Bob Dylan Lyrics
Days of 41, The Times they Are
A-Changin, If
You Gotta Go, Go Now, I'll Be Your Baby
Tonight, New
Morning, Oh, Sister, Trouble In Mind,
I and I, What Good Am I?, Not
Dark Yet,
De son véritable nom Robert Allen
Zimmerman, d'origine juive, il est né le 24 mai 1941 à Duluth dans l'état
conservateur du Minnesota, près de la frontière canadienne. Alors qu'il a six
ans, sa famille s'installe à Hibbing, une ville triste de mineurs où il va
passer une grande partie de son enfance et de son adolescence. Ville de
quelques 17 000 habitants, Hibbing compte un grand pourcentage d'émigrés. Les
Scandinaves, Yougoslaves et Italiens qui s'y côtoient, sont aux trois quarts
catholiques, et les Juifs n'y sont pas très bien vus. Le conformisme y est de
rigueur, et les enfants suivent systématiquement l'exemple des parents. Ce qui
ne sera pas le cas du fils d'Abraham Zimmerman, devenu propriétaire d'un
magasin de meubles. Bobby s'entend mal avec son père, d'où les sept fugues
qu'il prétendra avoir faites entre l'âge de dix et dix-huit ans.
Bob Dylan |
The Freewheelin' |
The times they are... |
Another side of |
Bringing it all back home |
Blonde on blonde |
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1962 CD |
1963 CD |
1964 CD |
1964 CD |
1965 CD |
1965 CD |
1966 CD |
A dix ans, il fugue pour Chicago et
découvre la musique folk auprès d'un vieux noir, chanteur de rues, qui lui
offre une guitare. De retour chez lui, il s'initie à cet instrument, à
l'harmonica, au piano et à l'autoharp, et multiplie les escapades solitaires.
Il croise à 12 ans, lors d'une nouvelle fugue, le bluesman Big Joe Williams.
"Je n'ai jamais rien raconté de pareil", se défendra-t-il plus
tard à propos de sa supposée adolescence aventureuse, dont un de ses
biographes, Anthony Scudato, prétend qu'elle a été inventée de toutes pièces
par Dylan lui-même, soucieux de ne pas évoquer son enfance banale dans une
famille de petits-bourgeois juifs provinciaux.
Tout jeune, il prend des leçons de piano et
on raconte qu'il a écrit sa première chanson - sur Brigitte Bardot - à l'âge de
quinze ans, deux ans après avoir découvert sa première idole, Hank Williams,
dont il achète tous les disques qu'il peut trouver ou commander. Mais, en 1956,
sa seconde idole s'appelle Little Richard dont il a tous les 45 tours.
Lorsqu'au lycée, il forme les Golden Chords, un groupe de rock'n'roll, il
chante et joue du piano, à la manière du créateur de Tutti
Frutti, reprenant tout le répertoire du rocker noir, de Jenny Jenny à True Fine Mama,
tout en rêvant de se joindre à son orchestre. Rapidement prenant pour modèles James
Dean et Marlon Brando, il s'habille de cuir, possède une moto, et
fait de longues randonnées avec Echo Helstrom, sa première véritable petite
amie qu'il rencontre en octobre 1957 et avec laquelle il sortira jusqu'à
l'automne 1958 (il la chantera dans Girl From The North Country). Après Little Richard,
il se passionne pour toutes sortes de musiques et plus particulièrement pour le
blues. Le futur auteur-interprète de chansons comme Bob
Dylan's Blues, Subterranean
Homesick Blues, Tombstone
Blues, Memphis
Blues Again n'a que dix-sept ans, quand il écoute Jimmy Reed, Muddy
Waters, Howlin'Wolf, avant de côtoyer longuement Big Joe
Williams, puis de chanter au même programme que John Lee Hooker.
A 19 ans, il parcourt les USA en stop et en
60, obtient une bourse à l'université du Minnesota; ses influences littéraires
sont William Blake, Baudelaires, James Joyce, Celine et Raimbaud. Il se produit
dans les coffee-houses autour du campus de Dinkytown où il se fait passer, un
jour, pour orphelin, un autre pour le bassiste de Bobby Vee, affirmant à
qui veut l'entendre que, plusieurs fois, il a remplacé ce chanteur alors qu'il était
malade. Petit mythomane, un an plus tôt, il avait fait écouté un disque à des
amis en disant que c'était le sien alors qu'en vérité le titre de ce 45 tours, Do You Wanna Dance ?, allait, quelques
semaines plus tard, devenir le plus grand succès du rocker noir Bobby
Freeman.
