CHANSON FRANCAISE

L’empreinte de la rive gauche

L’Europe de l’immédiat après-guerre, et singulièrement la France, offre un spectacle paradoxal de désolation et de joie mêlées. Désolation de ces villes détruites, de ces immeubles, ponts, gares et usines, encore sous les décombres, qu’il va falloir rebâtir. Familles qui pensent leurs plaies et comptent leurs disparus. Mairies, préfectures et ministères qui tentent de trouver les moyens d’aider les prisonniers rapatriés. Tribunaux surchargés de procès d’épuration. Consommateurs soumis, pour quelques années encore, aux restrictions et tickets de rationnement. Industriels qui voient les matières premières contingentées. Mais en même temps, c’est la joie ou, du moins le soulagement : la liberté, la paix retrouvées, quoique payées au prix fort, ont tout de même un goût de douceur. Alors, comme déjà au temps de l’occupation et avant elle, on sort et on s’amuse, pour oublier ou pour rêver.

D’autant, que malgré tout, les raisons d’espérer ne sont pas absentes. L’industrie, tout doucement, redémarre. Symboles sociaux, dès 1945, le gouvernement provisoire du général de Gaulle, qui compte dans ses rangs – c’est une première – quelques ministres communistes, nationalise les usines Renault et instaure le régime de la Sécurité Sociale. La presse quotidienne, " libre " ou " libérée " selon les titres, va connaître de forts tirages, malgré les restrictions de papier qui l’obligeront, pour quelque temps encore, à une pagination réduite. Une presse " grand public " mais aussi, à côté d’elle, une presse d’opinion, issue des rangs de la Résistance : Combat, Franc-Tireur, Le Monde, Libération (rien à voir avec le quotidien né dans les années 70). A noter que plusieurs de leurs chroniqueurs soutiendront, parmi d’autres arts, celui de la chanson. 

 

 

 

 

 

Charles Aznavour

1963 Qui ?

1965 La Bohême

1967 Entre deux rêves

1971 Idiote je t’aime

 

 

 Barbara

Barbara chante Barbara

N°2

ma plus belle histoire d’amour

Madame

Le soleil noir

L’aigle noir

               

 

 

La fleur d’amour

Amours incestueuses

La louve

Seule

Femme piano

 

 

Guy Béart

 

 

 

1967 Vive la rose

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Georges Brassens

La mauvaise réputation

Auprès de mon arbre

Le pornographe

Les copains d’abord

 

 

 

 

 

 

 

 

Supplique pour être enterré

La non demande en mariage

 Tempête dans un bénitier

 

 

 

 

Jacques Brel

1955 Grand Jacques

Quand on n’a que l’amour

1962 Les bourgeois

1964 Ces gens-la

1966 Les bonbons

 

 

 

 

 

 

Jacques Brel 67

1968 J’arrive

1977 Les Marquises

 

 

 

Celle-ci, dès 1945, connaît un renouveau exceptionnel. Certes, les vedettes établies, de Piaf à Trenet, de Tino Rossi à Chevalier, poursuivent leur chemin. Tant bien que mal, puisque certaines, soupçonnées à tort ou à raison de compromission ou de collaboration avec l’occupant, devront venir s’expliquer devant les comités d’épuration. Quitte, parfois, à s’éloigner temporairement de la scène, en attendant que retombe la vindicte publique. C’est peut-être ce " flou artistique " qui va permettre à une nouvelle génération d’artistes, à des lieux de spectacle inédits, d’attirer davantage l’attention de la presse et d’un public jeune et remuant. Ce public, féru de jazz américain (perçu comme la musique des libérateurs), s’est déjà, en 1943-45, préparé avec les zazous, à goûter diverses sortes de provocations musicales, vestimentaires ou culturelles. Parmi ceux-là, un brillant centralien, joueur de " trompinette ", vaguement écrivain et journaliste : Boris Vian.

Chez leurs aînés, d’aucuns haussent les épaules avec mépris devant les débordements, artistiques ou non, des nouveaux temples de Saint-Germain-des-Prés : le Tabou, la Rose Rouge. D’autres, en particulier les chroniqueurs de la presse à grand tirage, n’en retiennent que le parfum de scandale, réel ou supposé : l’alcool, la fumée, l’amour libre, sur fond de " musiques de nègres ". Voilà de quoi faire des titres à sensation. D’autres enfin, Jean-Paul Sartre et Raymond Queneau en tête, accompagnent carrément le mouvement : ne dit-on pas que les deux écrivains provoquèrent la carrière de chanteuse de Juliette Gréco ? Pour un temps, très court au demeurant – moins de deux ans – les " existentialistes " apparurent comme les arbitres du goût " branché ", comme on ne le disait pas encore. Mais plus durables, et plus diffuses, furent les conséquences de l’esthétique germanopratine sur la chanson. Ne serait-ce qu’en permettant à des Leo Ferré, Francis Lemarque, Catherine Sauvage, Frères Jacques, de trouver des lieux pour s’exprimer – le Quod Libet, l’Echelle de Jacob – et un public disposé à les découvrir.

