Cheikha Rimitti
Eternelle rebelle, femme au verbe souvent indigné et aux
attitudes provocantes, Cheikha Rimitti est une légende, un monument. Et, si son
visage est marqué par les effets du temps conjugués à une vie d'alcool et
d'amours (son pseudonyme signifie " remettez-moi ça"), son énergie
demeure intacte. Personnage haut en couleurs et au caractère entier, elle est
une sorte d'Elvis Presley du Raï. Mais un Elvis qui ne vieillirait pas et
resterait à jamais politiquement incorrect.
Chanteuse des levers de soleil embrumés par les fumées de
cabaret et les nuits sans fins, septuagénaire noctambule, Cheikha Rimitti est une
vieille dame indigne resplendissante.
Figure mythique du Raï et personnalité hors du commun, son
histoire se confond avec celle de l'Algérie. Femme faite de fulgurances et de
bouibouis infâmes, de moments de gloire et de corps déchus, les anecdotes les
plus incroyables circulent à son propos.Née à Tessala (village situé près de
Sidi Bel-Abbès, dans l'Ouest algérien) le 8 mai 1923, la petite fille prénommée
Saïda se retrouve très vite orpheline. De Rimitti, on ne connaît que le vrai
prénom car la chanteuse a toujours soigneusement caché son nom officiel afin
d'épargner sa famille ; c'est pour cette raison qu'aujourd'hui encore, elle
refuse qu'on la filme : elle prétend craindre que sa famille la
reconnaisse....A 20 ans, elle s'installe à Rélizane, un grand centre colonial
où la vie est rude. La pauvreté, les épidémies et la famine sévissent. "On
grillait le grain de blé pour remplacer le café, que l'on buvait avec du sirop.
C'était l'époque où l'on s'habillait de matelas et où l'approvisionnement s'effectuait
avec des bons" raconte-t-elle dans un entretien donné à Bouziane Daoudi,
journaliste du quotidien français Libération. "Quand la sirène sonnait, on
fuyait dans les vignes et on se cachait dans les trous", poursuit-elle.
C'était en 1943 et l'Algérie (alors colonie française) était devenue le refuge
de la France libre, l'un des quartiers généraux des militaires qui refusaient
la capitulation.
La jeune Saïda, qui dort dans les rues, dans le hammam et mange
quand elle le peut, se met à suivre une troupe de musiciens ambulants.
D'ailleurs en nulle part, elle rencontre le célèbre musicien Cheick Mohamed
Ould Ennems, avec qui elle se met en ménage alors qu'il est père de dix
enfants. Il lui fait connaître le milieu artistique algérois et la fait
enregistrer à Radio Alger. C'est à cette époque qu'elle gagne son surnom.
L'histoire raconte qu'un jour de pluie où elle entrait dans une cantine pour
boire un café, les clients l'ont reconnue et acclamée avec ferveur. Pour les
remercier, elle veut leur offrir une tournée mais ne parlant que quelques mots
de français, elle ordonne à la serveuse "Remettez, madame, remettez".
Le public la baptise aussitôt "la chanteuse Remitti". En 1952, elle
enregistre son premier disque chez Pathé et sort "Charrak Gatta", son
premier succès, en 1954. Une chanson auréolée de soufre puisque certains y
voient une attaque contre le tabou de la virginité. Féministe sans le vouloir,
Cheikha Rimitti chante les femmes, l'amour et les corps emmêlés, l'alcool,
l'oubli, la nuit. Auteur inspirée, elle chante aussi... le téléphone et le TGV
(Train à Grande Vitesse). A la fin des années 70, elle pique un coup de sang
lorsqu'elle apprend que des chanteuses reprennent son répertoire en France.
L'une d'elles se fait même appeler Cheikha Rimitti "sghira" (la
petite) ! En 1978, elle débarque à Paris et écume les hauts lieux de la chanson
maghrébine populaire (dont le célèbre " Bedjaïa Club", un café situé
près de la station Stalingrad, en plein cœur du 18ème arrondissement).
Interdite de spectacle en Algérie au
plus fort des évènements, elle trouve en France un nouveau public. Les
nouvelles générations la découvrent. Elle enregistre même un disque de pop-raï
sous la houlette de Robert Fripp, l'élégant rocker expérimental. Et en février
1994, elle donne un concert mémorable au très prestigieux Institut du Monde
Arabe, à Paris. Belle reconnaissance pour celle qui aime à dire C'est le
malheur qui m'a instruit. Les chansons me trottent dans la tête et moi je les
retiens de mémoire. Pas besoin de papier et de stylo". Et si cette
reconnaissance lui met du baume au cœur, elle qui a été tant pillée par les
chebs de tous poils, finalement la seule chose qui lui importe c'est cette
lueur malicieuse et provocante, cette étincelle d'éternelle jeunesse qui
pétille dans ses yeux.
------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Chanteuse des levers de soleil
embrumés par les fumées de cabaret et les nuits sans fins, septuagénaire
noctambule, Cheikha Rimitti est une vieille dame indigne resplendissante.