A l'aube de la
nouvelle décennie, le jeune Zimmerman - qui fréquente alors les beatniks -
découvre Woody Guthrie et déclare à qui veut l'entendre que
celui-ci est sa dernière idole et que la prochaine ce sera lui, et personne
d'autre. Il est convaincu qu'un jour, il sera plus populaire qu'Elvis Presley.
Obsédé par la musique de Woody Guthrie, il abandonne son piano de rocker pour
la guitare folk. En stop, début 1961, il part à la conquête de New York. A son
arrivée, l'auteur de Talkin' New York dort chez
ceux qui veulent bien l'héberger, sinon dans le métro. Au mois de février, il
rend visite à Woody Guthrie hospitalisé, alors qu'il vient de composer à son
intention A Song To Woody. "Il était très
malade, se souviendra-t-il en commentant cette rencontre. Après lui avoir fait
écouter cette chanson, il m'a fait comprendre qu'il voulait en entendre
d'autres. Et il était la personne idéale devant laquelle j'avais envie
d'interpréter des chansons de Guthrie. Je crois que, depuis, je marche sur ses
traces. Avec ma guitare et mon sac à dos, je vais où il a été." En
réalité, cette année-là, il participe en tant que musicien à diverses séances
de studio pour Big Joe Williams, Hary Belafonte et Carolyn
Hester, la chanteuse folk que Richard Farina avait épousée en
premières noces. Côté scène, il joue en avril au Gerde's Folk City, et lorqu'en
août, il se produit au Club 47 à Grennwich Village, il sympathise avec le
couple Farina-Hester qui lui propose de séjourner chez lui. Le mois suivant,
Dylan accompagne Carolyn sur trois chansons de son premier 30-cm, dont Come
Back Baby qu'il lui a suggéré d'enregistrer. John Hammond Sr, qui
avait engagé Hester pour CBS, est impressioné par Dylan. Il lui propose un
contrat pour lequel Bob ne touche pas la moindre avance aux royalties :
"John Hammond voulait faire signer mon contrat à mon père car, à l'époque,
n'ayant que vingt ans, j'étais encore mineur. Je lui ai monté un bateau en lui
soutenant que je n'avais pour proche parent qu'un oncle dont j'avais perdu le
contact. Si bien que je l'ai signé moi-même."
Un premier 30 cm,
dont l'enregistrement ne coûte guère plus de quatre cents dollars, est réalisé
en douze heures. Bob Dylan, sur lequel
il chante House Of The Rising Sun, repris trois ans plus tard par l'Anglais Eric
Burdon et les Animals, se vend à peine à cinq mille exemplaires dans
l'année. Chez CBS, on se demande s'il ne faut pas lui rendre son contrat,
d'autant plus que son passage au Carnegie Chapter Hall, où il n'a attiré que
cinquante-trois personnes, est un échec retentissant pour cette grande maison.
Soutenu par Johnny Cash, vedette de CBS depuis 1958, John Hammond
réussit à lui faire enregistrer en 1963, The
Frewheelin' Bob Dylan, une deuxième 33 tours qui va bientôt rassurer
la direction. Entre-temps, Dylan est parti participer, à Londres, à un téléfilm
pour la BBC et jouer dans quelques clubs avec Richard Farina, en compagnie
duquel il a logé dans un hôtel de South Kensington. Sa petite amie du moment,
Suze Rotolo, que l'on voit sur la pochette, en lui parlant régulièrement des
réalités de la vie de l'homme noir, des brutalités de la ségrégation, et des
mouvements radicaux, l'a poussé à écrire des chansons socialement engagées. Des
vacances d'été interrompront passagèrement leur liaison, malgré de nombreuses
lettres de Dylan la suppliant de revenir à New York. Par la suite, cette
relation amoureuse reprendra jusqu'à l'irruption de Joan Baez dans la
vie/carrière de Bob.Alors que, dans son premier album, il chante dans l'esprit
des traditionnels, dans ce deuxième album,
Dylan dévoile ses premiers protests songs. Ce qui lui fait dire : "Je n'ai
rien à voir avec ces auteurs de chanson qui écrivent à longueur de temps des
paroles du style : Tu me mets en chaleur, et je te mets en chaleur … Il existe
d'autres sujets importants dans le monde, en plus de l'amour et du sexe. Les
gens ne devraient pas leur tourner le dos simplement parce que ce n'est pas
beau à voir. Cela dit, contrairement à la plupart des folk singers, je n'écris
pas mes chansons en lisant les journaux. Les idées sont dans ma tête. Les plus
criminels sont ceux qui détournent la leur en voyant le mal arriver".