 

 

 

 

J. Roger Caussimon

Chanson de l’homme heureux

1973 A la Seine

1976 Les camions

 

 

 

 

Georges Chelon

1966 Morte Saison

1966 Père prodigue

1989 L’enfant du Liban

1990 Chercheurs d’eau

1998 On rêve on rêve

 

 

 

 

 

 

2000 Les Portes de l’Enfer

2003 Chansons à part

2005 L’impasse

 

 

 

 

Jean Ferrat

1963 Nuit et Brouillard

1965 Potemkine

1966 La Montagne

Maria 1966

1967 Cuba Si

1969 Ma France

 

 

 

1969 Camarade

1971 La commune

1975 La femme est l’avenir

Ferrat 80

1985 Je ne suis qu’un cri

 

 

Leo Ferre

Premières chansons

Leo Ferré 1953-1955

Leo Ferré 1955-1958

 1961 Les chansons d’Aragon

 1962 La Langue Francaise

1964 Paname

 

 

 

1965 Ferre 64

1967 Cette chanson

1969 L' Ete 68

1970 Amour Anarchie, Vol. 1

1970 Amour Anarchie, Vol. 2

 

 

 

 

1971 La Solitude

1973 Il N'y a Plus Rien

1974 L’espoir

1976 Je te donne

1977 La frime

 

En 1946, l’année où Leo Ferré arrive à Paris, où Piaf tourne aux Etats-Unis avec les Compagnons de la Chanson,Georges Ulmer connaît avec (Pigalle) un tube révélateur de la mentalité populaire du moment, la France est en pleine mutation. Chassés du gouvernement provisoire par de Gaulle, les ministres communistes et leur parti vont entrer ouvertement dans l’opposition. Dès 1947, alors que de Gaulle, à son tour, entame sa " traversée du désert " et fonde le RPF – Rassemblement Pour la France -, le pays va connaître une série de grèves et d’occupations d’usines qui feront craindre la guerre civile. C’est à cette occasion que le ministre de l’intérieur Jules Moch, un socialiste, créera les Compagnies Républicaines de Sécurité, ou CRS. A l’étranger aussi, le monde connaît des changements rapides et autant de motifs d’inquiétude que d’espoir. C’est en 1945 qu’est créée l’Organisation des Nations Unies, l’ONU. En 1948, par ailleurs, est fondé l’Etat d’Israël. Et, alors que la Chine s’apprête à basculer dans le camp communiste, la guerre froide qui s’installe entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique, semble, déjà, miner tous les espoirs de paix. La France, de son côté, est impliquée en Indochine, dans une guerre coloniale.

Curieusement, la chanson de ces années-là porte assez peu de trace de ces bouleversements et de ces enjeux. En dehors, naturellement de Leo Ferré, du grand Gilles, bientôt revenu après son exil lausannois, à Paris, pour reprendre son cabaret de l’avenue de l’Opéra, de quelques lointaines allusions chez Francis Lemarque, par la bouche d’Yves Montand, tout se passe comme si les chanteurs ne faisaient pas de politique. Le monde artificiel dans lequel ils ont été habitués à évoluer ne les a pas préparés à jouer les tribuns, à prendre parti ou à s’insurger. Pour toute politique, ils semblent pratiquer celle du " keep the customer satisfied ", satisfaire le client, et donc, en l’espèce, éviter les sujets pouvant prêter à controverse.

 

Serge Gainsbourg

1958 Poinçonneur des lilas

1961 La javanaise

  1964 Couleur Café

1971 Histoire Melody Nelson

Je suis venu te dire adieu

 

 

 

 

 

1975 Rock around  bunker

1976 L’homme à tête de chou

1977 Aux armes et caetera

1987 You’re Under Arrest

 

 

 

Juliette Greco

1967 Déshabillez-moi

Je suis comme je suis

Les temps des cerises

2006 temps d’une chanson

2004 Aimez-vous

2009 Je me souviens 

Felix Leclerc

Moi, mes souliers

La Drave

Le roi heureux

Mes longs voyages

La vie

J’inviterai l’enfance

 

Serge Reggiani

Les loups sont entrés

1968 Et puis

1979 Je t’aimerais

1981 Armée du brouillard

Le zouave du pont de l’Alma

 

 

 

 

 

 

 

1992 70 balais

Enfants soyez meilleurs