londres. Alors que les années 80 pointaient, Keith Moon était mort, mais son
fantôme continuait à jouer des tours de folie dans l'âme anesthésiée de son
vieux partenaire.
Townsend trouva la force de maintenir le
groupe en vie pour deux albums studio de plus, Face's
Dance (1981) et It's Hard
(1982). Deux disques professionnels, mais sans vie ni inspiration, surtout
comparés aux premiers hits du groupe. Townshend se fit enfermer dans une
clinique afin de se désintoxiquer et en arriva lentement à se rendre compte que
Keith Moon n'était pas seulement "insupportable": il avait été le
moteur du groupe, le gardien de la flamme explosive qui les voyait brûler sur
scène. Par comparaison, Kenny Jones n'était qu'un métronome efficace. Jones et
les trois membres originaux allaient se reformer en 1984 pour Live Aid,
uniquement pour permettre à Pete Townshend de se casser gracieusement la figure
lors d'un saut de guitar hero raté - devant des dizaines de millions de
téléspectateurs. Tout était fini. Sauf que ce ne l'était pas. Townshend a beau
jurer régulièrement qu'il ne reformera plus le groupe et se répandre dans la
presse en admettant que la mort de Moon fut celle du groupe, en 1989 il a
rejoint Daltrey et Entwistle pour une lucrative toumée américaine Hommage
aux Who en présence d'un grand orchestre. Souffrant d'acouphènes, le
guitariste était bouclé dans une hutte de plexiglas, grattant une guitare
acoustique durant tout le concert.
Durant les années 90, sa carrière solo
continue activement comme celles de Daltrey et Entwistle. Problèmes: les trois
hommes vendent de moins en moins d'albums. En revanche, s'ils reforment les
Who, ils jouent pour des foules de plus en plus énormes. Fin 1996, Townshend
tourne en Amérique, jouant Quadrophenia
dans son intégralité. L'un des invités de la toumée est Gary Glitter, vieille
superstar glam rock sur le retour qui chante en duo avec Daltrey soir après
soir. Un an après la toumée Quadrophenia, Glitter fut arrêté chez lui, à
Londres, pour avoir importé des images de pomographie enfantine sur son
ordinateur. Sa carrière en ruine, le chanteur préférera s'exiler au Brésil,
seul moyen d'éviter la prison.
Le coup de chance des Who fut l'embauche du
jeune Zak Starkey (le fils de Ringo) pour tenir la batterie. Moon avait
été son oncle et lui avait appris les secrets de sa technique de fou furieux
lors des visites alcoolisées de Ringo dans les manoirs des seventies. Soudain
les Who trouvent un moteur capable de régénérer leur son de base. En 2000, le
groupe a fait une toumée mondiale: tempes grisonnantes, fronts dégarnis et
visages ridés, mais encore capable de folles envolées musicales. Townshend a
même réécrit quelques-uns de ses classiques. Et My
Generation est devenu un hymne chéri pour survivant des sixties. Pour The Kids Are Alright, il a ajouté une coda qui lui
permet de passer des sentiments teenage de l'original à une vision plus adulte,
presque responsable. "J'ai des gosses maintenant - et vous aussi! dit-il à
son public. Vos gosses sont alright, les miens sont alright aussi !" Les
enfants Townshend étaient-ils toujours aussi alright le matin où ils ont
découvert dans la presse anglaise que leur père était suspecté de pédophilie?
"Je sais que mon acte (de téléchargement porno pédophile) a provoqué un
chaos total. Pour mon ex-femme, pour mon fils, pour ma fille, pour ma fiancée.
"Townshend prétexte n'avoir survolé des sites pédophiles que dans une
phase de recherche créatrice. Ces jours-ci, il écrit son autobiographie. Il est
également au boulot sur son premier album studio en vingt ans. Ironie du rock :
lui qui voulait mourir avant d'être vieux veut désormais vivre assez longtemps
pour laver son honneur en public et repousser définitivement les démons qui ont
si souvent pris le contrôle de sa vie.
27 juin 2002. La
grande faucheuse du Rock s'est encore mise en évidence en dévalant dans la
vallée du Nevada, à Vegas très exactement. Après avoir longtemps sévi dans la
catégorie "batteurs" (Keith Moon, John Bonham, et plus
récemment Cozy "the hammer" Powell), voilà qu'elle décide
soudain de porter son dévolu, non plus sur les manieurs de baguettes, mais sur
les dompteurs de 4 cordes. Non repue il y a quelques jours par l'âme
pneumonique du très regretté James Dewar (Robin Trower Band, Stones the
Crows…), voilà qu'elle décide de s'en prendre à présent à un véritable
"roc" de la musique populaire de ces quarante dernières années. Que
dis-je "roc", "The Rock" devrais-je rectifier, un de ses
nombreux surnoms, dont l'avaient affublé ses collègues de travail. The Quiet
one, dans un dernier pied de nez, que ne goûteront vraisemblablement pas
ses acolytes a donc décidé de ranger à tout jamais ses vrombissements et
descentes de manches si caractéristiques.
À la veille d'une méga
tournée américaine, qui devait marquer le grand retour des Who sur la scène
musicale internationale, John Entwistle a en effet choisi de tirer sa
révérence ce 27 juin à l'âge de 57 ans et de rejoindre son trublion de copain
Keith le clown.
Alors que garder de John,
au-delà du son talent musical indéniable et unanimement reconnu ? Une seule
anecdote en forme d'hommage de Pete Townshend qui répondant à un
journaliste lui demandant les raisons pour lesquelles il ne prenait pas souvent
de solo de guitare lui répondit qu'il y avait déjà un soliste dans le groupe
(comprenez John) et que cela suffisait amplement.