C'est à ce moment là que Bob Dylan impose Blowin' In The Wind, qui sera repris en chœur par
les manifestants antiségrégationnistes du Civil Right Movement naissant. Chanté
par des dizaines d'artistes, de Peter, Paul and Mary à Marlène
Dietrich en passant par Sam Cooke, cet hymne tendre et puissant à la
fois fait de Bob une véritable légende vivante. Oxford
town contre les préjugés raciaux, Masters of War et A Hard
Rain's A Gonna Fall - composé alors que l'on parle d'une destruction
nucléaire imminente possible - imposent un troubadour corrosif, authentique
guide spirituel d'une génération troublée. Pour Bob Dylan, le folk est désormais
une locomotive qui lui sert de moyen de protestation. Octobre 1962 : les
Etats-Unis et une bonne partie de la planète tremblent en apprenant l'existence
de missiles soviétiques menaçant, de Cuba, la sécurité du monde dit libre.
Cette terreur, il n'hésite pas à la crier. Sa façon hargneuse de chanter irrite
une grande partie de ceux qui l'écoutent pour la première fois. Il démontre
qu'il n'est pas besoin d'être un grand vocaliste pour faire passer le message.
Ses détracteurs disent qu'avec sa voix rauque et nasillarde, il chante faux, et
que sa façon de jouer de la guitare et de l'harmonica est primaire. Bientôt les
musicologues compareront son style de guitare à celui du chanteur de country Merle
Travis, et son jeu d'harmonica à des bluesmen tel Sonny Terry.
Le concert que
Bobby donne au Town Hall de New York, le 12 avril 1963, fait de lui une vedette
à part entière. Ed Sullivan lui propose de passer dans son show télévisé du 12
mai. Au dernier moment, il refuse d'y participer parce qu'un représentant de
CBS lui interdit de chanter Talking John Birch
Society. En juillet, lorsqu'il est présenté à Newport par Joan Baez,
c'est l'adulation de la foule. A l'apogée de ce festival folk, elle reprend en
chœur Blowin' In The Wind. Le mois suivant -
tout comme Baez, Odetta, Belafonte, Peter Paul and Mary - il participe à la
grande marche sur Washington pour l'égalité des droits civiques dirigée par
Martin Luther King, qui prononce ces fameuses phrases : "J'ai eu un rêve,
Merci mon Dieu, nous sommes enfin libres …". Six mois plus tard, lorsque
sort son troisième 30 cm, The Times They Are
A-Changin', les grands hebdomadaires américains en font une
célébrité. Des revues comme Life et Newsweek s'emparent de lui. Ce disque donne un slogan à la génération montante,
consciente des problèmes socio-politiques (The Times
They Are A-Changin', With God On Our Side,
Only A Pawn In Their Game, The Lonesome Death Of Hattie Carol, Ballad Of Hollis Brown).
Ce qui fait dire
à Joan Baez : "Il écrit des chansons comme jamais personne n'en
avait écrites avant lui. Bob exprime ce que beaucoup de jeunes comme moi
ressentent, et ce que nous avons envie de dire sans y réussir comme lui. La
plupart des protest songs parlant de la bombe et des préjugés sociaux sont
stupides parce qu'ils n'ont aucune beauté. Ceux de Bob sont puissants comme la
poésie et la musique même."
La chanson-titre du 33 tours, édité un an
plus tard en Grande-Bretagne, lui donnera son premier succès dans ce pays. John
Lennon déclarera à ce moment-là, à propos de Dylan avec lequel il va se lier
d'amitié : "Les Beatles ont découvert Bob Dylan, en janvier 1964,
lorsqu'un D.J. français qui nous interviewait, avait près de lui un de ses
albums. Ce qu'on a entendu nous a plu, si bien qu'on a acheté tous ses disques.
