Plus grand joueur de guitare espagnole" d'après Pat
Metheny, Vicente Amigo est maintenant reconnu comme l'égal de Paco de
Lucia, et déjà son successeur. Il faut se méfier de ces déclarations
définitives et si Vicente Amigo est déjà un grand parmi la tribu élue des
guitaristes flamencos, la route est encore longue pour atteindre les
profondeurs infinis d'un Pepe Habichuela, d'un Tomatito, sans
parler de Sabicas. Cette ascèse vers l'immense ne s'obtient que par
l'expérience de la douleur et par la grâce. Amigo a déjà la grâce, la vie lui
apprendra le reste.
Ouvert à toutes les musiques, il a su aller au-delà du
flamenco traditionnel, qu'il connaît parfaitement, et participer aux confluences
du flamenco moderne. Il a surtout magnifiquement illustré le grand poète Rafaël
Alberti dans "un concert flamenco pour un marin à terre" appelé «
Poeta ». Et il s'agit bien de cela dans sa musique, grâce et poésie. Dans son
insolente jeunesse, depuis la tragique disparition de Pedro Bacan, il
représente bien des espoirs andalous du Cante Jondo et il se place comme
la grande figure du renouveau du genre. Depuis il fait de la corde raide entre
le pur flamenco et le commercial facile ( Sa participation récente avec le
chanteur Sting), comme beaucoup d'autres car là aussi les lois du marché sont
implacables.
Vicente Amigo est né en
1967 à Guadalcanal, dans la province de Séville, mais il est véritablement fils
de Cordoue, car c'est à Cordoue que Vicente Amigo va être initié et devenir
l'un des grands interprètes de la guitare flamenca. A Cordoue il commence
l'étude de la guitare flamenca, à l'âge de 8 ans. Ses premiers maîtres
s'appellent "El Tomate" et "Merengue de Córdoba". Il
apprend l'art fondamental de l'accompagnement de la danse et du chant, cet art
fait d'humilité, d'empathie profonde avec les autres, et de fulgurances. Il
s'est mis à l'école du respect et au service des grands maîtres du chant : Luis
de Cordoba, El Camaron de la Isla, El Pele. Après des années
d'apprentissage, à l'âge de 14 ans, il rencontre le grand Manolo Sánlucar
qui lui propose de faire partie de son groupe. Il y restera cinq ans comme
premier guitariste. Il a su suivre patiemment le chemin ardu des maîtres, comme
un prêtre de la religion cachée du flamenco. Auprès du Maître, Vicente Amigo va
acquérir expérience, maturité et professionnalisme qui lui permettront de
développer un style profondément personnel.
Vicente Amigo peut enfin se lancer seul sur les routes coupe-gorges de la carrière. Comme beaucoup de jeunes artistes flamencos, il a voulu faire entendre "le nuevo cante jondo", un nouveau chant qui sans renier ses racines profondes cultivées dans tant de nuits, un respect filial des anciens et de la tradition propre à la culture gitane et à l'univers flamenco, il s'ouvre sur les musiques de son temps. Le fondement du jazz par l'improvisation, il le transpose dans les schémas figés des modes flamencos. Musicien de l’instinct comme les plus grands, ses partitions sont écrites dans le soleil aveuglant et le rouge de l’amour.
"À travers mes textes, Vicente Amigo a redonné toute
la jeunesse des mots au travers de sa guitare." écrit Rafaël Alberti. Et
Vicente Amigo grand parmi les grands au royaume de la guitare flamenco, montre
l'originalité de sa démarche. Au-delà de la virtuosité assumée, nourri de la
terre andalouse et de tous les oliviers torturés du cante jondo il apporte sa
touche unique de grâce et de poésie. Au lieu de vouloir à tout prix en faire un
nouveau Paco de Lucia, et le nouvel astre flamboyant du flamenco, ce qu'il sera
un jour, il est préférable de reconnaître en lui cette beauté d'ailleurs qu'il
apporte, ce côté archange de la guitare, que sa fragilité exalte.
Reconnu et fêté en Espagne, il ne cesse de tourner dans le monde entier. Ce n'est pas la carrière et les gouffres qui le tentent, mais la volonté de faire évoluer l'art du flamenco, en le faisant frémir aux vents du monde. Flamenco moderne, flamenco traditionnel, ces barrières n'ont plus de sens pour cet être ouvert aux tressaillements de l'univers, depuis le craquement des oliviers jusqu'au mugissement des villes.