Figure mythique du Raï et personnalité hors du commun, son histoire se confond
avec celle de l'Algérie.
Femme faite de fulgurances et
de bouibouis infâmes, de moments de gloire et de corps déchus, les anecdotes
les plus incroyables circulent à son propos. Née à Tessala (village situé près
de Sidi Bel-Abbès, dans l'Ouest algérien) le 8 mai 1923, la petite fille
prénommée Saïda se retrouve très vite orpheline.
De Rimitti, on ne connaît que
le vrai prénom car la chanteuse a toujours soigneusement caché son nom officiel
afin d'épargner sa famille ; c'est pour cette raison qu'aujourd'hui encore,
elle refuse qu'on la filme : elle prétend craindre que sa famille la
reconnaisse....
A 20 ans, elle s'installe à
Rélizane, un grand centre colonial où la vie est rude. La pauvreté, les
épidémies et la famine sévissent. "On grillait le grain de blé pour
remplacer le café, que l'on buvait avec du sirop. C'était l'époque où l'on
s'habillait de matelas et où l'approvisionnement s'effectuait avec des
bons" raconte-t-elle dans un entretien donné à Bouziane Daoudi,
journaliste du quotidien français Libération.
"Quand la sirène sonnait,
on fuyait dans les vignes et on se cachait dans les trous", poursuit-elle.
C'était en 1943 et l'Algérie (alors colonie française) était devenue le refuge
de la France libre, l'un des quartiers généraux des militaires qui refusaient
la capitulation. La jeune Saïda, qui dort dans les rues, dans le hammam et
mange quand elle le peut, se met à suivre une troupe de musiciens ambulants.
D'ailleurs en nulle part, elle
rencontre le célèbre musicien Cheick Mohamed Ould Ennems, avec qui elle se met
en ménage alors qu'il est père de dix enfants. Il lui fait connaître le milieu
artistique algérois et la fait enregistrer à Radio Alger. C'est à cette époque
qu'elle gagne son surnom.
L'histoire raconte qu'un jour
de pluie où elle entrait dans une cantine pour boire un café, les clients l'ont
reconnue et acclamée avec ferveur. Pour les remercier, elle veut leur offrir
une tournée mais ne parlant que quelques mots de français, elle ordonne à la
serveuse "Remettez, madame, remettez". Le public la baptise aussitôt
"la chanteuse Remitti".
En 1952, elle enregistre son
premier disque chez Pathé et sort "Charrak Gatta", son premier
succès, en 1954. Une chanson auréolée de soufre puisque certains y voient une
attaque contre le tabou de la virginité. Féministe sans le vouloir, Cheikha
Rimitti chante les femmes, l'amour et les corps emmêlés, l'alcool, l'oubli, la
nuit. Auteur inspirée, elle chante aussi... le téléphone et le TGV.
A la fin des années 70, elle
pique un coup de sang lorsqu'elle apprend que des chanteuses reprennent son
répertoire en France. L'une d'elles se fait même appeler Cheikha Rimitti
"sghira" (la petite) ! En 1978, elle débarque à Paris et écume les
hauts lieux de la chanson maghrébine populaire (dont le célèbre " Bedjaïa
Club", un café situé près de la station Stalingrad, en plein cœur du 18ème
arrondissement).
Interdite de spectacle en
Algérie au plus fort des évènements, elle trouve en France un nouveau public.
Les nouvelles générations la découvrent. Elle enregistre même un disque de
pop-raï sous la houlette de Robert Fripp, l'élégant rocker expérimental. Et en
février 1994, elle donne un concert mémorable au très prestigieux Institut du
Monde Arabe, à Paris. Belle reconnaissance pour celle qui aime à dire C'est le
malheur qui m'a instruit. Les chansons me trottent dans la tête et moi je les
retiens de mémoire. Pas besoin de papier et de stylo".
En 2000 l'album Nouar et les
nombreux concerts qui le suivent l'a font découvrir à un large public héberlué
devant la flamme infatigable de cette chanteuse comparble à si peu d'autres.
Elle refuse les interviews, les photos et les films mais peut rester sur scène
des heures durant. Il revient souvent aux organisateurs d'arrêter ses concerts
qui durent parfois le double du temps prévu et entraînent le public au bord de
la transe.
Sa réputation déborde
largement du milieu communautaire. De la vieille Europe aux Etats-Unis ses fans
se font de plus en plus nombreux. C'est une star mais une star que l'on peut
aussi bien entendre sur de prestiguieuses scène internationales que dans de petits
cafés parisiens devant une dizaine d'heureux élus.
En 2005 le label Because, lui fait enregisdtrer "N'ta Goudami" un album où elle s'essaye au new raï façon oranaise, vocoder et boîte à rythmes en avant et à des excursions gnawas, sans jamais perdre son âme ni son fabuleux feeling. Et si cette reconnaissance lui met du baume au cœur, elle qui a été tant pillée par les chebs de tous poils, finalement la seule chose qui lui importe c'est cette lueur malicieuse et provocante, cette étincelle d'éternelle jeunesse qui pétille dans ses yeux.