Puis l'été dernier, lors de notre tournée américaine, on l'a rencontré. Il a le
même sens de l'humour que nous, et même si nos goûts musicaux sont différents,
ils se rejoignent quelque part. On peut s'en apercevoir à l'écoute de son Subterranean Homesick Blues. Bob est un petit gars
surprenant. Il est maigre et pas plus grand que notre batteur Ringo ; alors
qu'en l'écoutant chanter, on penserait plutôt que c'est un grand
gaillard."
Mais, déjà, la reconnaissance internationale
l'angoisse, le vedettariat l'agace, les journalistes aussi. Il ne veut pas
servir d'"étendard ou être le porte-parole de qui que ce soit". Au
festival de Newport (juillet 1964), il n'interprète pas de morceaux
protestataires, préfiguration de Another Side Of
Bob Dylan (sorti en décembre 1964). Cet album, qui rompt
radicalement avec ses anciens thèmes, privilégie l'introspection mystique et
sentimentale. L'artiste parle désormais plus de lui que des autres. Ainsi la
chanson autocritique My Back Pages ("avant
j'étais vieux, maintenant je suis devenu jeune"). Les premiers accents
rock'n'roll émergent. Le double ascendant de Rimbaud et de Dylan Thomas peut se
ressentir par une écriture qui s'affirme de plus en plus poétique et imagée.
Cette évolution se poursuit en mars 1965 (début de sa collaboration avec le
producteur Bob Johnston qui durera jusqu'en 1972) sur Bringing It All Back Home ; une formation
électrique et une batterie l'accompagnent.
Dylan dresse un bilan
du mouvement protestataire en forme de constat d'échec. Le répertoire chamboule
les folkeux : les textes sont basés sur l'imaginaire, le surréalisme et une
vision chaotique des Etats-Unis, peuplés de nains, de flics et de prostituées.
Ses détracteurs le présentent comme un traître à la cause politique et
artistique. S'il fait du rock'n'roll, c'est pour l'argent disent-ils. Personne
ne peut nier que Maggie's Farm, Love MinusZero/ No Limit, She
belongs To Me, It's all right, Ma ou It's
all over now, baby blue ne soient des chansons qui ont marqué leur
époque.
En mars 1965, c'est également la séparation
avec Joan Baez. Celle ci analysera plus tard : "Je voulais le faire
entendre. J'adorais m'en occuper. C'était un amour très maternel. Je souhaitais
faire partager aux gens sa musique que je trouvais brillante. Il était terrifé
quand ça a commencé à marcher très fort pour lui, ce qui le rendait
paranoïaque."
Le 25 juillet 1965, à Newport, accompagné
par le Paul Butterfield Blues Band, Dylan doit quitter la scène dès la
troisième chanson, sous les sifflets des spectateurs. "Ils peuvent huer,
je sais que ma musique est vraie, plus vraie que les huées", confie-t-il.
S'il perd des milliers de fans en s'électrifiant, il en gagne des millions
d'autres. Toute une partie de la rock génération est prête à le suivre, malgré
le nouveau bid gigantesque qu'il obtient, le mois suivant, au stade Forest
Hills de N.Y., avec un orchestre qui comprend Levon Helm et Robbie Robertson,
futurs membres du Band.
En août 1965, Highway
61 Revisited confirme la scission ; cet album rock aux premières
reminiscences bibliques, et aux textes plus hermétiques contient le celèbre Like A Rolling Stone. "La question n'est pas de
comprendre ce que j'écris, mais d'en saisir les sens", lâche-t-il,
condescendant. La voix y est parfois presque inaudible. Mike Blommfield
l'accompagne à la guitare. Dans la foulée, Dylan entame sa première tournée
rock'n'roll avec The Hawks (le futur The Band), puis une tournée
mondiale marquée par une émeute le 27 mai 1966 au Royal Albert Hall de Londres
(on doit l'aider à sortir de scène alors qu'il ne retrouve pas son chemin).
Quelques jours plus tard, il joue à l'Olympia, le dos tourné au public. Blonde On Blonde sort le même mois et marque un
nouveau tournant dans la carrière du poète : c'est le premier double album de
l'histoire du rock, et son œuvre majeure. Les thèmes amoureux, voir érotiques (I Want You, Visions Of Johanna) s'y affirment. Avec Sad-Eyed Lady Of The Lowlands, il évoque sa compagne
Sara Shirley Lowndes, qu'il a épousée le 25 novembre 1965, à Nassau. Quatre
enfants naîtront de cette union.
John Wesley Harding |
Nashville Skyline |
Planet waves |
Blood on the tracks |
Desire |
Slow Train Coming |
Oh Mercy |
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1968 LP |
1969 CD |
1947 CD |
1975 CD |
1975 CD |
1979 CD |
1989 CD |
L'immense succès se fait sans aucune promotion
de l'auteur, qui, à la suite d'un accident de la route sur sa moto, une Triumph
55, le 30 juillet 1966, va se retirer pendant presque deux ans de la scène
publique. Plusieurs vertèbres brisées, des commotions et des blessures au cuir
chevelu et au visage, il reste pendant une semaine dans une situation critique.
Il souffrira d'amnésie et de paralysie partielle pendant plusieurs mois.
Toutefois, ce sera aussi un avertissement : "Sans cet accident,
avouera-t-il plus tard, je serais sans doute mort rapidement". Pendant sa
longue convalescence (et une cure de désintoxication ?), il enregistre avec le
Band, installé tout près de chez lui à Xoodstock, les fameux Basement
Tapes, fréquemment piratés avant d'être mis sur le marché en 1975.
Dylan revient sur le devant de la scène le
20 janvier 1968 en participant au Woody Guthrie Memorial Concert, alors que
l'album John Wesley Harding sorti le
même mois, marque un retour aux sources. Sur des mélodies country -
enregistrées à Nashville -, Dylan s'attaque aux notables et aux nantis, et
aborde la religion ainsi que son enfance juive. Cette question le préoccupe de
plus en plus, au point d'envisager de vivre dans un kibboutz, après une viste
en Isarël, où il se produira pour la première fois en septembre 1987 (à Tel-Aviv
et Jérusalem).
De 1968 (alors que disparaissent Woodie
Guthrie et son propre père) à 1974, le chanteur marque le pas. Les albums se
suivent (Self Portrait, 1970 ; New Morning, 1970 ; Pat
Garret And Billy The Kid, 1973 ; Planet
Waves, 1974; Before the Flood,
1974) sans grand intérêt à l'exception touefois du très country Nashville Skyline, de 1969 (avec l'incomparable Lay Lady Lay et sa belle reprise de Girl From The North Country, en duo avec Johnny
Cash), tandis que ses apparitions publiques, de plus en plus rares, ont un
goût d'inachevé. Ainsi, en août 1969, au festival de Wight, où 250 000
personnes l'attendent depuis des heures, il se contente de chanter une heure
puis disparaît, sans retour. On note par contre une apparition réussie au
concert pour le Bangladesh, organsié par George Harrison, au Madison
Square Garden. Il y reprend avec brio Mr Tambourine
Man et Just Like A Woman. Les
aficionados commencent pourtant à crier au scandale et fustigent leur idole
pourrie par le fric et la dope. En 1972, Dylan change de producteur et entame
une collaboration avec Tom Wilson, qui durera jusqu'à la mort de celui-ci, en
1979. Il quitte également CBS pour Asylum.Visiblement, il se cherche.
A cette époque, commence, à Durango, au
Mexique, le tournage de Pat Garrett And Billy The Kid, de Sam
Peckinpah, où Dylan jour le rôle d'un hors-la-loi, Alias. Il signe aussi la
bande originale, qui contient un futur hit, Knockin On
Heaven's Door. Il consacre toute l'année 1977 à sa première réalisation,
Renaldo and Clara, le récit la tournée musicale Rolling Thunder
Review, où l'on retrouve le maître, Joan Baez, Joni Mitchell,
Mick Ronson, Arlo Guthrie et le poète Allen Ginsberg.
A cette occasion, Dylan chante pour la première fois Hurricane,
qui évoque le sort du boxeur noir Ruben Carter, accusé, injustement selon lui,
d'un meurtre. Long métrage de quatre heures, (ramené ensuite à deux heures), le
film, projeté en 1978, reçoit un accueil détestable. Dylan s'éloignera alors
pour un temps des plateaux de cinéma, si ce n'est pour une apparition dans le
beau film musical de Martin Scorsese, The Last Waltz, consacré au Band,
qui met un terme à l'aventure du groupe.
Entre-temps, en
janvier 1975, il produit le très bel album Blood On
The Tracks, avec le superbe Idiot Wind
qui ne dure pas moins de huit minutes, et, un an plus tard Desire, bien soutenu par le violon de Scarlet
Rivera et la voix d’Emmylou Harris. En 1978, Dylan entame sa première
tournée mondiale depuis 1966 ; elle passe par le pavillon de Paris, où
l’on ne se boucule pas. Beaucoupo prétendent que cette énorme production sert
d’abord à payer les frais de son divorce, qui a pris l’allure d’une gigantesque
bataille judiciaire.
Contre toute attente, Dylan, se convertit
au christianisme en 1979. " Un matin, je me suis senti poussé à aller
vers l’église. Je n’y croyais pas moi-même ". Cette anné là, l’album Slow Train Coming semble confirmer cette
orientation religieuse à travers un répertoire gospel et des titres explicites
comme Gotta Serve Somebody ou Precious Angel. On remarque quand même la présence
à la guitare de Mark Knopfler.
Beaucoup moins inspiré, Dylan pratique
alors des enregistrements irréguliers (Saved,
1980, Shot Of Love, 1981, Infidels, en 1983 où il semble tirer un trait sur
sa ferveur de cachétumène) et des concerts parfois hasardeux , au cours
desquels il revisite de façon souvent très brutale son répertoire, réinventant
les mélodies, modifiant le tempo, etc. Selon Hugues Aufray, admirateur
inconditionnel, " C’est de l’art moderne, pas du rock’n’roll. Avec
lui, on vit chaque fois une expérience. Il se remet toujours en question, c’est
un destructeur, et les primaires ne voient que l’aspect négatif de la
destruction. "
Au cours de ces
années d’errance, il signe en novembre 1983 son premier vidéo-clip
"Sweeheart Like You", participe le 29 janvier 1985 à l’enregistrement
de l’album humanitaire We are the world
et clôt, le 13 juillet, le concert Live Aid, avant de partir pour Moscou,
où il donne le 25 un récital en faveur de l’Union des écrivains soviétiques, au
stade Lénine de Moscou. Cette année 1985 est marquée aussi par la sortie d’un
bon album, Empire burlesque, bien
soutenu par Tom Petty et les Heartbreakers, et de Biograph, un coffret rétrospectif comprenant 53 titres.
En février 1986, il engage avec Tom
Petty une tournée en Nouvelle-Zélande, qui se poursuit pendant l’été aux
Etats-Unis. Il y retrouve un peu de tonus, encouragé par ailleurs par le succès
de son dernier album, Knocked Out Loaded,
avec des titres comme Brownsville Girl,
coédité par Sam Shepard - acteur et écrivain, un temps compagnon de Patti Smith
- ou Got My Mind Made Up.
Ces évènements positifs le déterminent à se
lancer en juin 1989 dans une gigantesque tournée, baptisée par la suite
" The Never Ending Tour ". Pendant sept ans, l’homme n’a
presque pas quitté la route. Ce sera une épopée en dents de scie, Dylan
alternant là encore le bon et le moins bon, allant parfois jusqu’à chanter 5h30
d’affilée, comme il le fit, en 1990, au Toad’s Place, dans le Connecticut.
Dylan trouve quand même le temps d’enregistrer des albums : Oh mercy, en 1989, produit par le chanteur
acadien Daniel Lanois, contenant de véritables pépites comme Political world, Man in the
long black coat ou Ring Them Bells. En
1991, il propose un coffret anniversaire de 58 inédits, The Bootleg Series Volumes (1961-1991),
qui renferme notamment une longue complainte en hommage à son père spirituel, Last Thoughts On Woody Guthrie, enregistrée le 12
avril 1963. A noter aussi Good As Been To You, en 1992, et World Gone Wrong, l’année suivante.
Vient le temps
des hommages. En janvier 1990, Jack Lang, ministre français de la Culture, lui
décerne la médaille de commandeur des Arts et des Lettres, une distinction qui
s’ajoute à son Grammy Award de 1980, son Ascap Founders Award de 1986 et son
Lifetime Achievement de 1991, saluant trente ans de carrière. Un concert au
Madison honore évidemment l’événement, avec Richie Havens, Johnny Cash, John
Cougar, Eric Clapton, George Harrison, Tom Petty, Neil Young et Tracy Chapman.
Le maître apparaît seulement au final, plus nasillard que jamais. L’année
suivante, suit sans coup férir, un double CD : The 30th Anniversary
concert. En 1995, outre l’inévitable album Unplugged, il enrichit sa
production littéraire - Tarentula, en 1970, Ecriture et peinture, en 1973 -
d’un recueil de dessins, Drawn Blank.
En 1997, Bob avait sorti son album Time out of Mind et le monde resté
globalement indifférent aux disques publiés par l'icône pendant les années 80
et 90 se prosternait soudain aux pieds du vénérable chanteur-compositeur
comme si les sixties recommençaient et le dévoilaient de nouveau à son
pic absolu de créativité. L' album était troublant. Dylan le définira plus tard
comme un documentaire sonore sur "les dures réalités de la vie, à
l'opposé de l'idéalisme béat en vogue ces jours-ci... C'est un album hanté
parce que je le suis aussi en ce moment. Je ne me sens en harmonie avec
rien."
La musique même possédait une résonance
spectrale, comme si les musiciens de sessions l'ayant concoctée avaient fait
partie d'un groupe de bar rhythm'n'blues à la fin des années 50 avant de
s'évanouir pendant des années sur une autre planète. Les paroles de Dylan
traitaient de la maturité, de son incapacité à trouver l' amour véritable, de
la solitude liée au statut de légende vivante et, surtout, de l'ombre palpable
de la mort rôdant autour de quiconque approchant la vieillesse. "Parfois
mes fardeaux sont trop lourds à porter/C'est pas encore les ténèbres mais on
s'en approche", confessait-il sur le titre le plus intime de l'album, Not
Dark yet. De fait, la mort pesait lourdement sur l'esprit de Dylan en 1997:
il avait presque succombé cette année-là à une péricardite, inflammation de la membrane
qui entoure le muscle cardiaque.
2001.
Dylan a 61 ans et n'a sans doute pas dit son dernier mot. Love & Theft en est la preuve éclatante. L'album
montre un Dylan de nouveau en bonne santé, quoique toujours peu ou prou dans la
lignée de Time. Ses nouvelles
paroles restent enracinées dans la tradition des chansons américaines, telles
qu'on les entend sur le coffret Anthology of Folk
Music de Harry Smith, et chargées de références au vieux
blues, de Charlie Patton à Willie Dixon. Dylan demeure également
très préoccupé par sa mortalité. "Le futur, en ce qui me concerne,
appartient déjà au passé", grommèle-t-il dans Bye
& Bye. Mais, à l'inverse du glaçant Time out of Mind, l'album d'aujourd'hui se
révèle plus alerte et joueur, marqué à la fois par un formidable appétit de
vivre et un humour dévastateur. Disparues, les atmosphères ténébreuses de Daniel
Lanois: Dylan et son groupe se paient du bon temps en dévalant du country
blues primitif ou de douces ballades jazz-folk à la Django Reinhardt.
L'idée qu'il cherche à faire passer tout au
long de cet album est que vieillir ne signifie pas nécessairement voir sa
créativité diminuée. "Je mourrai avant d'être sénile",
annonce-t-il triomphalement sur Cry Awhile. Une
autre chanson intitulée Summer Days & Summer
Nights s'apparente à September Song,
sauf qu'à l'inverse de Kurt Weil, Dylan choisit de célébrer ses mûres
années d'une voix émoustillée, sur un rugueux rockabilly basé sur Shake Rattle & Roll, le classique de Big Joe Turner
Il n'y a pas un seul titre médiocre sur cet
album, et beaucoup peuvent rivaliser sans peine avec les meilleures chansons de
sa carrière toute entière. Lonesome Day Blues
et Honest with me montrent le maestro
miraculeusement reconnecté au blues authentique qu'il explorait pour la dernière
fois sur Highway 61 Revisited,
avec une intensité à couper le souffle. High Water
est une chanson sublime sur la folie de l'Amérique actuelle, avec des paroles
où flottent fugitivement les fantômes de Big Joe Turner et Charles
Darwin. Floater et Po'Boy évoquent les
brillants "films d'époque" (fourties, fifties) de Woody Allen.
Les étonnants talents de conteur dont Dylan fit preuve sur Blood on the Tracks sont une fois de plus
mis à l'œuvre ici. Après quoi Dylan clôt l'album sur une note étrangement maussade
avec le venimeux adieu à un amour qu'est Sugar Babe.
Jamais le chanteur n'a sonné plus triste, amer et seul que sur cette
chanson qui inclut des phrases comme: "Chaque moment de l'existence
ressemble à une mauvaise blague/Le bonheur apparaît brusquement, et s'en va
tout aussi vite."
Hormis
ce dernier titre, Love & Theft est
un album enjoué. Le groupe qui accompagne Dylan le soutient formidablement et
lui-même n'a jamais mieux chanté. Ecouter sa voix de vieux ronchon et son
phrasé, sur ces douze chansons, équivaut à regarder Charlie Chaplin dans
n'importe lequel de ses films classiques. Love
& Theft n'est pas seulement aussi bon que Time out of Mind, mais probablement encore
meilleur. A l'arrivée, Dylan vient de nous offrir un nouvel album de
l'envergure de Blonde on Blonde et
Blood on the Tracks. Seuls les
imbéciles se risqueront à l'ignorer.
D'autre part, Dylan enchaîne depuis la fin
des années 1980 un nombre étonnant de concerts sur les cinq continents,
davantage que n’importe quel autre artiste de sa génération, à un rythme qui
s’est encore accéléré ces dernières années. Cette Tournée sans fin, (Never
Ending Tour comme les fans l'ont surnommée en français) est l’occasion pour
lui de revisiter ses standards en laissant la part belle à l’improvisation :
son groupe change de morceaux tous les soirs, et ne rejoue quasiment jamais une
chanson de la même façon d’un soir sur l’autre.
D’autre part, alors que Martin Scorsese lui
consacrait un film documentaire intitulé No Direction Home, Dylan
finalisait la rédaction de la première partie de ses mémoires. Surprenant comme
toujours, ce volume apporte une vision personnelle sur des périodes mal connues
de sa vie, comme ses débuts à New York, ou l’enregistrement de Oh Mercy en 1989. La parution régulière des Bootleg Series, enregistrements pirates jadis
introuvables, désormais remasterisés et officiels, et dont la source paraît
intarissable, ravit les admirateurs en levant le voile sur des enregistrements
légendaires disponibles pour la première fois. Le huitième volume de cette «
série », Tell Tale Signs: Rare and Unreleased
1989-2006, sera distribué en octobre 2008.
Le 28 août 2006 paraît son dernier album
intitulé ironiquement Modern Times, en
référence au film de Charles Chaplin. Il constitue le troisième volet
d'une trilogie commencée en 1997 avec Time Out of
Mind. Produit par Dylan et enregistré dans des conditions quasi live
avec le groupe qui l'accompagne sur scène, ce nouvel opus retrouve les accents
de jazz, de ragtime, de bluegrass et de rockabilly de son précédent opus Love and Theft, dans une ambiance plus feutrée et
glamour, qui fait désormais clairement référence à la période d'or des années
1930 : celle des postes à galène, de Bing Crosby et de Louis
Armstrong. Pour accompagner la sortie de cet album, Dylan a déclaré dans le
magazine Rolling Stone que rien de ce qui avait été fait depuis les 20
dernières années n'avait grâce à ses yeux. Dans une prose biblique, parfois
surréaliste, matinée de références au monde contemporain à travers des
évocations de l'ouragan Katrina, des attentats du 11 septembre 2001 ou encore
une déclaration d'amour déguisée à la jeune vedette du R'n'B Alicia Keys,
Dylan y revisite à travers dix titres intemporels les influences musicales de
son jeune âge, endossant avec aisance et une gaieté non dissimulée le costume
de la tradition américaine du siècle qui l'a précédé. En octobre 2007, sort Dylan 07, destiné à faire découvrir sa musique,
ainsi que le remix inclus de Most Likely You Go Your
Way And I'll Go Mine par le DJ Mark Ronson. En décembre 2007, le
film de Todd Haynes, I'm Not There s'inspire « des nombreuses vies » et
chansons de Bob Dylan qui est interprété par six acteurs et une actrice.
En avril 2008, il obtient le prestigieux prix Pulitzer, « pour son profond impact sur la musique populaire et la culture américaine, à travers des compositions lyriques au pouvoir poétique extraordinaire », selon le jury. Dylan classique ou moderne ? Près de quarante-cinq ans après son arrivée à New York, le barde énigmatique de Duluth n'en finit toujours pas de faire parler de lui.